27 novembre 2015

Ressources : état d'urgence, écrits critiques

Je mets ici quelques articles critiques envers l'état d'urgence et ses conséquences, la rhétorique policière, martiale et nationaliste du gouvernement (qui se fait applaudir par les extrême-droites d'Europe), ainsi que des textes donnant quelques informations factuelles.
Parce que j'ai pas la force. Parce que j'arrive pas à mettre en ordre toute la rage que j'ai dans ma tête vis-à-vis du gouvernement et autres patriotes flics militaristes cadavérisés. Et parce que je sais pas quoi faire contre tout ça. J'ai une certaine envie d'hiberner jusqu'à la révolution, voyez-vous. Bref, du coup, si ça peut aider à causer de ça à des proches convaincus du bien-fondé de des mesures prises, par exemple, ou vous aider, comme ça m'aide aussi, à faire le tri, et à voir que vous êtes pas tout-e seul-e, voilà.

Billets d'humeur

 

Conséquences concrètes  

Les violations de la vie privée, pratique systématique dans les perquisitions arbitraires de ces derniers jours : Interview de Me Guez Guez ici et quelques infos supplémentaires de sa part sur twitter, toujours utiles
Infos et témoignages suite à la manif du 22 novembre (interdite mais qui a eu lieu tout de même, donc) par des camarades (et notamment ce qui peut vous arriver en GAV)
L'Etat profite de l'état d'urgence pour annihilier toute contestation politique
Les modifs constitutionnelles à venir 
Un exemple local, la situation à Tours sous l'état d'urgence 
Etat d'urgence : le pire est à venir (notamment sur des projets de lois permettant des perquisitions quasi hors de tout cadre légal, une surveillance accrue des lieux publics, des connexions plus performantes entre tous les fichiers administratifs des personnes, Sécu par exemple...)
Sécurité : l'exception va devenir la règle (sur le même sujet, plus détaillé)
Des lycéens menacés par les fusils de la BAC pour avoir tenté de bloquer leur lycée 
Billet d'un assigné à résidence

  • Violences vis-à-vis des pauvres et personnes racisé-es

 

Contre les conneries qu'on peut entendre à propos de l'islam



Sinon, il y a ce très utile wiki de la Quadrature qui montre l'ampleur du désastre en recensant les joies (ou non) de l'état d'urgence. Ou un article sur l'objectif effectif et les origines de Vigipirate.
Et l'indispensable guide de survie en état d'urgence

Bonus : chouette poème de Jean Zay sur le drapeau français et ceux de Benjamin Péret sur le sujet.

5 octobre 2015

Merci patron

Je voulais juste dire ma grande joie du traitement réservé à la direction d'Air France par les employés et mon mélange d'agacement et de lassitude envers les militants qui déplorent cette "violence" (la chemise d'un patron a été arrachée, mon Dieu mais c'est sanguinaire (sic) !!). Des objets deviennent le centre de la discussion, alors que le véritable enjeu est celui de vies humaines.
Les ouvriers, la vraie violence ils la vivent déjà. La violence, ce sont (entre autres) les licenciements et le mépris, et aussi tout ce qu'ils ont pu vivre de pressions et de craintes auparavant (et je ne parle même pas de la violence intrinsèque de l'exploitation). Mais comme d'habitude, on efface cette histoire. C'est plus simple.

On a des gens à l'abri du besoin et pas trop menacés par des licenciements ont aussi beaucoup dit que cette violence desservait la cause ouvrière. Plusieurs choses : déjà, on voit/entend en général pas tellement ces gens le reste du temps "pour la cause ouvrière". Ensuite, la non-violence seule n'a jamais rien changé de manière radicale (et quand tu es acculé, t'as pas le temps pour des résultats à moitié). Et je dis "seule" parce que ça fait des semaines que les salariés d'Air France essaient la solution polie.

Faut bien piger qu'il y a un moment où la violence est la seule solution. Quand tu es acculé, quand tu subis toi-même une violence inouïe, quand tu as peur pour ta vie (parce que oui quand t'es licencié je peux facilement imaginer que tu as peur pour ce que sera la suite de ta vie), la violence "devient suicidaire en elle-même" (Robert F. Williams). C'est pas possible. Chercher à lui "faire comprendre" est vain. Parce que l'oppresseur t'écoutera pas. Ce n'est pas sa réalité, ton cri est juste un "bruit". "L'oppresseur n'entend pas ce que dit son opprimé comme langage mais comme un bruit. C'est la définition de l'oppression [...] L'oppresseur qui fait le louable effort d'écouter (libéral intellectuel) n'entend pas mieux. Car même lorsque les mots sont communs, les connotations sont radicalement différentes. C'est ainsi que de nombreux mots ont pour l'oppresseur une connotation-jouissance, et pour l'opprimé une connotation-souffrance." (Christiane Rochefort) "Sortir les couteaux" devient vital. C'est la seule façon possible pour être entendu d'une part et changer les choses d'autre part. 

Quoi qu'illes fassent, les opprimé-es qui n'acceptent pas la violence de l'oppression seront vues comme violent-es. La violence des dominants est toujours minimisée. La violence du dominé est toujours amplifiée, rendue énorme, exceptionnelle, scandaleuse, alors qu'elle est souvent bien moindre que la première. Le pouvoir cnsidérera toujours son opposition un minimum radicale  (je veux dire, pas l'opposition des débats parlementaires hein) comme agressive.

On a dit que diviser la situation entre bon ouvriers et méchants patrons revenait à "voir le monde en noir et blanc". Let me tell you something : quand tu ne sais pas si tu pourras avoir un toit sur la tête dans les prochains mois, les subtilités de la personnalité de ton patron, tu en as un peu rien à carrer. Et puis savoir de quel côté de la barricade on se trouve n'empêche pas de réfléchir, faire évoluer, critiquer les positions de son camp.

Enfin, si vous êtes de ceux qui disent que "la violence ne résout rien", je vous invite à regarder d'un peu plus près l'histoire ouvrière, ne serait-ce que celle du 19ème siècle (et à ce propos je vous conseille l'excellent livre de Paul Mason, malheureusement pas traduit en français, Live Working or Die Fighting, qui met en parallèle luttes ouvrières passées et présentes).

Et puis, vous en faites pas, ça va aller pour la direction d'Air France. Xavier Broseta va retrouver son lot douillet, une chemise neuve à 300 balles et ses soutiens politiques en rentrant chez lui. Ça va aller pour lui. 
Mais rien ne m'enlèvera de l'esprit que, ce qui leur arrive, ils le méritent.

13 septembre 2015

"Simplissicool Cuizine", nouvelle cantine gastro-pop au top de la gentrification :)

C'est dans l'un des quartiers les plus populaires de Paris, au touchant côté sans-le-sou et cosmopolite, qu'est sise la cantine Simplissicool Cuizine. Un coin à la déco bohème, à la clientèle 100% blanche, qui vous fera découvrir des mets sains, bios, vegan, sans gluten, sans lait et sans fruits à coque, et très peu chers !

Le resto a été ouvert il y a deux jours par Clémentine et Marcella, tombées amoureuses du coin où le marché des restos branchés reste encore très ouvert. "On avait hésité à ouvrir un bar où l'on ne servirait que des plats à base de banane, nous confessent-elles, mais cela nous aurait obligé à les faire venir de loin et ce n'était pas compatible avec notre éthique bio-cool". Alors elles ont opté pour des mets plus variés mais placés sous le signe du raffinement simple et détendu, le tout dans une ambiance années 50 : chaque meuble, vase, miroir a été chiné par les patronnes elles-mêmes !

A Simplissicool Cuizine, pas d'assiettes, pas de tables ni de couverts, on mange à même le sol et avec les mains, pour une petite touche d'exotisme qui fait écho au quartier. Tout un concept qui met la convivialité au rendez-vous, ça donne envie de faire pareil dans son loft ! On peut déguster leur spécialité légère, le "Frugal Parisian", une demie baguette avec un oignon à éplucher soi-même, mais aussi la tomate cerise avec sa sauce au soja et au topinambour, la glace au quinoa, ou encore les brins de thym confits avec un coulis de salade verte. Et pour le dessert, on vous recommande le mi-cuit tofu-chocolat, un délice.

"On espère que les pauvres vont venir, on a fait de notre mieux pour garder des prix accessibles, affirme Clémentine. Si à 15 € le brin de fenouil ils vont toujours chez MacDo au lieu des bonnes brasseries gastronomiques, c'est vraiment de la paresse intellectuelle !" A bon entendeur. En attendant, ParisBranchouille ne peut que vous exhorter à faire un tour à la Simplissicool Cuizine, qui contribue grandement à donner de la saveur au quartier.


Simplissicool Cuizine, 6 rue Bourge, 7500018. Comptez 37 € le plat, 42 € le menu plat + dessert, 48 € le brunch du dimanche.



(Billet librement inspiré des chroniques de restaurants de Parisbouge.com, où l'on apprend que vraiment la déco bien française de ce resto thaï change agréablement des décors moches habituels des trucs asiatiques, ou encore que la rue Saint-Blaise, en bas de laquelle se trouve une cité dans laquelle les auteur-es de la chronique ne pourraient pas faire trois pas sans trembler, est "pittoresque", et que remplacer des anciens kebabs c'est vraiment une grande amélioration)

20 mars 2015

Le Printemps des poètes ou l'insurrection sous verre

C'est le Printemps des Poètes en ce moment ! C'est trop bien, la RATP participe ! Toute le monde s'y met, en plus c'est sur l'insurrection poétique, tu devrais aimer !

Non.

Le Printemps des Poètes a été créé par un ministre (le même qui a fait la Fête de la Musique, évidemment), déjà. Aberration. la poésie dans les ministères, meilleure solution pour édulcorer les mots, effacer la passion, voire valider une poésie correcte, gentille, rendue gentille. Détourner la liberté : elle ne vient plus des gens, mais émane de l'Etat. Moyen classique et efficace de la dépolitiser. On dit : "vous voyez ! l'Etat aime la liberté ! Tenez, d'ailleurs c'est lui qui vous la donne, vous la produit, vous la met en scène, vous la découpe, vous l'encadre." Alors, la poésie n'est plus protestation en elle-même, pourra éventuellement dire une petite opposition, mais comme elle sera validée par l’État, on pourra toujours sentir derrière un petit commentaire tacite du genre "oh, cette poétesse s'insurge, c'est si charmant."

La RATP s'inscrit dans la même logique. Jusqu'à la semaine dernière, on pouvait entendre dans les hauts-parleurs sur les quais du tram des extraits de poèmes.
J'ai pu avoir le plaisir d'en subir trois : un extrait de Verlaine, un d'Eluard, un de Vian. Mentionnons aussi un de Rimbaud sur les quais du métro, en affichette.
Je ne me rappelle plus des vers de Vian, mais c'était quelque chose d'assez champêtre il me semble. Vian qui faisait l'éloge des pirates, écrivait "Le prix d'un parlementaire", écrivait dans "La Vie en Rouge" (Cantilènes en gelée)
[...]
On vit en mâchant des morceaux 
Des seins arrachés en saignant
Qu’on accroche au bord des berceaux
On a du sang sur tout le corps
Et comme on n’aime pas le voir
On fait couler celui des autres
Un jour, il n’y en aura plus
On sera libres".

et était d'un profond antimilitarisme : "Le déserteur" mais aussi "La marche arrière" .

C'est la marche des p'tits gars qui veulent pas la faire
La marche de ceux qui croient qu'on est bien mieux chez soi
Un coussin sous le derrière
Par-devant un feu de bois
Avec une belle fille qui prépare le rata
C'est la marche des assis, la bonne marche arrière
Celle des civilisés, la marche de la joie
Un soldat sans uniforme
C'est d'une bien plus jolie forme
Car ça a la gueul' d'un homme et c'est bien mieux comm' ça.

Ceux qui sont partis se battre un flingue en bandoulière
Et qui dorment quelque part sous une croix de bois
S'ils sortaient du cimetière
Chanteraient à pleine voix
Que l'on était mieux sur terre et qu'il faisait moins froid
Ils regrettent le soleil le dimanche et les filles
Et tous les plaisirs légers qu'ils ont perdus là-bas
Faut passer sa vie entière
A chanter la marche arrière
Marche de ceux qui s'arrêtent et qui ne marchent pas

D'Éluard, ils reprennent le poème entendu tellement de fois qu'on l'a vidé de son sens, "Liberté", alors qu'il a écrit des choses tellement moins scolaires, tellement plus profondes, tellement plus surréalistes, en rupture. Je connais moins Verlaine et je vais être plus méchante (parce qu'il y a une raison pour laquelle je connais moins Verlaine : j'aime pas) en disant que c'est de toute façon un poète tellement pas politique qu'il n'y a même pas besoin de l'édulcorer pour qu'il soit acceptable. Quant à Rimbaud... trouver comme seul extrait possible "On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans", c'est assez gonflé. Surtout que ce poème parle peut-être de vie insouciante, mais d'insurrection... Rien que "Ma Bohème", s'ils voulaient rester dans les clichés, aurait été plus pertinent. Il a écrit des poèmes érotiques, irrévérencieux, des poèmes sur les putains de Paris et sur la Commune, des poèmes dénonçant la guerre et décrivant la pauvreté de gamins, alors comment vous dire.
Donc la RATP choisit seulement des extraits, déjà. Et elle prend bien soin de faire en sorte que ça ne soit pas violent, pas cru, pas politique. Ils rendent les vers niais parce qu'on n'a pas le contexte du poème.
On retrouve ça par le concours qu'organise cette entreprise capitaliste qui met des amendes aux pauvres (surtout les Noirs et les Arabes) qui peuvent pas se payer une sortie à plus de 500 m de chez eux. Le fait même qu'un tel organisme organise un concours de poésie suppose que des gens vont être sélectionnés pour apparaître par extraits affichés dans les rames, et que ceux qui auront pris au mot l'intitulé du concours n'auront pas voix au chapitre. Tant d'esprit insurrectionnel me bouleverse.

La bibliothèque de ma fac participe. Nous avons donc, dans le hall, des "objets punks" (fanzines notamment) exposés sous verre, à côté de quelques bouquins (un peu plus intéressants que les choix de la RATP : Ghérasim Luca, Ginsberg, Artaud...). Le punk sous verre. Ça serait ridicule si ça n'était pas insupportable.

Voilà ce que ça donne, le Printemps des poètes. Institutionnalisation de la liberté et d'œuvres créées justement en réaction contre l'institution. Ça oui, punaise, ça me fout en colère. Et ça me désespère parce que, si l'Etat récupère la rage des gens et donc la diminue, l'étouffe, jusque dans la poésie, où y a-t-il encore de la place pour l'insurrection ?

Voilà, c'est un texte écrit un peu à l'arrache, alors si vous voulez lire plus construit sur le sujet, ce très très bon billet.

15 janvier 2015

Union sacrée tu m'auras pas

L'attentat à Charlie Hebdo et la tuerie du magasin cacher ont donc conduit le gouvernement à décréter (ou instiller plus ou moins tacitement, je ne sais pas) une politique d'union nationale.

J'ai un léger problème, du coup. Voilà : je conchie l'union nationale. Oui, les événements m'ont émue. Mais voilà, c'est une émotion, ça passe. J'avais déjà du mal avec les propos niais, larmoyants, les dessins de crayons qui saignent et le ton "Charlie Hebdo martyrs de la liberté d'expression". Mais alors s'il y a une chose que je ne supporte pas, si vous voulez me donner la nausée, une chose à faire : louer cet état de réconciliation hypocrite, artificiel, face à un adversaire qui, selon les bourgeois, mérite qu'on se laisse faire à ce petit jeu.

Non, désolée. Je ne veux pas jouer avec vous. Je veux pas aller me les geler place de la République et être contente du nombre de manifestants juste parce qu'une abstraction m'y enjoint. Je ne suis pas unie avec le reste de la France juste parce qu'il est le reste de la France. Je ne suis pas unie avec Le Pen. Je ne suis pas unie avec Dieudonné. Je ne suis pas unie avec Hollande, avec Sarkozy, avec le patron de La Poste (dont les salariés sont en grève un peu partout en France en ce moment sans que grand monde n'en parle), avec Caroline Fourest, ni avec tous ces citoyennistes de mes deux. Je ne suis pas de leur côté. Je vais sonner comme une révolutionnaire primaire, mais il y a deux côtés de la barricade. Je pense qu'on peut (qu'on doit) se poser toutes les questions qu'on veut, mais rester conscient.e.s de qui on soutient. 
Parce que là, vous n'avez pas soutenu la liberté d'expression ou même les proches des victimes. Vous avez juste soutenu la bourgeoisie, la mièvrerie, le lissage des plateaux télés, le racolage, le gouvernement des peuples par l'émotion. Two fucking thousand people ont été tués au Nigeria par votre "ennemi intérieur" et tout ce qu'on a trouvé à faire en France c'est être 4 millions à marcher pour la tolérance, la liberté d'expression et la paix avec Dieudonné, Viktor Orban, le roi de Jordanie, un représentant du gouvernement turc, un représentant des Etats-Unis où les crimes raciaux de cet été n'ont toujours pas été reconnus, j'en passe et des meilleurs. Je suis sûre que les types de Boko Haram sont, à l'heure qu'il est, allés s'engager dans les droits de l'Homme, et que Recep Tayyip Erdoğan ou le président tunisien ont libéré tous leurs prisonniers politiques.

Ça me fout les jetons, cette soudaine solidarité (qui n'en n'est pas vraiment une), ce soudain engagement politique (qui n'en est pas vraiment un). Demandons-nous pourquoi tout d'un coup des gens se découvrent des convictions "politiques" : c'est facile. C'est facile de dire Je suis Charlie. Mais c'est pas de la politique (je parle de politique au sens premier du terme : réfléchir à comment faire marcher une société). C'est facile de dire que le terrorisme c'est mal. 
Où êtes-vous pour les victimes de la police ? Où êtes-vous pour les travailleurs et les chômeurs immolés ? Où êtes-vous pour ceux qui peuvent (je suis consciente que c'est un privilège) lutter sur le terrain ? Où êtes-vous pour les femmes voilées tabassées en pleine rues, les discriminé.e.s à l'embauche à cause de leur simple nom ? Pour réfléchir au caractère structurel des oppressions ? Où êtes vous où pour organiser une résistance ? Où êtes-vous pour les terroristes masculinistes, les terroristes flics, les terroristes patrons ? Où êtes-vous pour la grève générale ? Ce serait ça, une belle "union nationale"... Et dans quelques mois, quand tout ça sera bien fini, vous retournerez à vos moqueries sur les militant.es révolutionnaires, féministes, anarchistes, antiracistes.

Je sature du vocabulaire guerrier. Surtout de notre part, en France. 2 millions de gens ont été tués au Nigeria par des islamistes et nos dirigeants à nous hurlent partout qu'on est en guerre et en profitent pour soumettre des projets de lois ultra-répressives. Mais en guerre contre qui ? Une entité tellement mouvante que ça permet de faire gober aux gens n'importe quoi, dis-donc. 
Ils font arrêter des gens qui gueulent des conneries bourrés ou qui parodient des Unes de Charlie avec pour motif : "apologie du terrorisme". Plus drôle encore : des avocats ont refusé de défendre certains de ces accusés d'apologie du terrorisme. Je croyais que le fait que tout le monde ait droit à un procès équitable c'est une des choses dont votre nation se targue ? Vous auriez refusé de défendre les connards de La Manif pour Tous ?
Proposition de renforcer l'espace Schengen. Les mecs étaient Français. De surveiller Internet encore plus. Les mecs ont été radicalisés en prison, dont ils filmaient il y a quelques temps les conditions de survie immondes. Nos gouvernants sont décidément des génies aux voies impénétrables.

Plus de cinquante agressions contre des musulmans recensées en France depuis l'attentat dont des putain de tirs de grenades. Vous croyez que c'est la faute de qui ? Que ces ordures islamophobes sortent de nulle part ? Ou que l'éducation raciste se fait uniquement par papa-maman ? Non, c'est drôle, l'éducation ça passe aussi beaucoup par ce qu'on lit/entend dans notre environnement quotidien hors de la famille et de l'école, c'est-à-dire par les médias et ce qu'on y lit. Il y a les articles biaisés sous-entendant que les musulmans sont tous des immigrés qui nous piquent notre pain, sont tous des islamistes, qui font bien comprendre que les musulmans ne seront jamais vraiment considérés comme français (David Pujadas parlait l'autre soir de mariages entre musulmans et françaises, on l'applaudit bien fort), qui sous-entendent que les femmes voilées ne le sont jamais par choix et que leurs maris sont tous des tyrans ultra-religieux. Oui parce que, si l'extrême-droite joue toujours son rôle, elle est loin d'être impliquée partout. Il n'y a pas que des connards professionnels qui attaquent les musulmans, il y a aussi des connards qui y sont arrivés petit à petit, portés par le flot de l'islamophobie ambiante. Et il y a aussi les paroles des politiciens rapportées dans ces torchons, qui disent les mêmes choses, cautionnant ainsi les préjugés et la haine de toute une catégorie de la population (sans compter les Rroms, les immigrés en général ou les bénéficiaires des minimas sociaux).

La liesse anesthésiante est aussi favorisée par des trucs comme offrir la légion d'honneur et la nationalisation au jeune musulman qui a sauvé une quinzaine de clients dans le magasin casher l'autre jour. Alors oui, ce gars est admirable. Mais du coup, la nation le récupère. On le politise. "Tu as fait ça pour la nation" ben euh non, il a juste sauvé des êtres humains quoi. Et puis ça sous-entend que la nationalisation se mérite. Or, non, on "mérite" pas de pouvoir vivre comme tout le monde sur un territoire et de pouvoir circuler librement. C'est bête hein, même si le gouvernement aimerait bien parce que ce sont des obsessionnels du mérite, ça marche pas comme ça. Le Pays des Droits de l'Homme, garantis à la naissance, toussa, voilà, je, hem. (J'aime pas le concept de droits, mais c'est une autre question).

Pis le dernier truc, c'est leurs inquiétudes pour les jeunes. Et que je te ponde des tonnes d'articles sur la difficulté pour les profs d'en parler à leurs élèves, sur comment l'école est le rempart contre le terrorisme, sur comment les jeunes du 93 sont rien que des cailleras enfants d'assistés et comment c'est trop étonnant qu'ils condamnent le terrorisme (wahou, ils sont intelligents ces mômes, mine de rien !). Ces articles sont d'un mépris dingue et me filent des boutons parce qu'ils puent la vieille France, les volontés de "redressement" des mauvais garçons, de moralisation... de lavage de cerveau, quoi. La ministre de l'éducation, Najat Valaud-Belkacem, a eu ces phrases éclairantes : «Même là où il n’y a pas eu d’incidents, il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves. Nous avons tous entendu les "oui, je soutiens Charlie, mais", les "deux poids deux mesures", "pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là". Ces questions nous sont insupportables, surtout lorsqu’on les entend à l’école qui est chargée de transmettre des valeurs. Des valeurs qui nous paraissent absolument évidentes comme la liberté d’expression, la laïcité, le rejet viscéral de l’antisémitisme, le respect de la loi et de l’autorité, ne le sont pas tant que ça pour un certain nombre d’enfants, de jeunes, d’adolescents». Ainsi donc, on courrait à la catastrophe parce que des gamins réfléchissent. Ainsi donc, on ne mettrait pas les enfants à l'école pour les émanciper ? Moi qui croyais...
On s'est mis en tête de remettre dans le droit chemin les petits délinquants qui n'ont pas fait la minute de silence. Eric Ciotti (la blague pourrait s'arrêter là, mais il y a plus drôle), se sentant investi d'une mission moralisatrice à l'instar du reste de la classe politique (aidés par les journalistes à grand renforts d'articles du genre "Que faire des enfants qui n'ont pas respecté la minute de silence" ?), proposait aujourd'hui sur Twitter de retirer les allocations aux familles de ces élèves.
Une amie disait que dans l'établissement scolaire où elle travaille, les profs s'étaient mis en tête, après une altercation entre des élèves et une prof qui avait fait un amalgame beaucoup trop flagrant entre musulmans = soutiens du terrorisme, de dire aux CPE qui portait ses stickers "Je suis Charlie" et qui n'en portait pas lors d'une intervention du recteur. Sur Twitter, dans le même ordre d'idées, des gens s'amusent à retrouver des tweets critiques envers Charlie Hebdo de certains utilisateur.trices datant d'avant l'attentat pour dire "aha, vous voyez, ils pensent qu'ils l'ont bien mérité, j'en suis sûr". Délation et logique de "ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous". On en est là.
Valls veut "créer, au sein de la direction de la Protection judiciaire de la jeunesse, une unité de renseignement, à l'instar de ce qui est fait dans l'administration pénitentiaire" pour "comprendre le parcours de radicalisation des jeunes". Sauf qu'ils (le gouvernement) ne le comprendront pas. Impossible. Ils sont tous des rouages de la machine du pouvoir qui écrase tous les jours, lentement mais sûrement, à coup de restrictions, de répression, de vies précaires, des gens comme les auteurs de la tuerie. Ils sont des rouages du capitalisme en allant lécher les bottes des patrons. Ils perpétuent directement l'Etat policier en militarisant les flics, en augmentant le nombre de militaires postés en surveillance, en arrêtant n'importe qui. Comment veulent-ils comprendre qu'ils, que ce en quoi ils croient (le matraquage continuel des Valeurs de la république et la soumission obligatoire à ces mêmes valeurs), est en grande partie à la source de ce qu'ils veulent combattre.

Alors voilà, journaleux, politiciens, citoyennistes, je vous vomis. Je vomis votre union sacrée qui ne sert qu'à masquer ou justifier toutes les merdes répressives et probablement islamophobes par la suite, en sous-entendant que critiquer c'est faire l'apologie du terrorisme, à masquer les victimes du terrorisme d'Etat, les victimes de La Manif Pour Tous (les LGBT qui se sont suicidé.es suite au climat qu'ils ont instauré), les victimes du capitalisme, de la misogynie, du racisme institutionnalisés. Votre union sacrée qui autorise des crétin.e.s à affirmer haut et fort à la télé qu'il faut "traquer ceux qui ne sont pas Charlie".
Je vomis votre discipline, votre morale républicaine, votre tristesse institutionnelle, votre solidarité envers personne, vos récupérations pendant que vous chiez sur les travailleur.euses, les immigré.es.
Je vomis vos "valeurs républicaines", je n'ai pas besoin de me rallier à des valeurs nationales, institutionnelles, pour être certaine de tout mon être que tout le monde doit être libre. 

Je dois avoir oublié dans cet article des tas d'autres raisons qui me font hurler quand je pense à ce que vous avez instauré, mais je voulais finir en disant que les terroristes à Charlie ne m'ont pas attaquée moi. Je ne me sens pas "blessée dans mes valeurs". Je me sens triste, et j'ai peur, parce que justement, des connards comme vous vont en profiter pour faire n'importe quoi, étouffer les critiques, étouffer les mouvements de contestation sur d'autres enjeux, ériger des abstractions en choses pour lesquelles il faut se sacrifier. Allez pourrir.

Des articles intéressants

Je ne suis pas Charlie (Instants Genevois)
Qu'est-ce que le terrorisme ? article de Jacques Derrida dans Le Monde Diplomatique