7 décembre 2018

Oiseaux, à genoux, mains sur la tête

Les oiseaux.
Les oiseaux dans la tempête.
Les oiseaux de seize ans, peloton aligné à genoux sous les sarcasmes des fascistes.
Le béton de Mantes-la-Jolie. Les mains liées par un morceau de plastique. Les mains liées !
Aujourd'hui la misère froide, demain l'exploitation, et vous avez seize ans et la rage.
La réponse à votre rage est une guerre qui n'est soudain plus larvée
Ce n'est plus que de la terreur ouverte. La terreur seule et crue, sans limite.
Jour de lycée. L'humiliation. Jeudi. Jeudi des oiseaux qu'on écrase.
Je veux un chœur qui chante pour vous.
Je veux un fouillis de voix graves et rêches et sûres qui chantent pour vous.

Je veux que les ministres se taisent. Je veux qu'ils regardent et qu'ils aient honte et qu'ils aient mal.
Je veux la grève générale des oiseleurs
la grève générale et que les bureaux explosent dans un bruit de tempête, que plus aucune machine ne tourne, la grève générale
plus aucune patience, plus de sourires feutrés, je veux la grève générale des artistes des universitaires polis
la grève générale et des onguents, du miel, des pansements pour vos mains
vos bouches, vos yeux.
Les flics, les fascistes, vous jettent dans des caves et vous disent : la colère n'a pas sa place en démocratie.
Ils vous traquent jusque dans les forêts et les ruelles, et sourient en vous arrachant les os.
Et pour cela ils sont payés.
Ils rentreront chez eux ce soir et s'installeront confortablement. Ils sont payés pour arracher les ailes des oiseaux
les épingler au mur
un après-midi de décembre.
Ils sourient.
L'horreur fasciste s'évalue au nombre de « quand même ! » lâchés par les députés.
Ils sourient en vous arrachant les os.
L'horreur fasciste « doit être resituée dans son contexte ».
Ils sourient en vous frappant à terre.
L'horreur fasciste « doit appeler une réponse calme, mais ferme ».

Que personne ne cuise plus de pain
que personne ne hume plus le pain chaud
l'odeur apaisante et fraternelle
tant qu'on écrasera les oiseaux.

Je veux que les murs s'effondrent. Je veux que le pays brûle. Je veux que tout se brise et je veux vous faire un abri
où vous puissiez vous blottir et vous reposer.
Je veux un chœur qui chante pour vous. 
Je veux qu'au milieu des éclats de la boue des rues sales des étoiles au milieu des bureaux sommeilleux des maisons étroites des logements de fortune des moteurs des machines de chantiers des supermarchés des cathédrales de la ferraille retentisse la berceuse la plus douce
pour vous les oiseaux
les oiseaux de la tempête qui s'annonce
Je veux la plus belle litanie de lutte au milieu des boulevards.
oooo-hh-ooooooooohhh. Le bruit des vivants.