tag:blogger.com,1999:blog-19617688174678962542024-03-18T21:08:47.004-07:00La fabrique d'hirondellesKimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.comBlogger36125tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-83542901104882645062019-03-09T05:42:00.004-08:002019-09-15T14:41:27.975-07:00Transformations de la solitudeGrandir depuis ses 14 ans avec Twitter comme principal espace de rencontres amicales est une expérience partagée par pas mal de gens de ma génération, et depuis des années je me demande ce que cela me fait. Comment cela nous marque humainement d'interagir avec l'extérieur principalement au travers de ces médias à la structure si particulière. <br /><br />Rencontrer les autres a toujours été une épreuve, je commence à peine à changer, par vagues inconstantes ces deux dernières années. Au travers de rencontres et de débats relativement intéressants (époque lointaine...), je me suis formée sur Twitter au féminisme en précisant mes affinités théoriques, j'ai rencontré d'autres anarchistes, j'ai connu des ressources politiques rigoureuses dont j'aurais probablement ignoré l'existence autrement (et j’aurais peut-être fini citoyenniste, lectrice de Madmoizelle ou fan de Pierre Rabhi, qui sait), et j'ai évité un isolement trop complet. J'ai peut-être aussi évité de me confronter à la complexité des interactions humaines, remplacées par des conversations ayant pour seuls sujets la politique et les petites haines quotidiennes. <br /><br />Twitter a été pour moi, jusqu'il y a trois ou quatre ans encore, l'essentiel du monde hors de l'école et de la famille, le monde des réflexions et des rencontres dont tu ne fais plus part à tes parents parce que tu te radicalises un peu trop et que tu as besoin de construire ton propre prisme politique, ni à tes camarades de classe (car la classe était pour moi non un environnement où des amitiés se nouent, mais un lieu où il faut avant tout éviter de se faire martyriser et où les échanges qui existent oscillent entre ennui profond et lissage des mots par crainte de paraître indigne d’exister). C'était ma sphère personnelle, où je communiquais avec des gens qui partageaient mes centres d'intérêt — chose qui ne m'arrivait jamais IRL : à 15 ans, rencontrer des gens politisés sans avoir sous les yeux leur profil qui te détaille leurs occupations et leurs prises de position est à peu près impossible, surtout quand tu as du mal à aller vers les autres. Les gens politisés, quand tu as 15 ans, sont toujours plus âgés que toi, ne fréquentent donc pas les mêmes lieux, et n'envisagent pas de t'inclure dans leurs conversations pour faire ta connaissance. Twitter a atténué l'exclusion que je vivais IRL à la fois de la part des adultes et de la part de mes pairs.<br /><br />Pourtant, les personnes que je rencontrais occasionnellement IRL ne devenaient jamais des amis pour lesquels j'étais émotionnellement disponible et en qui j'avais confiance. Je ressentais toujours une distance, je ne trouvais personne pour qui m'engager humainement, someone to care about, et j'avais d'ailleurs décidé que ce n'était pas pour moi, que faire l'effort était trop compliqué. Je ne suis même pas certaine d'avoir identifié comme tel ce manque d'ouverture aux autres à ce moment là : je le voyais dans ma timidité, bien sûr, mais pas dans la manière même que j’avais d’interagir avec le monde. Si je change cela ces derniers temps, ça ne vient certainement pas de Twitter, si ce n’est par l’envie de m’en éloigner.<br /><br />Au bout de quelques années émaillées de disputes politico-affinitaires, qui t'affectent énormément au début, puis dont tu apprends à t'éloigner, tu commences à te poser des questions. Pourquoi est-ce que je me retrouve exclue si violemment de ce groupe sur un désaccord politique ? Est-ce que je connais vraiment ces gens ? Pourquoi est-ce que personne n'a proposé de me réconforter dans ces moments-là ? Est-ce qu'on compte vraiment les uns pour les autres ? Qu'est-ce qu'on attend les uns des autres ? Pourquoi est-ce que, malgré tous ces contacts, je me sens toujours fondamentalement seule ? Pourquoi est-ce que je ne parviens pas à trouver un équilibre entre mon goût de la solitude et mon besoin d'affections, de liens, d'attaches humaines ? Et pourquoi, pourquoi tout le monde sur ce réseau (sans parler de Tumblr…) a-t-il l'air de vivre la même anxiété sociale que moi ?<br /><br />Les relations qu’on forme sur les réseaux sociaux ont une ambiguïté particulière. Tu finis par voir tous les paradoxes de ce système. Il est difficile de savoir véritablement ce que sont ces contacts, parce que les communications se font souvent sans adresse précise à qui que ce soit. à la cantonade, à ceux qui sont là mais aussi à ceux qui les liront plus tard la prochaine fois qu’ils se connecteront, à ceux qui se sentiront l’envie d’y réagir. La forme principale de communication, c’est les humeurs balancées dans le vide. Les liens réels sont par conséquent ténus, et tiennent essentiellement à l’enjeu de la réaction des autres (likes, retweets), qui est crucial. Bien, on s’est déjà marrées ensemble sur Twitter (souvent à propos de quelqu'un d'autre pour des conneries), on a partagé des memes et on s’est vues plusieurs fois IRL, mais… est-on vraiment amies ? Quel genre d’amies ? Est-ce qu’on pourrait s’inviter l’une et l’autre à passer des vacances ensemble ? Est-ce qu’on pourrait parler ouvertement de ce qui se passe dans nos vies sans avoir peur de faire chier l’autre, d’être trop ? Est-ce qu’on peut vraiment être là pour l’autre, en lui donnant de notre temps et de notre force émotionnelle ? Je suis en train d'essayer de faire cette place dans ma vie aux gens que j'ai rencontrés il y a plusieurs années déjà, et que je n'ai toujours pas l'impression de connaître suffisamment, vis-à-vis desquels je ne me suis pas assez impliquée émotionnellement pour avoir une relation significative. Et le mur invisible entre nous est à défaire petit à petit.<br /><br />On finit par s’habituer à avoir des relations dans lesquelles on peut se permettre de ne pas être réellement engagé-e-s et où rentrer dans les sujets réellement personnels est gênant. La norme des réseaux sociaux, c’est que partager des détails personnels sur ta vie (ton chat, les trucs marrant qui te sont arrivés à la fac, ton ex qui t’envoie des messages nuls) est bien vu, jusqu’à ce que ça devienne trop profond. Quand je lis quelqu’un que je suis sur Twitter dire qu’iel est triste, c’est souvent quelqu’un que je connais-mais-pas-vraiment ; l’inviter pour boire un verre serait bizarre, ce serait « trop » compte tenu de notre niveau de proximité. Mais je l’aime bien, alors je vais juste envoyer des emojis-cœur et un câlin virtuel, avant de retourner à mes occupations habituelles. Les choses trop profondes sont embarrassantes. <br /><br />Il n'est pas étonnant que ce soit via les réseaux sociaux que le terme de travail émotionnel, inventé dans une perspective sociologique pour qualifier une partie du travail demandé aux femmes dans les emplois de service, soit devenu un prétexte pour envisager toutes les relations humaines sous cet angle. A tel point que tu te retrouves à penser le soutien à tes amis/amoureux-ses, ou les manifestations d'empathie envers qui que ce soit, comme du travail émotionnel. Tout investissement émotionnel devient un fardeau, un service que tu rends aux autres et pour lequel tu attends d'être rémunéré-e d'une manière ou d'une autre, et la magie fait le reste en faisant passer ça pour une posture militante forte. On cherche une solution individuelle à un problème collectif, ce qui a pour effet très productif d’entériner le caractère marchand de chaque relation.<br /><br />Évidemment, l'isolement et l'atomisation sociale ne sont pas des purs produits des réseaux sociaux capitalistes. Elles sont avant tout un effet du capitalisme néolibéral en général, qui atomise les groupes, les liens, et les catégories marginalisées connaissent la solitude pour d'autres raisons. Mais, précisément, particulièrement sur Twitter et Tumblr, la présence sur les réseaux sociaux est en partie liée aux situations de marginalité : on tombe dans un cercle vicieux où le capitalisme, la suprématie blanche et le patriarcat nous isolent les un-e-s des autres, et où, pour échapper à cette solitude, nous nous tournons vers des solutions qui ne font que nous rendre un peu plus seul-e-s et anxieux-se-s. Que personne ne vienne me parler d'introversion naturelle ou de configuration innée du cerveau qui nous empêche de rencontrer les méchants extravertis.<br /><br />La pauvreté des connexions interpersonnelles sur Internet serait peut-être moins gênante si elle était liée à un réflexe de préservation de la vie privée, et si on arrivait à passer aisément d’un mode de relation à l’autre, de la relation superficielle en ligne à la relation profonde IRL, mais ce n’est pas le cas. Parce qu'en réalité, les gens partagent leurs émotions profondes. Sauf que le fonctionnement des sites est tel qu’au moment même où elles sont postées, elles se transforment en des “statuts” narcissiques que tes followers ne sont plus capable d’envisager comme conséquences d'émotions effectivement ressenties. Ce sont désormais des choses à « partager » (selon l’expression consacrée, mais on peut discuter de la pertinence de ce terme ici), constamment, à tout le monde et personne à la fois. Les mots de joie ou de tristesse, d'émerveillement ou de dégoût, perdent aussitôt leur intensité, ne sont plus perçus comme reliés intimement à la personne qui les poste et à son expérience complexe.<br /><br />Le type de relations encouragé par la structure des réseaux sociaux capitalistes conduit ainsi à une terrible déshumanisation des autres, qui s’imisce même dans nos vies IRL. Le format de communication — messages courts, timeline de comptes variés qui n'adressent leurs messages à personne en particulier, existence sociale par les likes — t’encourage à traiter les autres comme des services consommables, ce qui est facilité par le fait de ne pas avoir les gens en face de toi. Tu finis par voir tes contacts sur Internet comme des gens dont l’unique fonction est de discuter avec toi et de te fournir du contenu auquel réagir. C'est pour ça qu'on reste. Pour le « contenu ». Comment, alors, sortir de cette relation de consommation quand, par exemple, les personnes ont réellement besoin d'aide ? Je n'ai jamais oublié les personnes rencontrées sur Twitter, puis à peine quelques fois IRL, qui ont été capables d'agir avec moi comme avec une personne quand j'ai exprimé de manière plus ou moins forte que j'allais mal. De m'appeler, de m'emmener boire un verre, de me dire « hey, tu es entourée, ça va aller, et je vais prendre un peu de mon temps pour le passer avec toi et t'aider à te relever ». Dans ces moments là, la relation d'« échange de contenu » a été brisée pour revenir à quelque chose de réel et d'humain.<br /><br />Je dois aujourd’hui faire un travail constant sur moi-même pour cesser de me demander, après chaque conversation avec des amis IRL, si je n'ai pas été trop gênante. En partie parce que j'ai de toute façon peur du regard des autres, en partie parce que chaque maladresse sur les réseaux sociaux est sanctionnée, parfois de manière cruelle. Parfois, les cercles affinitaires sur Twitter trouvent même leur pertinence avant tout dans la déshumanisation des autres, dans le rejet ou la moquerie, c’est ce qui forme les liens. L'évaluation informelle des propos par les likes transforme les gens en entrepreneurs du tweet, évaluant la rentabilité de telle ou telle formulation avant de la poster, mais aussi jugeant et sanctionnant la qualité de celles des autres. Toute critique est visible et visibilisée, elle-même likée ou non, et il est donc parfois difficile de ne pas ressentir la critique comme un cataclysme quand on en est l'objet, si bienveillante soit-elle. Arrive aussi un moment où on se retrouve soi-même à dire des mesquineries à longueur de journée, à contrer des propos sans aucune nuance et sans tenir compte de qui les dit (une militante féministe qui dit un truc à côté de la plaque à un moment T sera rejetée tout aussi violemment qu'un mec de droite random), ou exposer les gens aux moqueries sans se préoccuper une seconde de l'impact de ces propos sur la personne en face. Dans ces moments-là je m’effraie ; je ferme mon ordinateur. L'aigreur est constamment alimentée, elle est même récompensée par quelques followers en plus, et avec elle le travail de déshumanisation qu'on effectue en nous-mêmes pour rendre tout ça acceptable.<br /><br />Se joue aussi le refus de la complexité individuelle des « adversaires », ceux qui ne sont pas des nôtres (je ne parle pas de fachos, mais de ces mélanges de gens qu’on n’aime pas personnellement et de gens avec qui on n’est pas d’accord sur tout politiquement). Ce qui pose quand même question dans des milieux qui se veulent révolutionnaires. Dans ce contexte, beaucoup de gens en viennent à voir l’empathie comme une faiblesse — du moins à faire performance de cette attitude. Ça existait avant, bien sûr, mais je pense particulièrement aux cercles politisés sur Twitter, où j’ai été fortement investie à certains moments, et où manifester de la compréhension pour des gens avec qui « ton cercle » idéologico-affinitaire n’est pas d’accord est souvent un motif de soupçon, voire d’exclusion. Donc, soit la complexité humaine est consommable, soit elle est méprisable. On crée énormément de groupes d’appartenance qui éclatent en fait au moindre désaccord politique et/ou personnel, et il apparaît dans ces moments là que ces groupes ne font que créer de la solitude.<br /><br />Alors on trouve des moyens d'éviter de se confronter à tout ça, à en se complaisant dans cette solitude (cf. les memes de fausse autodérision sur l'anxiété sociale), voire parfois en l'exaltant comme signe d'une particularité essentielle et valorisable (« je suis Haut QI et INTP, c'est ce que je suis, c'est mon identité et mon être profond, je ne peux pas le changer »). Cela n'a pour effet que de renforcer la peur : les autres, l'extérieur, « les extravertis » sont dépeints comme irréductiblement menaçants car différents de toi en tous points, eux aussi de manière irrémédiable. Pourtant, la complexité des relations devrait être apprivoisée comme quelque chose normal : vivre en humain implique d'interagir avec d'autres êtres doués d'intelligence et de sentiments tout aussi mêlés que les tiens, et chacun a un pouvoir sur l'autre (de faire du mal, mais aussi de guérir, ce qui est à la fois terrifiant et merveilleux).<br /><br />Tumblr et Twitter sont des essaims d'introvertis hypersensibles en société, et je ne pense pas que ce soit un hasard. Je ne pense pas qu'ils soient vraiment des refuges neutres qui ne font que répondre à un besoin commun et fortuit. Est-ce qu'ils ne reproduisent pas quelque chose, voire le créent ?<br /><br />Les réseaux sociaux m’ont permis de rencontrer des gens cools bien plus rapidement et bien plus à mon aise que si j’avais attendu de construire tout mon réseau IRL, et j’en ai eu crucialement besoin à des moments de ma vie où il m’était parfaitement impossible d’aller vers qui que ce soit. Mais la construction de relations adultes ne peut pas se faire en restant là-dedans, ça ne peut être qu’un début sur lequel bâtir d’autres choses, en s’éloignant du mode affectif distant et objectifiant imposé par le capitalisme. On se rend compte à un moment ou un autre que ces connexions ne sont pas vraies si elles ne se prolongent pas autrement ailleurs, et ne peuvent pas remplacer un réel travail d’empathie ni une réelle solidarité. <br /><br />Je crois que je sais mieux m'impliquer émotionnellement avec les personnes que je rencontre et soutenir les gens que j’aime quand je me déconnecte un moment de Twitter. Je n’ai jamais reçu de soutien plus apaisant que de la part de gens qui avaient grandi hors de ça ou s’en étaient détachés d’une manière ou d’une autre. J'ai aussi l'impression que les gens qui ont trouvé un réel soulagement à la solitude avec tout ça sont ceux qui ont appris à forger des relations mûres hors de Twitter. Quand ils rencontrent des nouvelles personnes via Internet, ce qu'ils ont appris auparavant s'applique, et des échanges authentiques peuvent avoir lieu. Mais pour les jeunes adultes de mon âge, qui ont grandi largement enveloppés par cette forme de communication, tout est à apprendre. Twitter m'a évité trop d'isolement, mais ne m'a pas appris à en briser la charpente. Être sur Twitter ne m'a pas appris à m'engager humainement envers les personnes que je rencontre, et je ne peux développer et entretenir des relations adultes qu'en dehors de ce contexte.<br /><br />C'est dans les espaces extérieurs aux réseaux sociaux, les moments amicaux IRL ou des conversations en ligne privées avec des personnes qui se connaissent aussi IRL et qui ont elles aussi envie de connaître les autres au-delà du simple dénominateur commun « féministes timides », qu'on peut construire autre chose. En faisant l'effort conscient de donner de l'espace à la complexité des autres, en faisant l'effort de l'empathie, en essayant d'appréhender la peur des relations collectivement. Il va nous falloir guérir de tout ça si on veut, à court terme, vivre nos vies de manière moins aliénée, moins anxieuse et moins déprimée, donner aux autres de manière beaucoup plus sensible et profonde, mais aussi, à long terme, construire une société révolutionnaire.Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-64143312573355499542018-12-07T00:06:00.000-08:002018-12-07T01:45:10.351-08:00Oiseaux, à genoux, mains sur la têteLes oiseaux.<br />
Les oiseaux dans la tempête.<br />
Les oiseaux de seize ans, peloton aligné à genoux sous les sarcasmes des fascistes.<br />
Le béton de Mantes-la-Jolie. Les mains liées par un morceau de plastique. Les mains liées !<br />
Aujourd'hui la misère froide, demain l'exploitation, et vous avez seize ans et la rage.<br />
La réponse à votre rage est une guerre qui n'est soudain plus larvée<br />
Ce n'est plus que de la terreur ouverte. La terreur seule et crue, sans limite.<br />
Jour de lycée. L'humiliation. Jeudi. Jeudi des oiseaux qu'on écrase.<br />
Je veux un chœur qui chante pour vous.<br />
Je veux un fouillis de voix graves et rêches et sûres qui chantent pour vous.<br />
<br />
Je veux que les ministres se taisent. Je veux qu'ils regardent et qu'ils aient honte et qu'ils aient mal.<br />
Je veux la grève générale des oiseleurs<br />
la grève générale et que les bureaux explosent dans un bruit de tempête, que plus aucune machine ne tourne, la grève générale<br />
plus aucune patience, plus de sourires feutrés, je veux la grève générale des artistes des universitaires polis<br />
la grève générale et des onguents, du miel, des pansements pour vos mains<br />
vos bouches, vos yeux.<br />
Les flics, les fascistes, vous jettent dans des caves et vous disent : la colère n'a pas sa place en démocratie.<br />
Ils vous traquent jusque dans les forêts et les ruelles, et sourient en vous arrachant les os.<br />
Et pour cela ils sont payés.<br />
Ils rentreront chez eux ce soir et s'installeront confortablement. Ils sont payés pour arracher les ailes des oiseaux<br />
les épingler au mur<br />
un après-midi de décembre.<br />
Ils sourient.<br />
L'horreur fasciste s'évalue au nombre de « quand même ! » lâchés par les députés. <br />
Ils sourient en vous arrachant les os.<br />
L'horreur fasciste « doit être resituée dans son contexte ». <br />
Ils sourient en vous frappant à terre.<br />
L'horreur fasciste « doit appeler une réponse calme, mais ferme ».<br />
<br />
Que personne ne cuise plus de pain<br />
que personne ne hume plus le pain chaud<br />
l'odeur apaisante et fraternelle <br />
tant qu'on écrasera les oiseaux.<br />
<br />
Je veux que les murs s'effondrent. Je veux que le pays brûle. Je veux que tout se brise et je veux vous faire un abri<br />
où vous puissiez vous blottir et vous reposer.<br />
Je veux un chœur qui chante pour vous. <br />
Je veux qu'au milieu des éclats de la boue des rues sales des étoiles au milieu des bureaux sommeilleux des maisons étroites des logements de fortune des moteurs des machines de chantiers des supermarchés des cathédrales de la ferraille retentisse la berceuse la plus douce<br />
pour vous les oiseaux<br />
les oiseaux de la tempête qui s'annonce <br />
Je veux la plus belle litanie de lutte au milieu des boulevards.<br />
oooo-hh-ooooooooohhh. Le bruit des vivants. Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-69085653940394160592017-09-14T01:02:00.000-07:002018-12-06T13:24:29.556-08:00ton histoire<div style="text-align: justify;">
Pour une raison que j'ai du mal à identifier, <i>120 battements par minute</i> m'a laissée relativement froide. Je me pose beaucoup la question de savoir pourquoi — tous mes potes se reconnaissant comme gays, bi-e-s ou lesbiennes ont adoré, ont été émus, ont été secoués. J'ai l'impression d'avoir un rouage qui fonctionne mal. Le film me laisse un goût de "je vois bien tout ce que tu as voulu transmettre mais je ne l'ai pas reçu", un goût inconfortable de manque. </div>
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<br /></div>
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Peut-être à cause du jeu correct mais inégal des acteurs, à cause des séquences au ralenti à l'esthétique ultra-lisse, presque publicitaire, qui brisent le reste de l'histoire qui est tout sauf lisse et met en scène des personnages que je reconnais géniaux et tout sauf lisses. Quelque soit le type d'œuvre, films, séries, romans, musique, si le style ne me plaît pas j'ai souvent du mal à passer outre pour me laisser toucher par ce que veut faire passer l'artiste. Peut-être parce que je me suis blindée, déconnectée de mes émotions — c'est pas mon genre, mais peut-être que là ça fait écho à des choses trop sensibles pour moi, je suis en plein moment de pensées bousculées sur ma bisexualité qui n'est peut-être plus de la bisexualité mais de la lesbianité et sur ce que ça veut dire personnellement, politiquement et socialement.<br />
<br />
Peut-être aussi qu'il y a eu mon sentiment bizarre d'éloignement, de distance avec la Communauté LGBT©, que j'ai depuis longtemps, pour plein de raisons qui se chevauchent, et je m'en sens coupable. Je suis là à me sentir bête, usurpatrice, et à me sentir en-dehors (tout en me sachant plus lesbienne que ce que j'avais jamais réalisé) et à culpabiliser de rien avoir ressenti d'autre que ce que ressentirait n'importe quel hétéro en voyant ce film, comme si j'avais pas été touchée par cette histoire que je partage de fait avec des milliers d'autres.</div>
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Et donc ma sœur dit qu'elle l'a vu et qu'elle a adoré — "c'est tellement réaliste". On est à table en famille. J'aime beaucoup être à table en famille.</div>
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(Non.)</div>
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Alors je dis ce que j'en ai pensé et, je sais pas ce qui m'a appris, je me suis aussi embarquée sur le terrain de "ça m'a pas transportée et j'aimerais comprendre pourquoi parce que c'est quand même mon histoire".</div>
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Je dis "mon histoire" avant tout pour moi-même. J'ai la sensation d'un devoir, "déjà que tu vis trop comme une hétéro pour avoir ta place où que ce soit connasse, apprends, mets-toi dans ta tête tous ce que les autres ont vécu comme merdes", je veux m'obliger à me confronter émotionnellement à cette mémoire-là. </div>
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Mais ça, ça ne les regarde pas. J'ai dit "mon histoire" aussi pour les mettre en face de fait là, parce que je sais que tant que j'ai pas "ramené une fille à la maison", je n'aime pour eux les femmes que de manière fictive et abstraite, comment peut-il en être autrement Jacqueline, et que ça me fait mal parce que s'il y a une chose qui est bien réelle dans le foutoir de mes questions en ce moment, c'est ça, et que je refuse qu'ils m'acceptent à moitié en essayant de se rassurer. Et, l'espace d'une seconde, mes parents et ma sœur me regardent comme si je venais de leur détailler le phénomène de la baisse tendancielle du taux de profit</div>
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"ton histoire" ils répètent avec des points d'interrogation moqueurs dans la voix, genre t'es débile ou quoi t'étais même pas née</div>
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je dis ben oui mon histoire parce que c'est quand même l'histoire de la communauté homosexuelle</div>
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ma sœur dit sur le ton de celle qui dit une vérité vraie de Jésus, "bah tfaçon moi euh jpense que ça nous concerne tous cette histoire en fait"</div>
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je soupire intérieurement, c'est bien ma chérie tu as bien appris ta leçon d'éducation civique, et je dis "oui enfin historiquement c'est quand même pas le cas lol"</div>
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et puis mon père prend son sourire de père hétéro de gauche charlie qui se rappelle sa jeunesse</div>
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et il dit "c'est vrai que vous avez pas vécu ça mais c'était étrange comme période"... il a pas besoin de finir il nous a déjà dit, olala ces gens que tu voyais dans le métro qui faisaient peur — avec un petit rire discret qui parle de curiosités et de monstres</div>
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ce sourire qui dit que lui non plus, non, il n'a pas vécu cette époque</div>
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que lui était bien au chaud à l'écart ("qu'est-ce que tu veux faire")</div>
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on se mêle pas des histoires de pédés quoi jveux dire, d'ailleurs c'est lui qui adore parler du "droit à l'indifférence" quand viennent les Pride, </div>
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ce serait tellement bien, des homos qui revendiquent qu'on se désintéresse d'eux</div>
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oh il a peut-être au mieux regardé les actions d'Act Up à la télé à l'époque</div>
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ah oui ça c'était impressionnant</div>
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et ils étaient en train de mourir</div>
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et ma mère rigole qu'elle va aller le voir elle aussi et qu'elle "va encore pleurer"</div>
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tout ça est une jolie forme de spectacle</div>
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bah oui, là du coup, je me suis "sentie gay", pour ce que ça veut dire — enfin si justement, ça veut dire ça, précisément, être confronté à ce que la société te renvoie de toi et de ceux qu'à ce moment là tu n'as aucun mal à voir comme les tiens, parce que c'est cette violence même qui te constitue en tant que dominé. Confrontée au fait que t'es en-dehors et qu'en face y a un spectateur, qui te regarde et qui décide des règles du jeu. Je sais pas, bon dieu, pourquoi j'ai pas été aussi bouleversée que je m'y attendais, mais c'est même pas vraiment la question. Regardez-vous bon dieu, répétez vos phrases plusieurs fois à voix haute, soyez conscients de vos petits sourires, de votre gêne, de votre exotisation, et moi j'vois juste l'urgence de me barrer de tout ça, de ne surtout pas renoncer à l'autre côté.</div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-27381177624085272572017-02-23T05:45:00.000-08:002019-03-09T05:46:09.322-08:00pas crédible<div style="text-align: justify;">
Je vais bientôt dépasser 20 ans, alors je me suis dit qu'il fallait que j'écrive quelque chose, parce qu'on dit toujours que les enfants ne parlent pas, parce que ceux qui ont défendu les enfants ne l'ont fait qu'en tant qu'anciens enfants, et puis pour me souvenir moi. J'ai parlé d'âgisme sur ce blog, mais pas de mon statut d'enfant, j'ai fait un billet il y a longtemps sur des collègues fugueuses, mais pas sur ce que ça fait, ce qu'il faut dire avant d'oublier, de passer définitivement de l'autre côté, même si on peut toujours faire en sorte que la transition soit moins radicale, faire en sorte de pouvoir garder de l'empathie, faire en sorte de se souvenir, faire attention à ne pas complètement <i>devenir adulte.</i></div>
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Je prétends pas dire grand chose de politique avec ce billet, je sais pas si c'est un témoignage, c'est pas vraiment le but, c'est un genre de note à moi-même pour plus tard, mais aussi une réaction à quelque chose, un déni de pas mal de militant-e-s féministes avec lesquels j'ai échangé, et voilà, en vrai j'aimerais leur balancer ça à la gueule et elles me riraient au nez, on va dire que je fais ça surtout parce que ça me fait du bien de l'écrire.</div>
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Je crois être dans une situation matérielle un peu particulière par rapport à cette question : je suis à l'université, lieu où je suis toujours perçue comme adulte parce que tout le monde y est adulte, mais... c'est un peu le seul. Le hasard de la biologie a fait que je suis minuscule et que j'ai un visage jeune, et le hasard de ma construction personnelle a fait que je suis particulièrement sensible et que j'ai du mal à contenir mes émotions. Ces quelques paramètres mis bout à bout suffisent à ce que pas mal de personnes que je croise plus ou moins longuement s'adressent toujours à moi en tant qu'une sorte d'enfant-adulte, ça me maintient de manière assez bizarre dans la catégorie de l'enfance.<br />
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Et je vois qu'ils hésitent entre m'humaniser ou non, me considérer comme interlocutrice légitime ou non, m'inclure dans leurs conversations ou non, qu'ils m'adressent parfois la parole avec ce ton débilitant et ces blagues nulles à chier censées faire rire les gosses, qu'ils hésitent à prendre mon avis en compte. Je vois bien que JP à la session irlandaise où je vais continue à me prendre pour une débutante complète malgré le fait que j'ai fini par maîtriser autant que lui le répertoire, je vois bien qu'il a des félicitations paternalistes qu'il n'aurait jamais avec personne d'autre, il me frotte la tête affectueusement sans que je ne lui aie rien demandé, comme on fait aux petits chiens. Je vois bien que mes parents peinent à ne pas me couvrir des mises en gardes et de rappels et de conseils superflus, évidents, qui, même s'ils ne sont jamais absurdes, ne font que m'empêcher de construire mon autonomie. Mais pour eux, j'en ai, par défaut, besoin. Petite fille.<br />
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Tout ça se retrouve dans mes interactions de camaraderie. Il s'est développé avec Twitter des amitiés autour de la politique qui sont proches tout en ne l'étant pas, c'est quelque chose d'un peu particulier. J'interagis beaucoup avec des camarades sans militer en pratique avec elleux. Je fréquente majoritairement des féministes anarchistes/de gauche radicale (c'est pas que j'adore ce terme mais voilà), et je voulais parler un peu de l'expérience que j'ai pu avoir, que j'ai parfois toujours, dans ces camaraderies-là tout en ayant 15, puis 16, puis 20 ans, parce qu'elle est assez caractéristique de ce que vivent les mômes un peu tout le temps, et que c'est là que ma place d'enfant/ado m'est renvoyée le plus violemment à la gueule.<br />
<br />
Dans ces cercles il est généralement de bon ton de rire de l'idée d'une domination adulte ou du concept d'âgisme envers les enfants (alors que ce terme est utilisé depuis des années par des instituts de sondage et beaucoup d'autres gens pour les personnes âgées spécifiquement, qui vivent leur bonne grosse part de merde). C'est la première chose, qui englobe toute cette expérience d'enfant/ado qui, dans les cercles féministes anars, revendique d'être considérée au même titre que les plus âgées : la moquerie, la légèreté totale sur ces questions de la part de meufs d'une trentaine d'années.<br />
<br />
Pourtant, il est assez facile de comprendre qu'en me mettant à fréquenter ces milieux, je m'attendais à ne pas avoir à faire valoir ma parole plus que n'importe qui d'autre : horizontalité, autogestion, tout ça. Mais non, il est apparemment très drôle de faire de l'ironie sur la domination adulte, ou plus exactement sur le fait qu'on pourrait, soi-même, en tant qu'adulte, en être le vecteur.<br />
Situation type : "tain il me soûle à pleurer comme ça ce gosse, j'veux le gifler... haha, comment je suis âgiste t'as vu !!". Drôlerie, humour, poilade. Entre les deux phrases, il est peut être passé une seconde où la dame s'est dit "oups euh c'est pas ouf ce que je viens de dire", mais, heureusement, nous avons déjà une petite saillie humoristique et joviale surgelée pour éviter de nous excuser — même quand on dit ça devant des mômes d'ailleurs, ce qui est une constante de l'expérience de l'enfant/ado, être parfaitement conscient qu'on parle de toi sans t'inviter puisque tu ne peux ni comprendre ni le sujet de la conversation, ni repérer qu'on te met à l'écart, tu es trop con/ne. <br />
<br />
Je crois vaguement savoir par quoi cette moquerie a pu être légitimée et finir par être la norme dans cemilieu précisément. Y a d'abord le fait que la notion d'âgisme envers les enfants est effectivement utilisée pour tout et n'importe quoi. Pour justifier la pédophilie, d'une part, avec un raisonnement pété qui fait tout sauf prendre en compte la domination matérielle des adultes sur les enfants (il se trouve en plus que ça faisait malheureusement partie de la rhétorique des grands textes anti-âgistes des années 70, et que les rares auteurs actuels qui traitent encore cette question sont de vieux gars libidineux aux discours très limite. Ce serait bien chouette d'écrire des bouquins anti-âgistes qui attaquent la pédophilie tiens). D'autre part, au nom de l'inclusion-bienveillante-et-safe de pseudo-oppressions atomisées, pour mettre l'âgisme au même niveau que les autres oppressions matérielles — classe, genre, race. Ces oppressions sont créées au travers de violences qui ne sont pas subies universellement par les enfants en tant que groupe social (je pense à l'exploitation systémique, notamment, l'exploitation des enfants dans certains endroits n'étant qu'un phénomène dépendant du capitalisme).<br />
<br />
J'admets être passée par ce genre de rhétorique "de classe" pour justifier la pertinence de l'analyse anti-âgiste, mais ça ne me paraît plus être la bonne. Je pense l'âgisme intimement relié au capitalisme et à l'obsession de l'utilité économique, de la rentabilité, et je pense que pour le coup, le "ça tombera tout seul avec le capitalisme" s'applique (presque). Cela dit, je ne vois absolument pas en quoi le fait de reconnaître qu'il ne s'agit pas d'une catégorie d'oppression en soi interdit de reconnaître des violences ciblées bien réelles envers les mômes, qui sont permises par une situation qui reste matérielle, tangible : les adultes ont un pouvoir juridique, physique et moral (l'autorité par défaut, l'autorité du "c'est comme ça, c'est moi qui décide parce que je suis adulte", qu'on t'oppose régulièrement quand tu es môme et qui te donne envie de mordre) énorme sur les enfants et je vois même pas comment on peut minimiser ça. Je ne vois pas non plus en quoi ça interdirait aux féministes matérialistes de veiller à ne pas faire comme si les mômes (en général et particulièrement celles avec lesquels elles militent) étaient des cors aux pieds.<br />
De même, on m'a sorti que les adultes ne pouvaient pas avoir de "privilège" sur les enfants car ils étaient eux-mêmes exploités par le capitalisme.
Comme si l'anti-âgisme prétendait nier les oppressions de classe (ce
serait nier que les filles ne vivent pas la même chose que les garçons,
que les enfants blancs ne vivent pas la même chose que les enfants
noirs, et que les enfants pauvres ne vivent pas la même chose que les
enfants riches, c'est parfaitement absurde). Et comme si être exploité dans la relation de classe empêchait d'être socialement avantagé sur un autre plan. Comme si le fait que les enfants ne travaillent pas les empêchait de vivre de la merde de la part des adultes et d'en souffrir.<br />
<br />
On m'a souvent dit aussi que l'infantilisation que je vivais était sûrement moins liée à mon âge qu'au fait que je sois une femme. Bien sûr, j'appartiens par ailleurs à la classe sociale des femmes, dont les membres sont considérées comme des enfants (ou des animaux domestiques, point qu'elles partagent avec les enfants d'ailleurs) par beaucoup d'hommes, ce qui n'aide en rien et rejoint quelques fois cette exclusion liée à l'enfance-perçue.<br />
D'une part, j'hallucine un peu qu'on balaye ainsi d'un revers de main la possibilité que cette infantilisation soit due à la fois à mon âge ET à mon statut de femme, c'est pas comme si c'était une nouveauté dans la pensée féministe. Firestone, dans <i>Pour l'abolition de l'enfance</i> (elle a des positions contestables mais c'est quand même un texte important), montre que les restrictions de liberté des femmes sont aussi celles des enfants, et que les deux mondes sont associés pendant plusieurs années de la vie. L'enfance est le domaine des femmes, qui sont là pour transmettre morale et règles sociales, pas pour aider l'enfant à s'émanciper (l'émancipation, c'est les hommes, qui s'occuperont de finir l'éducation des garçons et non celle des filles. Les filles ne deviennent jamais vraiment des adultes). Elle compare aussi les situations où l'enfant est placé sur un piédestal à celles où les femmes sont louées (pour leur beauté et leur capacité à la maternité) : ces tendances sociales n'annulent en rien l'exclusion des femmes et des enfants, et la continuent au contraire.<br />
Ça c'est pour le côté théorique. Mais d'autre part, JP ne frotte pas affectueusement la tête des autres femmes à la session irlandaise. Les femmes Adultes ne font pas de blagues connes gouzi-gouzi aux autres femmes Adultes. Et dans les cercles féministes, les remarques selon lesquelles mon avis ne vaut rien parce que j'ai l'âge que j'ai viennent bien de mes camarades femmes. Je pense savoir ce que je vis et avoir un minimum les outils pour l'analyser.<br />
<br />
La deuxième raison des moqueries, j'imagine qu'elle est liée à la position par rapport à la maternité. Je vais sans doute en parler maladroitement mais en j'ai l'impression que le fait de se réapproprier entre femmes notre corps, de militer pour un accès totalement libre à l'IVG et la contraception, de nous libérer de l'idée de la maternité comme but ultime de La Femme, a conduit certaines à s'écarter violemment des enfants, comme s'ils étaient la cause de l'enchaînement des femmes à la maternité. J'utilise "violemment" et "des enfants" pour bien préciser ce qui me gêne là-dedans : ce n'est ni le fait de ne pas avoir de contact détendu/agréable avec ces personnes (même si je pense que ça se construit et que si on prenait la peine de considérer les enfants comme des personnes ça irait mieux, mais je suis la première à voir que c'est pas facile, je suis moi même généralement très mal à l'aise avec les gens de moins de 12 ans lol), ni le fait de rejeter en bloc le carcan social de la maternité (jveux lui dérouiller sa face), ou d'être dégoûtée à l'idée d'être enceinte (salut salut) ou de parler du fait qu'on n'a vraiment pas envie d'élever des gosses. Ce qui me gêne et me chagrine vraiment, c'est qu'on en vienne à des attitudes de rejet violent des enfants en tant que catégorie de personnes, et c'est ce qui se passe.<br />
<br />
Ne serait-ce que par les blagues lues/entendues maintes fois à base de Gosses Insupportables Qui Osent Pleurer Dans Mon Wagon (ok, c'est chiant, mais as-tu réellement besoin de t'en plaindre publiquement) et de comparaisons à des larves ou à des parasites. Blagues que les enfants entendent, et comprennent, sans que l'on daigne leur accorder une once d'attention. Blagues que je lis, venant de mes camarades. Dans le milieu militant féministe, on s'accorde à ne pas insulter des gens en position de faiblesse sociale (quelle que soit la manière dont on considère l'âgisme, j'ose espérer, encore une fois, que la faiblesse sociale des enfants n'est pas un débat) sur la base de ce qu'ils sont. Mais pour une raison quelconque, pour les mômes ça passe. Ils ne nous lisent pas, de toute façon. On peut leur cracher dessus pour le simple fait qu'ils aient l'âge qu'ils ont, et c'est drôle. On peut joyeusement montrer notre pouvoir sur eux pour s'assurer qu'on le possède, et c'est anodin.<br />
<br />
Moi, quand je lis ça, ça me tord le bide et je veux tout exploser.<br />
<br />
Je ne décrirai pas en détail ce que ça fait d'être constamment infantilisé. Les personnes à qui je m'adresse sont probablement tout à fait capables de faire l'effort de se rappeler de ce qu'elles ont pu vivre étant gosses, de faire le parallèle avec ce qu'elles peuvent vivre en tant que femmes, ou de simplement imaginer qu'un sentiment perpétuel d'exclusion et de moquerie de cette exclusion est assez insupportable. Il faut juste accepter pour trente secondes de sortir de ses principes sur "l'âgisme quelle connerie de notion". Mais enfin, sentir h24 que ton avis sera bien moins relayé et écouté (parce que peut-être formulé de manière moins adroite, moins stylée, moins sûre) que celui de gens qui ont dix-vingt ans de plus, et surtout si c'est un avis qui ne rejoint pas celui du reste du groupe d'amies-camarades, c'est violent. Voir tes arguments dans un débat balayés par un "t'as rien compris, t'as pas assez d'expérience", c'est violent. D'autant plus que c'est ce qu'on vit tous les jours hors des cercles militants et qu'on aimerait justement pouvoir s'y reposer un peu. On se voit méprisés par des meufs qui sont fans de Christiane Rochefort (<i>Encore heureux qu'on va vers l'été, Les enfants d'abord)</i>...<i><br /></i><br />
<br />
Dans tous les cas, ce qui permet aux adultes de se foutre de notre gueule, c'est une déshumanisation. On est des créatures étranges, des insectes, des machins qui ont l'inélégance d'apprendre à faire et à être en faisant trop de bruit, en n'utilisant pas les bons mots, en n'étant pas toujours compréhensibles ni malléables, en s'opposant aux adultes, en étant ce qu'ils ne sont pas et en prenant de l'espace. En cela, je pense que notre expérience de gosses est similaire à celle de n'importe quel groupe marginalisé, y compris les femmes. Même quand on parle, nos mots sont inaudibles à ceux qui détiennent un pouvoir sur nous, pouvoir rarement questionné, toujours valorisé (que personne ne me parle du fait qu'on écoute un peu plus les enfants qu'avant et qu'il y aurait une sorte de mode de remise en cause de l'autorité adulte, c'est très partiel et ça n'empêche pas la domination d'exister). Et même sans poser ces mots-là sur cette situation, les enfants s'en rendent parfaitement compte. Ils se rendent bien compte qu'ils sont constamment fabriqués comme "étrangers", qu'ils sont mis hors du monde.<br />
<br />
Il serait temps qu'on comprenne que les enfants, et surtout les adolescent-e-s puisque c'est généralement à eux que s'applique cette idée, ne sont pas contre les adultes par esprit de rébellion gratuite. Ce mépris de la rébellion adolescente est construit par les adultes, qui voient bien que les adolescent-e-s les détestent mais refusent de se dire que c'est pour autre chose qu'une raison futile. Les adolescent-e-s s'opposent à vous parce que vous avez réellement, souvent, un comportement de merde à notre égard. Parce que vous ne faites pas l'effort de vous adresser à nous comme à des personnes raisonnables et dignes de considération sincère, ni même dignes de construire une relation intéressante avec vous. On ne construit pas de relation avec des adolescent-e-s, on les gère, on les méprise, on les regarde de loin.<br />
J'imagine (et là du coup je parle depuis ma position de jeune adulte qui se prend parfois à avoir des attitudes désagréables avec les enfants) qu'il est très confortable de s'écarter violemment de l'enfance/adolescence quand on sent qu'on la quitte. Ça permet d'affirmer que d'accord, on vieillit et on s'éloigne du moment où on a comme rare liberté celle de ne rien foutre, mais nous, on est productifs, on réfléchit, on a de l'intérêt, contrairement aux enfants. Ça permet de se rassurer en épousant le pouvoir que nous donne la société sur les mômes. Et comme tous les pouvoirs de catégories de personnes sur d'autres, je pense qu'il serait assez sympathique qu'on accepte de les analyser, et qu'on s'en débarrasse, et ça pourrait (je dis ça au hasard) commencer par nos propres milieux gauchistes-féministes.</div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-82484268343471072982016-10-29T04:28:00.002-07:002016-11-02T03:48:05.633-07:00Non, leur masculinité n'est pas "fragile"<div style="text-align: justify;">
On
lit régulièrement, dans les discours féministes les plus classiques sur
Internet, des apostrophes moqueuses à l'adresse d'hommes qui agressent
des femmes, basées sur l'idée que ces hommes auraient une "masculinité
fragile", qui serait la cause de leur violence. J'ai trouvé ça, par
exemple, dans des cas où un homme, sur un site de rencontres, insultait
une femme qui n'avait pas répondu à ses avances au bout de dix minutes ;
mais aussi des situations où un homme avait tiré au revolver sur une
femme qui n'avait pas répondu à son harcèlement de rue (ici le ton
n'était plus amusé, mais l'idée était toujours là). </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ça m'agace. D'un point de vue féministe, je trouve ça politiquement dangereux.<br />
<br />
S'il
existe une masculinité "fragile" qui conduit à agresser les femmes,
c'est qu'il existe une masculinité "solide" (lol) qui aurait l'effet
inverse. Une bonne masculinité, qui rendrait les hommes gentils et
responsables. Je répondrais d'une part à ça que la masculinité/virilité
est partout en Occident énoncée comme rattachée à des notions bien
particulières : force, aptitude au combat, dureté. Des valeurs ayant un
rapport étroit avec la violence, en fait.<br />
"Mais, méchante
féministe révolutionnaire misandre, n'as-tu pas pensé qu'on pourrait
redéfinir la masculinité en des termes moins violents ?" C'est en gros
le discours tenu généralement à mes camarades et moi sur la question. Le
truc c'est que les définitions de la masculinité sont purement une
construction patriarcale : elles sont énoncées et envisagées en
opposition à la féminité, et cette division n'existe que pour servir une
domination (sinon quel est l'intérêt de se faire chier à diviser tous
les instants de la vie et tous les caractères humains en moments ou
traits féminins et masculins, il faut bien qu'un groupe au moins y
trouve un avantage) ? La masculinité est donc indissociable de la
domination, et donc de la violence ; elle existe en elle-même comme
justification des violences sur les femmes, et fait partie de ses causes
(si elle n'en n'est pas la principale). S'il existe une fragilité de la
masculinité, elle ne se situe certainement pas dans la violence : la
violence est ce qui définit et nourrit cette masculinité, et les agressions contre les femmes ne sont non pas des effets d'une masculinité défaillante mais participent au contraire à renforcer celle-ci. J'ai le même souci avec l'expression "masculinité toxique", d'ailleurs : toxique, c'est-à-dire qui aurait un pendant "sain", c'est-à-dire moins violent, comme s'il était possible de se se débarrasser de la "toxicité" inhérente à la masculinité. <br />
<br />
Qu'est-ce
qu'un homme qui aurait une bonne masculinité ? Un homme plus doux ? Plus gentil ? Mais
dans ce cas, pourquoi dire que c'est de la masculinité, pourquoi en faire une valeur spécifiquement masculine ? Pourquoi tient-on autant à séparer les tendances/attitudes/caractères de chacun (hors contexte d'analyse des rapports de domination évidemment, je parle dans le cas d'un idéal envisagé de société) ? En plus, il serait assez utile d'arrêter de réfléchir en termes de "gentils" et "méchants" : il s'agit de rapports de pouvoir, pas de traits de caractère.<br />
<br />
Par
ailleurs, on peut se demander à qui reviendrait la tâche de favoriser
la Vraie Bonne Masculinité. Aux féministes, probablement, comme dans 90%
des cas, or les féministes elles en ont marre parce qu'elles font le
taff d'éducation des hommes H24, non seulement d'un point de vue
politique mais aussi personnel dans leurs relations avec eux (il faut
leur apprendre à être responsables, à savoir s'excuser décemment, à
avoir de la considération pour les autres, enfin on reste dans le joyeux
côté garde-chiourme qui fait partie de notre statut social, c'est
super). La notion de fragilité sous-entend qu'il y a une prise en charge
à faire, qu'il faut un peu les plaindre, les réparer, ces hommes
"fragiles". Il faut leur redonner confiance en eux, les rassurer dans
leur masculinité.<br />
<br />
Ce qui m'amène à mon autre problème avec tout ça : la division entre bonne et mauvaise masculinité me rappelle très fortement certains discours masculinistes. L'une des principales thèses du mouvement masculiniste est qu'en réalité ce sont les femmes qui contrôlent le monde et qu'elles
oppriment les hommes en... fragilisant leur masculinité (seule
différence : ici on assume que cette masculinité doit être associée à la
violence d'une manière ou d'une autre, et encore, pas dans tous les
discours). Pour les mascus, les violences faites aux femmes sont
justifiées par le fait qu'elles seraient responsables de cette
détérioration de leur masculinité ; il y aurait en outre, là aussi, une bonne masculinité (on sait pas trop non plus ce que ça recouvre) et une version amoindrie de celle-ci.<br />
Dans les cas qui nous intéressent, il ne s'agit a priori pas de culpabiliser les femmes. Cela dit, la rhétorique d'une véritable masculinité, authentique, qui serait perdue et devrait être restaurée, est dangereuse, car elle permet de ne surtout pas s'interroger sur le fait que cette "véritable masculinité", dont j'ai tenté de montrer qu'elle ne pouvait être que violente, se porte on ne peut mieux actuellement.<br />
<br />
Non parce qu'en vrai, vous trouvez pas que la masculinité est en super forme en ce moment ? Des atteintes graves au droit d'avortement en Pologne et des attaques contre lui en France, des mouvements fachos homophobes (la question de l'homosexualité étant bien évidemment liée à celle de la masculinité), des femmes incarcérées pour s'être défendues face à leur mari violent et dont la grâce prend des années, tous les viols qui ont eu lieu aujourd'hui, hier, l'an dernier, il y a cinq ans, le harcèlement quotidien, les inégalités salariales, la précarité des femmes, enfin je sais pas, c'est quoi tout ça, à part des manifestations visibles et abruptes des valeurs définies socialement comme masculines ? Ce contexte est un appui pour l'expression individuelle de la violence masculine. Comme le disait Virginie Despentes dans une interview cette semaine, un viol concerne tous les hommes, car c'est sur chaque viol que s'appuie leur pouvoir en tant que mecs. Sous-entendre que la masculinité de certains est fragile, c'est éviter de considérer tout ce qui fait au contraire la force terrible de cette masculinité (basée sur des millénaires d'exploitation des femmes, gardons-le en tête, pas sur deux ans de blagues reloues : pour la fragilité, on repassera).<br />
<br />
Edit :<br />
Des personnes viennent de me faire remarquer que la question se pose encore différemment pour les femmes masculines, je pense aux butchs notamment. Il manque en effet toute une réflexion là-dessus, je vais tâcher de chercher des ressources pour en parler parce que j'y ai pas encore trop réfléchi et j'ai peur de dire des conneries, stay tuned.</div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-42890021679032895672016-10-08T11:31:00.003-07:002018-08-19T12:11:50.416-07:00La place des femmes dans la pratique de la musique irlandaise : résumé/traduction viteuf d'un article de Helen O'Shea<div style="text-align: justify;">
J'ai lu il y a quelques jours un excellent article de Helen O'Shea, <a href="http://dx.doi.org/10.1080/09589230701838438"><i>Good man, Mary!’ Women musicians and the fraternity of Irish traditional music</i></a>, sur la place des femmes dans le monde de la musique trad irlandaise, et je voulais en faire un résumé ici parce qu'il est très très intéressant. Helen O'Shea est ethnomusicologue et son travail porte principalement sur la musique irlandaise et notamment les enjeux d'écoute et d'apprentissage et la mise en relation de cette musique et de sa pratique avec les enjeux sociaux.</div>
<blockquote>
Note personnelle : Pour piger les enjeux de genre spécifiques à la pratique de la musique traditionnelle irlandaise (ITM), il faut comprendre comment fonctionne une session : c'est quand des musiciens se rassemblent plus ou moins spontanément, dans un lieu public ou non, et jouent ensemble des airs de danse, appris par cœur parmi le (très) large répertoire qui existe. Un-e musicien-ne de session connaît entre 200 et +1000 danses. Le principe c'est qu'une personne lance un air, repris par celleux qui le connaissent, et en fait se succéder de 2 à 4 (tout un art, la transition entre les danses, pour que ce soit joli entre les différents modes/tonalités, etc). Lancer un air demande de l'assurance : on exige tacitement du/de la musicien-ne qu'iel sache parfaitement le morceau, et on apprécie l'originalité des danses proposées (tout en faisant en sorte que plusieurs personnes puissent les jouer), la qualité des enchaînements, etc. Ça demande donc un certain répertoire, même si en théorie tout le monde peut lancer un air. En Irlande, un-e musicien-ne est souvent employé-e par le pub pour mener une session (= lancer les airs quand personne n'en n'a à proposer etc), qui s'organise alors hebdomadairement autour d'iel. Chose propre à l'Irlande aussi et qu'on n'observe pas en France, quand on est nouveau venu à une session, on entre avec son instrument et on attend en principe d'être invité à jouer par un-e des musicien-nes présent-e-s. </blockquote>
<div style="text-align: justify;">
<br />
D'un côté, la session peut paraître un moment/lieu très égalitaire, avec l'idée de la communion musicale, fraternelle, spontanée. En fait, il s'y joue un tas de traductions tacites de mécanismes de domination selon ton âge, ton expérience, ta renommée, d'où tu viens, et ton genre. Comme le rappelle l'autrice au début de l'article, ça prend la forme de : qui va avoir les meilleures places (à savoir, celles où tu entendras le mieux et où tu seras le mieux entendu-e et donc suivie quand tu proposes une danse), qui va lancer majoritairement les morceaux, et sur qui va se caler le tempo général de la session (par exemple, si c'est un musicien expérimenté et qui kiffe jouer vite, et qu'on lui donne une place visible et audible, y a des chances pour que les morceaux soient pris à un tempo rapide, ce qui est pas toujours au goût ni à la capacité de tout le monde). Et là-dedans, "si ce ne sont pas toujours les plus vieux ou les plus doués des musiciens qui mènent les sessions, à de rares exceptions près ils sont des hommes."<br />
<br />
Une première manifestation du pouvoir patriarcal au sein de la session/du monde de l'ITM : les répartitions genrées des instruments joués. Déjà, comme dans beaucoup de cultures, les femmes sont bien plus souvent chanteuses qu'instrumentistes (le chant est associé aux qualités supposées féminines de douceur, de don de soi aux autres en passant par le corps, avec une sexualisation implicite du rapport auditeur/chanteuse) [dans la musique irlandaise, les <i>musicians</i> sont ceux qui jouent d'un instrument, distingués des <i>singers</i>].<br />
Au XIXe siècle, quand elles étaient instrumentistes, les femmes jouaient surtout du concertina ou de la harpe (à partir du moment où celle-ci a été appropriée par les femmes de
l'aristocratie, après avoir été jouée exclusivement par des hommes depuis l'Antiquité). Le concertina, un petit accordéon au son plus faible que l'accordéon (<i>box</i>) utilisé majoritairement par les hommes, qui se tient sur les genoux (les mouvements et la pose pour jouer sont donc très discrets) considéré comme bon marché et facile à jouer, et la harpe, instrument complètement inaudible en session. Étaient réservés aux hommes le violon, la flûte et la cornemuse (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Uilleann_pipes"><i>uilleann pipes</i></a>), instruments chers, complexes à fabriquer et à apprendre, sonores, et nobles (surtout la cornemuse, historiquement un instrument de Cour et considéré comme le seul instrument proprement irlandais). Encore aujourd'hui, certains instruments restent largement joués par les hommes : la cornemuse, mais aussi les instruments rythmiques (guitare, bodhran (tambour), bouzouki) qui sont entendus dans quasi tous les morceaux et donnent l'impulsion rythmique de la session.<br />
<br />
<h4>
Aux XIXe et XXe siècles </h4>
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Dans le monde de la musique irlandaise, encore aujourd'hui, à quelques exceptions près, les stars du genre sont des hommes. Les groupes qui se forment sont largement masculins, et dans les groupes mixtes, les femmes sont presque toujours chanteuses. Les femmes n'étant pas perçues comme aptes à mener (quoi que ce soit, a fortiori une session), elles sont rarement employées par les bars comme leaders titulaires. L'exclusion des femmes des pubs était de toute façon quasi-totale (quasi = à part des femmes souvent déjà marginalisées) jusqu'aux années 60. Les femmes étaient donc réduites, dans la première moitié du XXe siècle, à jouer dans les sessions organisées chez des particuliers (et encore, ça, c'était avant les années 40, avant le déclin de ces fêtes domestiques et l'émergence des bals <i>publics</i> animés par des <i><span class="short_text" id="result_box" lang="ga"><span class="">céilí</span></span> bands</i> (groupes de bal)). Une fois mariées surtout, les femmes restaient chez elles : l'extérieur est le domaine des hommes.<br />
A Londres dans les années 50-60, on assiste à une multiplication des sessions organisées dans les pubs, mais à part les <i>fiddlers</i> (violonistes) Julia Clifford et Lucy Farr, les femmes en sont exclues. Et, alors que les hommes forment des groupes soudés, qui se soutiennent mutuellement dans leur pratique musicale, ont tout le loisir de multiplier les expériences ensemble, donc acquièrent du répertoire et du style, donc de la réputation, les femmes, au moins jusqu'aux années 70, n'avaient ni les moyens ni l'opportunité de voyager pour rencontrer d'autres musiciens, intégrer des groupes, se présenter aux <i>fleadh cheoil </i>(compétitions nationales ou locales, assez essentielles pour se faire un nom). Un cadre a pu faire émerger pas mal de femmes depuis les années 50 dans le contexte du grand revival de la musique irlandaise : l'organisation irlandaise de musique <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Comhaltas_Ceolt%C3%B3ir%C3%AD_%C3%89ireann">Comhaltas Ceoltóirı́ Eireann</a> (CCÉ), de qui dépendent les <i>fleadhs</i>. Mais souvent, bien que le stigmate de la femme mariée au pub soit moins fort aujourd'hui, les responsabilités domestiques les tiennent à l'écart de la session, et dans le cas des jeunes filles, leurs obligations sociales les écartent de la pratique musicale intensive nécessaire à la formation de tout-e musicien-ne.</div>
<br />
<h4>
Les femmes aujourd'hui dans l'espace masculin de la session</h4>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Dans l'esprit collectif, le monde du travail est celui des hommes, le monde domestique celui des femmes, et entre les deux, le pub est une sorte de troisième espace, à mi-chemin, qui permet aux hommes de décompresser de la dureté du travail sans être non plus dans le lieu de contrainte (mise en place par leur femme et leurs enfants, évidemment) de la maison. Du coup, les femmes au pub, qui se joignent explicitement au loisir traditionnellement réservé aux hommes (la session), sont quelque part vues comme gâchant ce moment de détente spécifiquement masculin [où peuvent-elles se détendre, elles, eh bien... aha. C'était une blague.] Une femme au bar est toujours illégitime. On leur donne une place dans cet environnement si elles ont un mentor masculin (qui joue depuis longtemps dans la session par exemple) ou bien si elles finissent par être vues "comme des hommes" par le rôle qu'elles prennent [i.e. elles ne peuvent pas être réellement des femmes si elles sont manifestement aussi bonnes que les hommes à ce qu'elles font, il faut les faire rentrer dans une catégorie autre que la féminité]. En-dehors de ces situations, comme les femmes sont rarement leadeuses de sessions, elles tendent à être reléguées aux places où elles entendent moins bien et où on les entendra moins (où on reprendra donc moins les airs qu'elles proposent), sur les marges de la session.<br />
<br />
Par ailleurs, si les femmes sont aujourd'hui moins explicitement malvenues au pub et
y boivent à peu près comme les hommes, une femme qui boit en session est mal vue et devient par ce simple fait une proie (agressions verbales ou
gestes déplacés) aux yeux des hommes présents. Comme on peut s'y attendre, ce
comportement est non seulement vu comme normal mais valorisé pour les
hommes ("ça fait partie du jeu/de l'ambiance"). Malgré tout, beaucoup de musiciennes interrogées par O'Shea ont très peur de paraître "anti-hommes" en dénonçant le comportement de leurs confrères et l'inconfort qu'elles ressentent dans le monde de mecs qu'est le pub/la session.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
Certaines femmes mettent en place des stratégies pour pallier ce rejet plus ou moins implicite selon les cas. L'autrice prend l'exemple d'un groupe de musiciennes de Galway qui, lassé de cette atmosphère virile, a commencé à organiser ses propres sessions. Mais très vite [spéciale dédicace à toutes les meufs qui ont voulu faire des initiatives plus ou moins en non-mixité, c'est tellement caricatural omg] des mecs y sont entrés, s'y sont assis sans même se présenter ni attendre qu'on les invite, et ont fini par dominer les soirées. Alors elles ont organisé des <i>kitchen sessions</i>, chaque semaine chez l'une d'entre elles, avec un bon thé et une ambiance de confiance pour apprendre des airs et construire un répertoire, ce qui leur a donné plus de confiance en elles pour, ensuite, aller en session ordinaire par petits groupes de 2 ou 3 (la session ayant généralement lieu tard le soir, survivre à la rue la nuit est encore un point qui différencie hommes et femmes dans leur rapport à ce loisir).<br />
<br />
O'Shea prend le cas d'une employée leadeuse de session, violoniste, dans le comté du Clare, pour parler des manières dont les femmes négocient leur place dans l'espace de la session. Même dans la position du leader salarié, Anna explique ressentir son lieu de travail comme oppressant : d'une part parce qu'elle est payée 25% de moins que ses collègues hommes, mais aussi parce que c'est un endroit où elle doit lutter pour éviter du harcèlement. Être le centre de l'attention par son statut engendre du harcèlement de la part des hommes, et des remarques des femmes auditrices de la session qui sous-entendent une supposée putasserie de sa part. Alors Anna doit jouer à la gentille fille : ne pas sourire, ne pas avoir de contact visuel avec quiconque, accepter le regard de l'audience sans elle-même regarder son public, et limiter ses gestes lorsqu'elle joue (mouvements des bras au violon, battement des pieds qui font partie du jeu en musique irlandaise) : "maintenant je ne peux pas juste <i>jouer</i>, il y a toutes ces autres choses entre moi et la musique", tout ce à quoi elle doit faire attention sous peine d'être mal vue. En fait, fait remarquer l'autrice, dans la session comme ailleurs, le masculin est la norme, le féminin est l'Autre, qui doit s'adapter à la norme. Dans le cas d'Anna, elle n'était pas la cible de remarques désobligeantes uniquement parce qu'elle était "une fille qui fait un job de mec" mais aussi parce qu'elle ne performait pas la féminité d'une manière attendue des hommes (donc acceptable), jusqu'à ce qu'elle finisse par limiter l'espace qu'elle prenait dans la session.<br />
Ce genre de limitations du corps des femmes se retrouve aussi dans la danse (O'Shea se réfère aux spectacles bien connus <i>Lord of the Dance</i> et <i>Riverdance</i>), mais les divisions patriarcales ont été bien plus contestées dans des domaines plus visuels de la culture irlandaise que dans la musique, où ces répartitions genrées des rôles sont bien plus tacites.<br />
<br />
<h4>
Le discours genré du nationalisme irlandais</h4>
<br />
En Irlande, un regard particulier est porté sur les étrangers dans les sessions. On s'en méfie généralement, on les "teste", car ils ne disposent pas du capital culturel qui leur attirerait respect et reconnaissance, mais aussi ne possèdent pas l'habitus musical nécessaire, les réflexes inconscients appris depuis l'enfance, internalisés et reconnus comme "locaux" par les autres musiciens. [D'ailleurs le fait de mettre les femmes à l'écart est déjà cohérent avec la mise des étrangers à l'écart, si l'on pense les femmes comme Autres, comme O'Shea le rappelait plus haut.]<br />
La place de la musique dans l'imaginaire nationaliste irlandais fait partie des facteurs d'explication de ce double rejet (c'est la partie la plus intéressante de l'article). Le canon de la musique traditionnelle jouée actuellement s'est construit au XIXe siècle et au début du XXe siècle, et il n'est donc pas surprenant que l'ensemble des pratiques et du répertoire soit compris comme devant refléter une identité musicale proprement irlandaise.<br />
<br />
Le discours nationaliste présente la nation et la musique comme féminines, les patriotes et les musiciens comme masculins. Après l'invasion de l'Irlande par l'Angleterre, les représentations symboliques du pays le mettent en scène d'abord comme une vierge vulnérable violée par l'envahisseur, puis, avec la prise d'importance du nationalisme, comme une mère qui doit être défendue contre la domination coloniale. De l'autre côté, le discours colonial représentait lui aussi l'Irlande comme une faible femme devant la masculinité supérieure de l'Anglais teutonique.<br />
Donc, les patriotes irlandais se voyaient comme virils physiquement et intellectuellement, héritiers de la Race Gaélique aux qualités tout à fait masculines, protégeant coûte que coûte le corps (le territoire) et l'âme (la culture) de la nation, féminine. La personnification de l'Irlande en femme a servi deux buts idéologiques distincts : appliqué par les hommes irlandais, il a renforcé l'assignation des femmes à un rôle passif et de pureté ; appliqué par les Anglais, il a servi au perpétuel rabaissement du peuple irlandais par un stéréotype débilitant (Elizabeth Butler Cullingford).<br />
Une identité nationale irlandaise "active, indépendante et masculine" a été construite contre cette image "passive, organique et maternelle" du territoire et du paysage rural irlandais lui-même. L'association nation/féminité a, selon Cullingford, conduit les nationalistes irlandais à devenir "hyper-masculins" et à demander aux femmes irlandaise une "hyper-féminité" suivant les traits définis par la Constitution de 1937. Si la nation est féminine, son peuple est donc masculin.<br />
<br />
Après l'indépendance, ces stéréotypes genrés ont également été les qualités attribuées au citoyen idéal. Des siècles de chansons, peintures, textes pédagogiques, discours politiques, ont forgé des délimitations étroites du masculin et du féminin dans la société irlandaise. L'exclusion politique des femmes a d'ailleurs été de plus en plus forte au sein du mouvement nationaliste au fil de son histoire, ce que O'Shea attribue au mécanisme observé dans d'autres situations de colonisation, selon lequel les populations colonisées, dans leur dynamique de libération, imitent des structures oppressives du colonisateur, souvent par l'exclusion d'un autre groupe marginal, notamment les femmes.<br />
<br />
<h4>
Musique et nationalisme irlandais</h4>
<br />
A l'époque coloniale, la musique irlandaise représentait dans les discours britanniques la construction féminine du tempérament irlandais et son infériorité symbolique. Pour passer d'un mouvement culturel indépendantiste à un mouvement politique de plus en plus militarisé, il a fallu pour les nationalistes se débarrasser des genres musicaux perçus comme féminins (chansons sentimentales, airs lents joués à la harpe ou au piano) pour valoriser les chansons aux rythmes martiaux exhortant les patriotes au combat viril. Dans l'institutionnalisation de l'ITM post-indépendance, qui passait par la radio et l'organisation CCÉ, les marches et ballades patriotes, mais aussi la musique de danse constituée peu à peu sous le terme d'Irish Traditional Music, qui est bien une entité <i>construite</i>, étaient le principal répertoire.<br />
Cette assimilation de la musique irlandaise à un discours viriliste et invisibilisant pour les femmes est évident aujourd'hui dans toute la communication autour des événements liés à l'ITM et dans les livres sur le sujet : le musicien-type est toujours un homme.<br />
<br />
Alors que les Irlandais dans l'absolu ont pu être associés à la féminité, le peuple irlandais, sa diaspora surtout, est très masculinisé dans sa représentation, et cela a son importance pour comprendre la place des femmes dans les sessions : c'est dans le contexte d'une diaspora masculine que la session se développe comme activité réservée aux hommes. La musique de danse "vigoureusement masculine" (dixit le compositeur très connu en Irlande Seán Ó Riada), opposée au "style féminin dégoulinant" de la harpe moderne, est accaparée par les émigrants, dans une dynamique dissociée de la danse elle-même, et entre hommes.<br />
Parallèlement, la performance de cette musique collectivement dans les pubs est l'occasion d'une analogie mentale avec l'idéal de la nation comme communauté. Les femmes auditrices, plus encore musiciennes, perturbent alors la mise en scène (<i>performance</i>) de l'identité irlandaise, puisque le patriote Irlandais, l'émigrant Irlandais et l'Irish Traditional Music sont perçus comme masculins (et hétérosexuels, évidemment ; les musiciens gays restent sans exception dans le placard encore aujourd'hui).<br />
<br />
<br />
La pratique de la musique irlandaise s'insère donc totalement dans une constellation de discours genrés, qui ont des sources historiques à travers la place accordée aux femmes par les nationalistes irlandais, et celle qui leur était accordée en général dans les lieux de rassemblement et de détente qu'étaient les pubs. Les musiciennes en session perturbent en outre les représentations patriarcales de la musique, de l'espace et de la nationalité, et sont donc non-seulement sous-représentées mais aussi contraintes à la limitation de leur corps, de l'espace qu'elles prennent physiquement et musicalement, par les attitudes des hommes.</div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-20123386625537096242016-05-02T14:42:00.003-07:002016-10-26T05:33:43.620-07:00Brisures<div style="text-align: justify;">
Il faut écrire.<br />
Écrire ce qu'on aurait dû écrire depuis longtemps au fur et à mesure des actes répétés de violence policière contre les jeunes racisé.e.s, clairsemés, invisibles à celles et ceux qui ne le vivent pas, et pourtant permanents, de l'humiliation de routine à la mort, comme une menace constante, toujours excusée. Tout aussi grave, et tout aussi politique, que ce qui aujourd'hui me touche plus directement. Des violences policières qui <span class="st">affectent soudain </span>mon milieu blanc diplômé politisé, qui affectent mes camarades (majoritairement blancs, disons-le). Je n'ai pas su écrire cela avant. Mais il faut un moment. Parler des brisures, celles des tournants dans une situation sociale, celles des mains et des crânes des camarades, celles qui rendent féroce, enflammé.e, encore plus qu'avant, de manière encore plus réelle et urgente qu'avant.<br />
<br />
<b>Se heurter</b><br />
<br />
Il faut écrire le 28 avril et la manifestation avec, oui, des personnes qui ont jeté leur rage à la gueule des flics ; un bordel joyeux, parce que ça faisait déjà un mois qu'on était sorti.e.s pour la première fois dans la rue et que le gouvernement pliait pas et que quelques syndicats faisaient semblant de croire que négocier des amendements serait satisfaisant. Parce qu'on en pouvait plus d'être pris.e.s pour des billes. Tout le monde en avait assez, sentiment de frustration renforcé par les slogans monocordes et peu convaincus dans les sonos des syndicats, en contraste avec la rage réelle des manifestant.e.s. Elleux aussi se sont pris les lacrymos, là pour la première fois, l'odeur asphyxiante qui arrive jusqu'à celleux qui avaient tout fait pour l'éviter. Le prétexte d'une centaine de personnes plus "dures" a suffi aux condés pour nasser, charger, terroriser. Austerlitz, déjà, des blessures. Plusieurs salves de gaz. Grenades de désencerclement : assourdissantes, dangereuses, et lancées alors que les CRS étaient tout sauf encerclés. Impossible de partir maintenant, toutes les rues sont barrées par les bleus. On tente avec quelques camarades de se réfugier dans un hall d'immeuble, les gardiens nous somment de sortir.<br />
Pas en conditions pour rejoindre celleux qui ripostaient, je suis partie avec des camarades un peu avant Nation, pour, en rentrant chez moi, apprendre que la place n'était plus qu'un nuage de lacrymos. Pas tout à fait une nouveauté, ça avait déjà eu lieu jusque dans le métro le 31 mars. Tourne aussi l'info qu'un jeune homme à Rennes a perdu son œil.<br />
<br />
Le soir, au fur et à mesure que rentraient chez elles les personnes de Twitter qui y avaient été, voir les photos des blessures, postées pour dire, voilà ce qu'ils font. Il y en a beaucoup. Des hématomes, des éraflures, du sang, un impact de flashball en plein dans la poitrine, cercle de cinq centimètres de diamètre, bien au milieu, rouge. République vers minuit. La Nuit Debout chassée. Un chaos encore. Beaucoup de vidéos circulent. On y voit la BAC, en tenue anti-émeute, frapper dans le dos des personnes qui tentaient de partir de la place. Frapper des gen.te.s menotté.e.s. Les traîner au sol. Dire à un type "pourquoi t'as un masque de protection si c'est pacifique" ? Parce qu'on savait, pour les lacrymos. Parce qu'on sait que rien n'arrête les flics, pacifisme ou pas. Parce que toi connard en face, t'as un bouclier, une matraque télescopique, un flashball, des jambières, des gants renforcés. Violence étatique, trop forte, sadique, indescriptible. Hurler intérieurement.<br />
<br />
Chocs. Habitué.e.s comme moins aguerri.e.s, tous.te.s choqué.e.s, ou épuisé.e.s. Quelqu'un.e sur Twitter dira : "le plus frappant, c'était qu'on avait l'impression que chaque CRS en voulait personnellement aux manifestant.e.s". Leur hargne. Beaucoup décriront les sourires goguenards des CRS devant celles et ceux qui chialaient à cause des lacrymos, ou leurs remarques mesquines pour se foutre de leur gueule. Mes parents y croient à peine. Ça c'est étonnant disent-ils. Ils sont là pour gérer, n'est-ce pas, protéger ? Ils ont probablement dépassé leurs ordres.<br />
Une vidéo, où l'on entend ces ordres : "violence maximale."<br />
<br />
<b>Solidarités </b><br />
<br />
Il faut écrire le 1er mai. Manifestation familiale, le 1er mai. La fête qui est même devenue la fête du travail plutôt que celle des travailleurs. Super, le travail, on adore. La fête qui comprend un défilé du FN. La fête des merguez, d'Osez le féminisme et de Mélenchon. Alors je n'y suis pas allée, pensant qu'entendre "ou alors ça va péter" avec comme conséquence environ rien (tu sais les manifestations où tu continues à marcher lentement sans même reprendre les cris, dans des rangs clairsemés, et où t'as même pas forcément des personnes avec qui discuter à côté de toi) allait me déprimer plus qu'autre chose. J'ai donc suivi tout ça sur Twitter. <br />
<br />
On apprend d'abord, vers 13 h, qu'il y a eu 7 arrestations, dont 4 à Marseille, avant que quoi que ce soit ne commence, chez Solidaires et la CNT. Syndicats gênants... A Rennes, la police a des fusils d'assaut. Tout va bien.<br />
Puis, en milieu d'après-midi, un ou deux métros fermés à Paris, après que les flics aient coupé en deux le cortège en nassant la tête sous les protestations de manifestant.e.s. <a href="https://twitter.com/MorganeMerteuil/status/726789529529511936">Les CRS sont un nombre dingue</a>. Gazages, coups, nombreux.ses blessé.e.s, alors que les manifestant.e.s tentent de rester soudé.e.s. Mouvements de panique. Des keufs descendus jusque dans le <a href="https://twitter.com/LorenzZorro/status/726800978222129152">métro</a>, des personnes âgées et des enfants asphyxié.e.s par les lacrymos. <a href="https://twitter.com/AxlRx/status/726803277824806912">Des blessures graves.</a> Sales évocations de Charonne.<br />
<br />
Ce qui semble frapper les personnes présent.e.s, au-delà du caractère hallucinant de la violence déployée par les CRS (plusieurs expérimenté.e.s diront n'avoir jamais vu ça un 1er mai), c'est la solidarité énorme de quasi tous.te.s celleux qui étaient proches de là où ça frappait. Dès le début des violences, clairement provoquées par les CRS pour le coup (ce <a href="https://twitter.com/ju_esc/status/726805089558642689">qu'avouera</a> même un journaliste de BFM TV...), une <a href="https://twitter.com/PierreGautheron/status/726781320697929729">équipe médicale</a> se met en place. Qui sera nassée un bon moment par les CRS (oui, de dangereux médecins qui aident les casseur.euses, ouh là là). Tous.tes celleux qui en ont donnent du sérum phy à celleux qui en ont besoin. Des vieux.ielle.s partent en gueulant sur les flics. Toute la foule autour des CRS leur crie <a href="https://twitter.com/hugohanr/status/726792050243461120">"rendez-vous, vous êtes cernés"</a>, et "tout le monde déteste la police", et "<a href="https://twitter.com/gueugneau/status/726806870996967425">nous sommes tous.tes des casseurs</a>". Sur les vidéos, entendre autant de monde dire ça, ça fait quelque chose. <a href="https://twitter.com/fabienmarcot/status/726796343210065921">Une foule avec les mains en l'air face aux flics</a>. Et soudain <a href="https://twitter.com/clemence_h_/status/726819563220905984">ce tweet</a> : "la foule vient d'applaudir le cortège des anars". Beauté. Euphorie. On dirait que <a href="https://twitter.com/Antigone_Red/status/726832589546344448">les flics font tellement n'importe quoi</a> que certain.e.s dans les gros syndicats soutiennent les émeutier.e.s. (soyez rassuré.e.s, d'autres <a href="https://twitter.com/Katyusha_vins/status/726813724967899136">restent fidèles</a> à leurs principes). Quand à la fin de la soirée les CRS quittent la place, c'est sous les huées. A Rennes, la passerelle Saint-Germain est repeinte en rouge en hommage à l'étudiant éborgné.<br />
<br />
A République, c'est chaud encore cette fois. "<a href="https://twitter.com/eventyr_a/status/726875025408712704">Tirs tendus, charge de la BAC</a>". Du gaz et <a href="https://twitter.com/gueugneau/status/726896468666241026">des keufs dans le métro</a>. Encore. Coups. <a href="https://twitter.com/gueugneau/status/726896237203623936">Gaz</a> <a href="https://twitter.com/gueugneau/status/726898438294609921">lacrymo</a>. Un blessé grave. En tant que bon jaunes, la commission "accueil et sérénité" de Nuit Debout ont cherché à<a href="https://twitter.com/ArnaudContreras/status/726851397178777606"> s'interposer</a> entre flics et casseurs pour calmer le jeu. Sans surprise, les baqueux ont <a href="https://twitter.com/CorinnePerpinya/status/726868156770336768">mis à bas</a> le frêle barrage de ces messieurs-dames. La non-violence ne sert à queudalle face aux flics, épisode 761942. En même temps, il s'agissait plutôt de protéger les flics. Mais de la part de la même commission qui a eu comme réaction à un viol à Nuit Debout il y a quelques jours : "les meufs faites attention à ne pas trop boire", on ne pouvait pas s'attendre à grand chose de mieux.<br />
Sur Twitter il règne une ambiance un peu folle, hagarde, rageuse, on analyse, on se soutient, on gueule, on est joyeux.se.s désespéré.e.s inquiet.e.s en colère optimistes de la suite. Sentiment étrange d'avoir vécu cette journée sans y avoir été. Qu'en relayant chacun.e les tweets des autres c'est comme si on se soutenait, comme si on était là les un.e.s pour les autres.<br />
<br />
<br />
<u>Edit:</u><br />
<i>Ce 14 juin, du monde, tellement de
monde, encore cette joie. Mitigée toujours par le nombre d'arrestations
et de blessés, un enfer selon celleux qui étaient dedans.</i><br />
<i>Une
vitre d'hôpital pétée. "C'est naze" est ma première réaction, et puis je
comprends que les cognes ont étranglé la manif juste à cet endroit,
avec canon à eau, tonfa, grenades de désencerclement (tu sais celles qui
explosent en projetant des machins en caoutchouc bien durs partout et
qui mal lancées peuvent causer des lésions graves), et les manifestants
cherchaient à calmer les choses, mais les flics seulement violence, mais
impossible d'éviter, meilleur moyen pour que des réformistes mal
dégrossis s'indignent</i><br />
<i>au lieu de se révolter contre les lits
supprimés, les cadences infernales des soignant-e-s, le manque de
matériel, la loi du marché appliquée à la santé</i><br />
<i>au lieu de se
révolter contre le nombre de gens la tête en sang, une gamine pleine de
rouge sur la figure dans une nasse le flic a dit ah mais vous ne pouvez
pas sortir maintenant. </i><br />
<i>Des vitres brisées font se déplacer un ministre.</i><br />
<i>Des gens dans le coma à cause d'une grenade, comme ce gars depuis plus d'une semaine, non (</i><i>mais il faut dire que la grenade aurait décidé toute seule de se lancer à l'assaut du crâne du garçon, alors bon, rien n'est sûr voyez.)</i><br />
<i>Mais à celle du 26 mai déjà, on avait remarqué quelque chose avec les ami-e-s : le cortège de tête, autonome, hors syndicats, là où il se passe des choses, là où les gens écrivent leur rage moins doucement, grossit chaque fois. Chaque fois ça fout des frissons.</i><br />
<br />
<b>Réactions </b><br />
<br />
<span class="st">Je voulais aussi écrire les réactions étranges, dont deux exemples m'ont particulièrement agacée. Les réactions face aux casseur.euses, d'une part, avec comme emblème celles face à la Porsche brûlée à Nantes. </span>Ah ça chiffonne, ça. Scandaleux. Les commentaires ont été indignés, voire très violents envers les émeutier.e.s et leurs soutiens. Comme si on attaquait le rêve de ces gens et l'illusion que ce système peut nous faire tous.te.s réussir. Surtout des mecs, dans les outrés, on passera sur le côté symbole phallique, toussa toussa. Une centaine de manifestant.e.s blessé.e.s. Un œil perdu, une jambe
(combien de temps de rééducation ? d'emmerdements pour toute la vie ?), à
cause de la police, mais il fallait se préoccuper de la Porsche,
rendez-vous compte, il a travaillé toute sa vie pour l'obtenir, lui un
pauvre cadre chez EDF. Pour la décence, on repassera.<br />
<br />
Le reste, on connaît. Décrédibilisation violence gratuite irrespect. Je vais faire dans la réponse classique mais : où se situe la vraie violence, où se situe le véritable irrespect, pourquoi faut-il tellement se rendre crédibles aux yeux de gens qui défendent un système dont nous ne voulons qu'une chose : être les destructeur.ice.s ? On a vu des choses assez épiques, du genre : un article par jour sur la souffrance des gentils policiers qui avaient dû taper des manifestant.e.s, mais pas de gaieté de cœur hein, vous savez. Légère fatigue, je dois avouer. Enfin je sais pas, ça me semble tellement une évidence que tu soutiens TOUJOURS celleux qui socialement ne sont pas en position de force. Et les CRS seront toujours plus en position de force que n'importe quelle personne avec une caillasse à la main. Protégés par leur bouclier et leurs armes ultra-dangereuses, protégés par l'Etat, protégés par les médias.<br />
<br />
Par ailleurs, pour la crédibilité, comme le faisait remarquer un camarade sur Twitter, il n'est pas certain que l'affrontement soit si improductif que ça. D'abord, je vais peut-être dire un truc con mais rappelons que c'est l'Etat qui choisit de décrédibiliser le mouvement (évidemment, il y a intérêt), donc l'arguement contre les casseurs me paraît être juste une manière un peu détournée et facile de ne pas s'en prendre à l'Etat. Ensuite, ça attaque l'Etat là où ça fait mal : dans les aspects économiques. Et en termes d'image : ça fragilise le pouvoir, et ça donne l'idée aux autres gouvernements d'un Etat incapable de maîtriser ses remises en cause. Enfin, la répression a un coût financier pour l'Etat, ainsi qu'encore une fois en termes d'image : les vidéos des violences policières, ça circule. Souvent plutôt celles d'amateurs que de journalistes prompts à dénoncer les émeutier.e.s.<br />
<br />
Un universitaire a été arrêté lors de cette même journée. Un professeur, un sociologue. Là encore, scandale. Tout de même on n'arrête pas un intellectuel comme ça. Les "jeunes de banlieue", ça va : elleux ne sont pas très bien intégré.e.s, iels sont ingrat.e.s, anti-républicain.e.s, dangereusement pas comme nous, pauvres, un peu sauvages bien sûr, il faut les maîtriser. Les émeutier.e.s, ça va : elleux n'ont pas de vie en-dehors, n'ont pas
de réflexions, n'est-ce pas, iels surgissent le temps d'une manif, et
puis retournent vivre leur vie de casseur.euses, on ne sait où, loin
dans l'obscurité, dans les marges, hors de l'humanité. Groupes difficilement contrôlables par l'Etat, déshumanisés dans les discours, iels sont les autres, celleux qu'on ne veut pas que nos enfants deviennent, et iels l'ont cherché. Mais un intellectuel, politisé, lui, réfléchi, pertinent ! Quelqu'un de respectable, de raisonnable. Une Bonne Personne. Entendable. Comme si la politique n'était que du dialogue ; rendez-vous compte de la chance que vous avez de pouvoir croire cela, de ne jamais être dans la rage et l'urgence. Comme si on devenait émeutier.e en se levant le matin comme ça, par paresse intellectuelle, tiens et si je risquais ma vie, parce que pourquoi pas, ça fera de l'action.</div>
<div style="text-align: justify;">
Quelques situations similaires (avec des journalistes, des pacifistes) auront montré qu'être sage de protège pas de la police. Mais au lieu de faire aboutir de nombreux militants gauchistes, ou autres intellectuels-Merci-patron, à une remise en cause de l'institution policière elle-même, ou du dogme de la non-violence, cela ne leur sert qu'à distinguer les bons des méchants, les victimes de la répression et celleux qui la méritent. Un jour ils comprendront peut-être que mettre ainsi en avant son statut de "personne valable" est d'une violence inouïe pour tous.te.s les arrêté.e.s arbitrairement, tous.te.s les prisonnier.e.s politiques que compte cette merde de pays.<br />
<br />
<b>Radicalisation</b><br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Pour la première fois de ma vie, ce
jour-là, j'écris dans une discussion sur Twitter : "ils frappent mes
camarades", en parlant des flics et des émeutier.e.s. Pour la première
fois de ma vie j'écris "mes camarades". Vivre ça, ce sentiment de
solidarité sans faille, totale, face au traitement médiatique de ce qui
se passe, face aux réactions outrées de celleux qui pensent encore que
protéger la propriété est une priorité.</div>
<div style="text-align: justify;">
Avant je vivais les
luttes d'une manière souvent un peu abstraite, parce que pas d'urgence
pour moi qui n'ai jamais rien eu à affronter de difficile socialement,
parce que j'allais souvent derrière dans les manifs, parce que
résignation, je m'empêchais de ressentir vraiment cette rage puisqu'elle
n'était pas exprimable "correctement", parce que tout semblait inutile
au fond. Alors je n'avais jamais vraiment dit, "mes camarades". Je ne me
sentais pas légitime à le faire car pas suffisamment impliquée à mon
goût, et en parlant des émeutier.e.s, cela ne me venait même pas à
l'esprit. Illes étaient "les autres", des "totos", ceux qui lisent le
Comité Invisible et qui n'ont rien à proposer de constructif. Je me suis toujours énervée contre le pacifisme béat et les discours qui sous-entendaient que les casseur.euses étaient moins à plaindre que les flics, pour les raisons détaillées plus haut, mais à mes yeux, la casse
c'était bien mais à réserver pour la révolution (qui n'arrive pas). </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ce
jour là j'ai compris, viscéralement, qu'exprimer sa rage en foutant
tout en l'air c'était notre seule chance. Que, même si beaucoup ne
l'avaient pas fait concrètement (personnellement je sais que je cours
pas assez vite, je sais que j'ai trop peur, je sais que je suis pas
formée), on était tous.tes des émeutier.e.s. Qu'il serait temps que
j'arrête de faire de la violence d'Etat envers les catégories sociales les
plus visées (i.e. les prolos et les racisé.e.s) une sorte d'abstraction.
Que ma solidarité avec eux doit aller plus loin que la théorie. Je le
savais, bien sûr, avant, toujours dans le discours, mais je l'avais pas
*vécu*. Avoir de l'empathie. Dans les tripes. Soutenir. 6 ans que je
crie et écris le plus sincèrement du monde "à bas l'Etat, les flics et
les patrons", mais quelques jours seulement que je le vis. Ça change
beaucoup de choses. Je pensais pas qu'être aussi remontée était
possible.</div>
<div style="text-align: justify;">
J'ai compris viscéralement que la non-violence protège l'Etat. Qu'il n'y a PAS de bon flic. <span class="st">Non,
vraiment, cherchez pas. Moi aussi j'avais longtemps pensé, quelque part
dans un coin de ma tête, qu'il y en avait des raisonnables. Mes parents
me l'ont toujours dit, n'est-ce pas. En vrai, les "raisonnables," c'est
ceux qui te crachent à la gueule le lendemain de cette fameuse petite
discussion hypothétique dont tout le monde parle, "mais tu devrais lui demander
pourquoi tu fais CRS, tu verrais qu'il n'est qu'un exploité, qu'il faut qu'il rejoigne la révolution". La couverture par "la hiérarchie et les ordres" pour casser du manifestant. </span><br />
<span class="st">J'ai
compris que l'attitude petite bourgeoise de ma famille qui a toujours
été "on sait mieux", "ils ne se révoltent pas de la bonne manière", "ils
sont un peu cons, ce sont des rigolos" ne tenait pas. Qu'il n'y avait
rien à décrédibiliser : l'Etat ne reconnaît pas la colère, même planplan
; le mouvement à leurs yeux n'est déjà pas crédible, alors autant
soutenir celles et ceux qui ont le courage d'aller en détruire
physiquement des petits bouts, en mettant leur vie en danger. Oui car
quand on va sous les flashballs, on met sa vie en danger. Quand on
risque la prison, on met sa vie en danger. Et ce courage, ça vaut aussi pour les émeutiers de 2005 (j'étais jeune), ou de Londres en 2011, enfin pas que les gens ultra-politisés des manifs.</span><br />
<span class="st"><span class="st">En fait, j'ai compris pourquoi les émeutier.e.s
faisaient ça. Ça avait déjà été un peu le cas pendant ce qui s'était
passé à Londres en 2011, mais là évidemment, c'était plus proche, donc
plus évident encore. J'ai compris que ça avait du sens. Que oui, à un moment, pour traduire la rage inouïe (qu'il est LOGIQUE et salutaire de ressentir) face à la peur, aux humiliations, à la précarité constante, au risque de mourir arbitrairement, il y a cette réponse. Forte. Cohérente.</span> </span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span class="st">Il
y a un moment où dialoguer devient bien plus stérile que de hurler. Et
où celleux qui ont le courage de hurler sont bien plus proches de nous
tous-tes que n'importe quel connard de la CFDT. </span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
Serais-je en voie de radicalisation.</div>
<br />
<b>Précisions</b><br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
Les syndicats sont importants (je vous vois, "wha l'autre elle vire toto"). Bien sûr qu'il faut s'organiser, concrètement, au jour le jour, contre les violences quotidiennes qui sont faites aux travailleur.euses. Justement : renforçons la solidarité entre syndicats et émeutier.e.s. Pas l'un sans l'autre. Et bien sûr qu'il faut s'organiser sur des bases matérielles, pas en mode "oué on est tous.tes pareil.les face à la répression et aux violences structurelles, allons courir à poil dans les rues en taguant du Debord sur les murs comme si on n'avait ni taff indispensable pour bouffer, ni confrontations au racisme et/ou au sexisme".</div>
<div style="text-align: justify;">
Ce qui m'amène à ma deuxième précision : mon propos en disant "nous sommes tous.te.s des casseur.euses" n'est surtout pas d'occulter les différences de classe, de genre, de race (au cas où certain.e.s lecteur.rices de ce billet ne seraient pas au jus de la pensée antiraciste matérialiste, par "race" il faut évidemment comprendre non pas quelque chose de biologique mais une construction sociale basée sur l'origine d'une personne, visible, entraînant des discriminations et des violences sur la personne, avec souvent un lien fort avec l'histoire coloniale) qui existent entre nous. Nous ne subirons jamais la violence d'Etat de la même manière. Mais il serait temps de reconnaître qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise révolte contre les dominants et contre ce qui nous détruit. Et que notre sentiment de rage nous unit. Que se désolidariser des émeutier.e.s, c'est suicidaire, amoral, anti-politique, abject, facile. Ça ne mènera à rien. Il ne s'agit pas de dire, quand on n'est pas dans cette situation, "je lutte comme les prolétaires/racisé.e.s parce que j'ai la même urgence qu'eux face aux violences d'Etat", mais "je veux lutter avec eux, je peux dire que ce sont mes camarades, et que toute violence contre le système capitaliste et colonialiste est à soutenir". </div>
<br />
<b>Tout va bien</b><br />
<br />
Hier matin, François Hollande a reçu à l'Elysée <a href="https://twitter.com/Elysee/status/726746717396193280">les producteurs de muguet</a>. Hier soir, l'Intérieur publiait un communiqué en disant que <a href="https://twitter.com/OlivierCyran/status/726872183583158272">tout s'était très bien passé</a>. Ce matin, <a href="https://paris-luttes.info/repression-contre-47-lyceens-en-5550?lang=fr">47 lycéen-nes en garde à vue à Nanterre.</a> <a href="http://www.lemonde.fr/campus/article/2016/05/03/treize-lyceens-en-garde-a-vue-dans-les-hauts-de-seine_4912419_4401467.html?utm_medium=Social&utm_source=Twitter&utm_campaign=Echobox&utm_term=Autofeed#link_time=1462228327">Treize ce soir. </a>Aujourd'hui, le gouvernement envisage de faire passer la loi travail <a href="http://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-berretta/loi-travail-le-gouvernement-envisage-le-49-3-02-05-2016-2036311_1897.php?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Twitter&link_time=1462168353#xtor=CS1-32-[Echobox]">contre tout principe démocratique</a> (avec le 49.3).<br />
<div style="text-align: justify;">
Les violences policières de ces derniers jours ne sont pas des erreurs. D'une part parce que la police, en elle-même porteuse de cette violence, n'est pas une erreur : elle protège l'ordre capitaliste, blanc, masculin. D'autre part parce qu'il s'agissait clairement de semer la terreur et de tuer le mouvement. Ces violences sont politiques.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
Écrire pour montrer, pour ne pas oublier, ne pas pardonner.<br />
Mon slogan préféré vu sur une photo hier (complètement toto, faites pas gaffe, ils ont le mérite d'être poétiques) : "Nous naissons de partout sans limites".<br />
<br />
<b>Plus loin (sur le 1er mai essentiellement)</b><br />
<br />
<a href="https://paris-luttes.info/temoignage-d-une-streetmedic-lors-5552?lang=fr">Témoignage de l'équipe médic du 1er mai</a><br />
<a href="https://paris-luttes.info/1er-mai-suivi-de-la-journee-de-5508?lang=fr">Récit de la manif </a><br />
"<a href="https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/020516/la-fabrique-de-la-violence">La manifestation parisienne aura confirmé que l'Etat est le premier organisateur de la violence</a>"<br />
<a href="http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/05/02/le-maintien-de-l-ordre-a-l-epreuve-des-casseurs_4911784_1653578.html?xtref=http://m.facebook.com">1er mai : le discours officiel sur les casseurs contesté par le terrain</a><br />
<a href="https://storify.com/fabienmarcot/dans-le-metro-parisien-un-soir-de-1er-mai">Récit de comment c'était dans le métro ce soir-là </a><br />
<a href="http://www.regardnoir.org/de-la-coherence-dans-laffrontement-reflexions-sur-la-manifestation-parisienne-du-28-avril/">De la cohérence dans l'affrontement : réflexions sur la manifestation parisienne du 28 avril </a></div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-75431579142915208412016-04-19T10:21:00.001-07:002019-03-10T07:12:20.185-07:00Last Night's Fun<div style="text-align: justify;">
Les sessions de musique irlandaise de Paris. Trois ans que je veux y aller en n'osant pas, et puis là, enfin, depuis quelques semaines. C'est devenu une habitude, déjà, et un manque quand je ne peux pas y participer. Le samedi soir, attendre presque la nuit pour partir, une boule d'anxiété et d'impatience dans le ventre, dans le métro penser au bar minuscule, à la vingtaine d'hommes qui sont là souvent devant le comptoir regardant le football et qui crient des encouragements aux joueurs et qui forment une horde compacte que je vais devoir traverser, penser à leurs remarques grasses sur ma taille ou mon âge (supposé d'après ma taille) en sous-entendant des choses auxquelles je ne veux pas penser, anticiper le "pardon, désolée, 'scusez-moi". Dehors, compter les rues jusqu'à celle où tu dois tourner à gauche et puis tout droit, penser déjà à la chaleur et la musique et l'oubli, mais est-ce que tu vas pouvoir jouer correctement ce soir, espérons qu'on ne soit pas trente musicien-ne-s comme la dernière fois la fois où tu avais eu ce sentiment de solitude qui serre la gorge, de ne rien pouvoir faire, de ne rien savoir avec tous ces gens qui jouent cette musique depuis dix, quinze, vingt ans et qui connaissent des centaines de danses de mémoire et toi au milieu qui ne sais pas jouer aussi vite aussi bien. Mon violon sur le dos, penser à quel point tout ça en vaut la peine.<br />
</div>
<div style="text-align: justify;">
Entrer, se frayer un passage, mettre en application le "pardon, désolée, 'scusez-moi", sourire en réponse au "bonsoir" du barman bourru noueux fin nerveux, "comme d'habitude la demoiselle", un demi de Guinness, oui, s'il-vous-plaît, espérer que ma gêne ne se lit pas trop dans ma voix, tout en étant certaine du contraire, attendre que la mousse se forme et que la bière devienne noire. Boire une gorgée pour pouvoir descendre prudemment les escaliers jusqu'à la salle en bas, là où il y a la musique. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Pas encore trop de monde, le banjoïste, toujours à la même place qui parle fort avec un sourire chaleureux trop grand pour son grand visage comme s'il mangeait les choses, un violoniste la soixantaine, une autre les cheveux courts celle qui vient à vélo, une femme cascade de cheveux noirs et son <span class="st"><i>bodhrán</i></span>, un flûtiste grisonnant et taciturne. Discussions et demandes de nouvelles, le banjoïste entame un<i> reel </i>que les violonistes reprennent, je ne connais pas ceux qui suivent non plus, demander les titres, noter consciencieusement, se promettre de les apprendre. Apprendre à être patiente, à ne pas se décourager de ne pas savoir, humilité qui me manque parfois. Et puis des <i>jigs</i> proposées par la violoniste, cette fois je peux les chantonner, je joue, un peu, je me trompe, ces mélodies ne sont que des souvenirs un peu vagues, apprises il y a longtemps, que je n'avais jamais vraiment jouées sans partition. Boire un peu pour se donner une contenance, en écoutant la suite, être attentive, se détendre, retrouver les sensations familières, oublier la frustration de ne pas pouvoir jouer et apprécier simplement le rythme continu, la danse qui roule comme une eau de rivière, la mélodie qui se perd dans des motifs pas toujours attendus, les variations, les ornements. Les pieds frappent le sol, impossible de refréner ça, partie intégrante de la musique, du rituel, des corps, prolongement de la mélodie ; les deux <i>fiddles </i>sont tranquilles la flûte douce et brouillonne le banjo sonore-éclatant, à l'image de son instrumentiste, le type qui parle tout le temps qui est allé partout et qui le raconte avec sa voix forte et qui fait toutes les traductions des titres de danses quand personne ne les demande mais qui met à l'aise.<br />
</div>
<div style="text-align: justify;">
D'autres musicien-ne-s arrivent, un deuxième <span class="st"><i>bodhrán,</i> un <i>tin whistle</i>, un quatrième violon. Du monde. Masse sonore. Introduction à l'euphorie. Petit à petit trouver sa place, en observant, contacts d'yeux, sourires, lancer des <i>jigs</i>, <i>Banish Misfortune, The Killavil Jig, The Mist In The Glen, </i>s'excuser de connaître surtout des standards mais au moins celles-ci j'en suis certaine, et puis sans s'y attendre attraper un <i>reel</i> rapide à la limite de l'intelligible, se perdre puis se raccrocher à l'assise rythmique, différente de quand on joue seule, se souvenir, parvenir pour la première fois à jouer d'oreille une polka, petite victoire. Les deux </span><span class="st"><span class="st"><i>bodhrán</i>s</span> ont des sons complètement différents l'un de l'autre, leurs joueurs des styles complètement différents l'un de l'autre, observer leur main qui se déplace doucement contre la membrane dans la caisse de résonance pour modifier la tension de la peau. Après chaque <i>set</i>, la satisfaction des instrumentistes d'avoir donné ça, être un peu fourbu-e-s, une gorgée de bière, causer un peu. Un autre <i>reel</i>, familier, rassurant, <i>Last Night's Fun,</i> et puis <i>The Drunken Landlady</i>, tes doigts savent mieux que toi où aller parce que tu les as trop joués, cette musique est joyeuse même en mineur et sa mélancolie réside dans les concentrations des musiciens, dans les yeux clos, les expressions sérieuses, abandonnées, la violoniste aux cheveux courts est belle, solide avec son air doux et triste, et on joue ensemble tous-te-s, ces danses qu'on tenait en secret en soi le reste du temps et puis que soudain on peut jouer en même temps que de parfait-e-s inconnu-e-s.</span></div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-28622356190274882332015-11-27T04:07:00.002-08:002016-10-26T05:40:15.345-07:00Ressources : état d'urgence, écrits critiques<div style="text-align: justify;">
Je mets ici quelques articles critiques envers l'état d'urgence et ses conséquences, la rhétorique policière, martiale et nationaliste du gouvernement (qui se fait applaudir par les extrême-droites d'Europe), ainsi que des textes donnant quelques informations factuelles.</div>
<div style="text-align: justify;">
Parce que j'ai pas la force. Parce que j'arrive pas à mettre en ordre toute la rage que j'ai dans ma tête vis-à-vis du gouvernement et autres patriotes flics militaristes cadavérisés. Et parce que je sais pas quoi faire contre tout ça. J'ai une certaine envie d'hiberner jusqu'à la révolution, voyez-vous. Bref, du coup, si ça peut aider à causer de ça à des proches convaincus du bien-fondé de des mesures prises, par exemple, ou vous aider, comme ça m'aide aussi, à faire le tri, et à voir que vous êtes pas tout-e seul-e, voilà.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<h3 style="text-align: justify;">
Billets d'humeur</h3>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.huffingtonpost.fr/eric-ouzounian/moi-pere-dune-victime-je-nirai-pas-aux-invalides_b_8653672.html">Moi, père d'une victime, je n'irai pas aux Invalides</a></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.nuitetjour.xyz/nuitetjourfree/2015/11/16/6qewe26xaphspbkzv0eqz9kyhh2vse?rq=ne+nous+volez+pas+nos+morts">Ne nous volez pas nos morts </a></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://quartiersxxi.org/et-respirer-on-a-le-droit">Et respirer, on a le droit ? </a> </div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.francetvinfo.fr/faits-divers/terrorisme/attaques-du-13-novembre-a-paris/la-marseillaise-a-toutes-les-sauces-je-n-en-peux-plus-resume-un-rescape-du-bataclan_1193367.html">"La Marseillaise à toutes les sauces, j'en peux plus", résume un rescapé du Bataclan </a><br />
<a href="http://www.fier-panda.fr/article/prendre-balle-bataclan">Me prendre une balle ne m'a pas rendu con, pas la peine de le devenir pour moi </a></div>
<h3 style="text-align: justify;">
</h3>
<h3 style="text-align: justify;">
Conséquences concrètes </h3>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.numerama.com/magazine/31916-deroger-aux-droits-de-l-homme-voici-comment-ca-peut-etre-legal.html">Etat d'urgence : la France demande officiellement à déroger aux droits de l'Homme </a><br />
Ici, <a href="http://www.liberation.fr/direct/element/certains-droits-humains-ne-seront-pas-respectes-en-france_24789/">liste des droits</a> dont la France a gentiment prévenu qu'elle ne les respecterait pas<br />
<a href="http://delinquance.blog.lemonde.fr/2015/12/08/etat-durgence-pres-de-lyon-fouilles-et-palpations-de-securite-des-la-maternelle/">Etat d'urgence : près de Lyon, fouilles et palpations corporelles dès la maternelle </a></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://paris-luttes.info/etat-d-urgence-et-interdiction-des-4299">Etat d'urgence et interdiction de manifestations</a></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://delinquance.blog.lemonde.fr/2015/11/25/etat-durgence-un-controle-didentite-legalement-non-identifie/">Etat d'urgence : un contrôle d'identité légalement non identifié </a></div>
<div style="text-align: justify;">
Les violations de la vie privée, pratique systématique dans les perquisitions arbitraires de ces derniers jours : <a href="http://www.nextinpact.com/news/97473-interview-me-guez-guez-avec-etat-durgence-perquisitions-informatiques-sont-systematiques.htm?skipua=1">Interview de Me Guez Guez ici</a> et quelques infos supplémentaires de sa part <a href="https://twitter.com/IbnSalah/status/670169662357917696">sur twitter</a>, toujours utiles<br />
<a href="https://paris-luttes.info/infos-et-temoignages-suite-a-la-4297">Infos et témoignages suite à la manif du 22 novembre </a>(interdite mais qui a eu lieu tout de même, donc) par des camarades (et notamment ce qui peut vous arriver en GAV)<br />
<a href="http://www.lesinrocks.com/2015/12/11/actualite/letat-profite-de-l%C3%A9tat-durgence-pour-annihiler-toute-contestation-politique-11793020/">L'Etat profite de l'état d'urgence pour annihilier toute contestation politique </a><br />
<a href="http://www.liberation.fr/france/2015/12/03/3-1-et-36-1-deux-nouveaux-articles-pour-la-constitution_1417944">Les modifs constitutionnelles à venir </a><br />
<a href="http://larotative.info/choses-vues-a-tours-sous-l-etat-d-1293.html">Un exemple local, la situation à Tours sous l'état d'urgence </a><br />
<a href="http://paris-luttes.info/etat-d-urgence-le-pire-est-a-venir-4404">Etat d'urgence : le pire est à venir </a>(notamment sur des projets de lois permettant des perquisitions quasi hors de tout cadre légal, une surveillance accrue des lieux publics, des connexions plus performantes entre tous les fichiers administratifs des personnes, Sécu par exemple...)<br />
<a href="http://www.lemonde.fr/politique/article/2015/12/02/securite-l-exception-va-devenir-la-regle_4822200_823448.html">Sécurité : l'exception va devenir la règle</a> (sur le même sujet, plus détaillé)<br />
<a href="https://paris-luttes.info/paris-20-interpellations-au-fusil-4410?lang=fr">Des lycéens menacés par les fusils de la BAC pour avoir tenté de bloquer leur lycée </a><br />
<a href="https://lelibertairebisontin.wordpress.com/2015/11/29/texte-dun-assigne-a-residence-bonjour-le-bilan-carbone/">Billet d'un assigné à résidence </a></div>
<h4 style="text-align: justify;">
</h4>
<ul>
<li><div style="text-align: justify;">
<b>Violences vis-à-vis des pauvres et personnes racisé-es</b></div>
</li>
</ul>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.liberation.fr/debats/2015/11/25/a-saint-denis-les-pauvres-n-ont-pas-le-droit-d-etre-traites-en-victimes_1416053">A Saint-Denis, les pauvres n'ont pas le droit d'être traités en victimes</a></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.buzzfeed.com/davidperrotin/polemique-apres-la-perquisition-et-lassignation-a-residence">polémique après l'assignation à résidence d'un jeune aveugle</a></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://europalestine.com/spip.php?article11271&lang=fr">Muhammad, « une arme pointée usr la tête à 2h du matin » </a><br />
<a href="http://www.irr.org.uk/news/after-paris/?utm_source=hootsuite">An overview of anti-Muslim violence in the UK after Paris Attacks</a><br />
<a href="http://delinquance.blog.lemonde.fr/2015/12/29/etat-durgence-vous-avez-de-sales-voisins/">Vous avez de sales voisins... </a><br />
<a href="http://www.rue89strasbourg.com/index.php/2015/12/21/societe/sdf-etat-urgence/">Les personnes sans domicile fixe, victimes cllatérales de l'état d'urgence </a><br />
<br />
<ul>
<li><b>Vis-à-vis des militants associatifs/extrême-gauche etc</b></li>
</ul>
<a href="http://www.arretsurimages.net/breves/2015-11-27/Etat-d-urgence-COP21-les-milieux-alternatifs-vises-id19487">Etat d'urgence/COP21 : les milieux alternatifs visés</a></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.bastamag.net/Perquisition-administrative-chez-des-maraichers-bio-Ils-s-attendaient-a-quoi">Perquisition chez des maraîchers bios "dans le cadre de l'état d'urgence"</a> </div>
<div style="text-align: justify;">
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://paris-luttes.info/le-ministre-de-l-interieur-perd-4303">Le ministère de l'intérieur confond et assimile le mouvement associatif au terrorisme</a></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.liberation.fr/france/2015/11/26/une-volonte-de-museler-le-mouvement-social_1416302">Manifestants poursuivis : une volonté de museler le mouvement social </a></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://paris-luttes.info/etat-d-urgence-quand-un-recours-4307">Quand un recours contre l'interdiction de manifester se transforme en harcèlement policier</a><br />
<a href="https://paris-luttes.info/en-prison-chez-moi-pendant-trois-4306">En prison chez moi pendant trois semaines </a><br />
<a href="http://www.alternativelibertaire.org/?Paris-29-novembre-un-autre-recit">Un récit de la manif du 29 novembre et de sa répression </a><br />
<a href="http://www.acrimed.org/Que-s-est-il-passe-place-de-la-Republique-Informations-desinformees-des">Que s'est-il passé place de la République ? Informations désinformées des journaux télévisés</a> chez Acrimed<br />
<a href="https://blogs.mediapart.fr/olympe-goujat/blog/041215/vous-etes-dextreme-gauche">Récit de garde à vue</a> d'une manifestante du 29 novembre </div>
</div>
<h3 style="text-align: justify;">
</h3>
<h3 style="text-align: justify;">
Contre les conneries qu'on peut entendre à propos de l'islam</h3>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.lexpress.fr/actualite/societe/pourquoi-il-ne-faut-pas-confondre-djihadistes-et-salafistes_1739319.html">Pourquoi il ne faut pas confondre djihadistes et salafistes </a></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.slate.fr/story/110375/faux-experts-terrorisme">Les faux experts du terrorisme </a></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Sinon, il y a <a href="http://Recensement des joies (ou pas) de l'état d'urgence en France ">ce très utile wiki</a> de la Quadrature qui montre l'ampleur du désastre en recensant les joies (ou non) de l'état d'urgence. Ou un article sur <a href="http://libertes.blog.lemonde.fr/2015/09/07/vigipirate-et-le-fantome-de-la-guerre-dalgerie/">l'objectif effectif et les origines de Vigipirate</a>.<br />
Et l'indispensable <a href="http://rennes-info.org/Petit-guide-de-survie-en-etat-d">guide de survie en état d'urgence </a><br />
<br />
Bonus : chouette poème de Jean Zay sur le <a href="http://dormirajamais.org/drapeau/">drapeau français</a> et ceux de <a href="http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Je%20ne%20mange%20pas.htm">Benjamin Péret</a> sur le sujet.</div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-43732182341289391582015-10-05T11:41:00.000-07:002016-10-26T05:33:43.628-07:00Merci patron<div style="text-align: justify;">
Je voulais juste dire ma grande joie du traitement<a href="http://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/021378572751-en-direct-des-manifestants-interrompent-le-comite-dentreprise-dair-france-1162308.php"> réservé à la direction d'Air France</a> par les employés et mon mélange d'agacement et de lassitude envers les militants qui déplorent cette "violence" (la chemise d'un patron a été arrachée, mon Dieu mais c'est <i>sanguinaire</i> (sic) !!). Des objets deviennent le centre de la discussion, alors que le véritable enjeu est celui de vies humaines.</div>
<div style="text-align: justify;">
Les ouvriers, la vraie violence ils la vivent déjà. La violence, ce sont (entre autres) les licenciements et le mépris, et aussi tout ce qu'ils ont pu vivre de pressions et de craintes auparavant (et je ne parle même pas de la violence intrinsèque de l'exploitation). Mais comme d'habitude, on efface cette histoire. C'est plus simple.</div>
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<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<strike>On a</strike> des gens à l'abri du besoin et pas trop menacés par des licenciements ont aussi beaucoup dit que cette violence desservait la cause ouvrière. Plusieurs choses : déjà, on voit/entend en général pas tellement ces gens le reste du temps "pour la cause ouvrière". Ensuite, la non-violence seule n'a jamais rien changé de manière radicale (et quand tu es acculé, t'as pas le temps pour des résultats à moitié). Et je dis "seule" parce que ça fait des semaines que les salariés d'Air France essaient la solution polie.</div>
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<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Faut bien piger qu'il y a un moment où la violence est la seule solution. Quand tu es acculé, quand tu subis toi-même une violence inouïe, quand tu as peur pour ta vie (parce que oui quand t'es licencié je peux facilement imaginer que tu as peur pour ce que sera la suite de ta vie), la violence "devient suicidaire en elle-même" (Robert F. Williams). C'est pas possible. Chercher à lui "faire comprendre" est vain. Parce que l'oppresseur t'écoutera pas. Ce n'est pas sa réalité, ton cri est juste un "bruit". "L'oppresseur
n'entend pas ce que dit son opprimé comme langage mais comme
un bruit. C'est la définition de l'oppression [...] L'oppresseur qui fait le louable effort d'écouter (libéral
intellectuel) n'entend pas mieux. Car même lorsque les mots
sont communs, les connotations sont radicalement différentes. C'est ainsi que de nombreux mots ont pour l'oppresseur une connotation-jouissance,
et pour l'opprimé une connotation-souffrance." (Christiane Rochefort) "Sortir les couteaux" devient vital. C'est la seule façon possible pour être entendu d'une part et changer les choses d'autre part. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
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Quoi qu'illes fassent, les opprimé-es qui n'acceptent pas la violence de l'oppression seront vues comme violent-es. La violence des dominants est toujours minimisée. La violence du dominé est toujours amplifiée, rendue énorme, exceptionnelle, scandaleuse, alors qu'elle est souvent bien moindre que la première. Le pouvoir cnsidérera toujours son opposition un minimum radicale (je veux dire, pas l'opposition des débats parlementaires hein) comme agressive.</div>
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<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
On a dit que diviser la situation entre bon ouvriers et méchants patrons
revenait à "voir le monde en noir et blanc". Let me tell you something :
quand tu ne sais pas si tu pourras avoir un toit sur la tête dans les
prochains mois, les subtilités de la personnalité de ton patron, tu en
as un peu rien à carrer. Et puis savoir de quel côté de la barricade on
se trouve n'empêche pas de réfléchir, faire évoluer, critiquer les
positions de son camp. </div>
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<br /></div>
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Enfin, si vous êtes de ceux qui disent que "la violence ne résout rien", je vous invite à regarder d'un peu plus près l'histoire ouvrière, ne serait-ce que celle du 19ème siècle (et à ce propos je vous conseille l'excellent livre de Paul Mason, malheureusement pas traduit en français, <i>Live Working or Die Fighting</i>, qui met en parallèle luttes ouvrières passées et présentes). </div>
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<br /></div>
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Et puis, vous en faites pas, ça va aller pour la direction d'Air France. Xavier Broseta va retrouver son lot douillet, une chemise neuve à 300 balles et ses soutiens politiques en rentrant chez lui. Ça va aller pour lui. </div>
<div style="text-align: justify;">
Mais rien ne m'enlèvera de l'esprit que, ce qui leur arrive, ils le méritent. </div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-67675238662642464292015-09-13T12:19:00.000-07:002016-10-26T05:07:33.200-07:00"Simplissicool Cuizine", nouvelle cantine gastro-pop au top de la gentrification :)<div style="text-align: justify;">
C'est dans l'un des quartiers les plus populaires de Paris, au touchant côté sans-le-sou et cosmopolite, qu'est sise la cantine Simplissicool Cuizine. Un coin à la déco bohème, à la clientèle 100% blanche, qui vous fera découvrir des mets sains, bios, vegan, sans gluten, sans lait et sans fruits à coque, et très peu chers !</div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
Le resto a été ouvert il y a deux jours par Clémentine et Marcella, tombées amoureuses du coin où le marché des restos branchés reste encore très ouvert. <i>"On avait hésité à ouvrir un bar où l'on ne servirait que des plats à base de banane, </i>nous confessent-elles, <i>mais cela nous aurait obligé à les faire venir de loin et ce n'était pas compatible avec notre éthique bio-cool".</i> Alors elles ont opté pour des mets plus variés mais placés sous le signe du raffinement simple et détendu, le tout dans une ambiance années 50 : chaque meuble, vase, miroir a été chiné par les patronnes elles-mêmes !</div>
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<br /></div>
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A Simplissicool Cuizine, pas d'assiettes, pas de tables ni de couverts, on mange à même le sol et avec les mains, pour une petite touche d'exotisme qui fait écho au quartier. Tout un concept qui met la convivialité au rendez-vous, ça donne envie de faire pareil dans son loft ! On peut déguster leur spécialité légère, le "Frugal Parisian", une demie baguette avec un oignon à éplucher soi-même, mais aussi la tomate cerise avec sa sauce au soja et au topinambour, la glace au quinoa, ou encore les brins de thym confits avec un coulis de salade verte. Et pour le dessert, on vous recommande le mi-cuit tofu-chocolat, un délice. </div>
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<br /></div>
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"<i>On espère que les pauvres vont venir, on a fait de notre mieux pour garder des prix accessibles</i>, affirme Clémentine. <i>Si à 15 € le brin de fenouil ils vont toujours chez MacDo au lieu des bonnes brasseries gastronomiques, c'est vraiment de la paresse intellectuelle !</i>" A bon entendeur. En attendant, ParisBranchouille ne peut que vous exhorter à faire un tour à la Simplissicool Cuizine, qui contribue grandement à donner de la saveur au quartier.</div>
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<br />
<br />
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<i>Simplissicool Cuizine, 6 rue Bourge, 7500018. Comptez 37 € le plat, 42 € le menu plat + dessert, 48 € le brunch du dimanche.</i></div>
</div>
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<br /></div>
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<br />
(<i>Billet librement inspiré des chroniques de restaurants de Parisbouge.com, où l'on apprend que <a href="http://www.parisbouge.com/mag/articles/namboda-le-restaurant-tha-bobo-794">vraiment la déco bien française de ce resto thaï change agréablement des décors moches habituels des trucs asiatiques</a>, ou encore que la rue Saint-Blaise, en bas de laquelle se trouve une cité dans laquelle les auteur-es de la chronique ne pourraient pas faire trois pas sans trembler, <a href="http://www.parisbouge.com/mag/articles/ambiance-50-s-et-bons-plats-chez-blaise-et-basile-1455">est "pittoresque"</a>, et que <a href="http://www.parisbouge.com/mag/articles/luuk-la-nouvelle-cantine-asiatique-qu-on-va-squatter-1592">remplacer des anciens kebabs c'est vraiment une grande amélioration</a></i>) </div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-69780834249115158582015-03-20T12:31:00.003-07:002016-10-26T05:34:04.451-07:00Le Printemps des poètes ou l'insurrection sous verre<div style="text-align: justify;">
C'est le Printemps des Poètes en ce moment ! C'est trop bien, la RATP participe ! Toute le monde s'y met, en plus c'est sur l'insurrection poétique, tu devrais aimer !</div>
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<br /></div>
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Non.</div>
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<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Le Printemps des Poètes a été créé par un ministre (le même qui a fait la Fête de la Musique, évidemment), déjà. Aberration. la poésie dans les ministères, meilleure solution pour édulcorer les mots, effacer la passion, voire valider une poésie correcte, gentille, rendue gentille. Détourner la liberté : elle ne vient plus des gens, mais émane de l'Etat. Moyen classique et efficace de la dépolitiser. On dit : "vous voyez ! l'Etat aime la liberté ! Tenez, d'ailleurs c'est lui qui vous la donne, vous la produit, vous la met en scène, vous la découpe, vous l'encadre." Alors, la poésie n'est plus protestation en elle-même, pourra éventuellement d<i>ire </i>une petite opposition, mais comme elle sera validée par l’État, on pourra toujours sentir derrière un petit commentaire tacite du genre "oh, cette poétesse s'insurge, c'est si charmant." </div>
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<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La RATP s'inscrit dans la même logique. Jusqu'à la semaine dernière, on pouvait entendre dans les hauts-parleurs sur les quais du tram des extraits de poèmes.</div>
<div style="text-align: justify;">
J'ai pu avoir le plaisir d'en subir trois : un extrait de Verlaine, un d'Eluard, un de Vian. Mentionnons aussi un de Rimbaud sur les quais du métro, en affichette.</div>
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Je ne me rappelle plus des vers de Vian, mais c'était quelque chose d'assez champêtre il me semble. Vian qui faisait l'éloge des pirates, écrivait "Le prix d'un parlementaire", écrivait dans "La Vie en Rouge" <i>(Cantilènes en gelée)</i></div>
<blockquote class="tr_bq">
[...] </blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
On vit en mâchant des morceaux </div>
<div style="text-align: justify;">
Des seins arrachés en saignant</div>
<div style="text-align: justify;">
Qu’on accroche au bord des berceaux</div>
<div style="text-align: justify;">
On a du sang sur tout le corps</div>
<div style="text-align: justify;">
Et comme on n’aime pas le voir</div>
<div style="text-align: justify;">
On fait couler celui des autres</div>
<div style="text-align: justify;">
Un jour, il n’y en aura plus</div>
<div style="text-align: justify;">
On sera libres". </div>
</blockquote>
<br />
<div style="text-align: justify;">
et était d'un profond antimilitarisme : "Le déserteur" mais aussi "La marche arrière" .</div>
<br />
<blockquote class="tr_bq">
<span lang="fr">C'est la marche des p'tits gars qui veulent pas la faire<br />
La marche de ceux qui croient qu'on est bien mieux chez soi<br />
Un coussin sous le derrière<br />
Par-devant un feu de bois<br />
Avec une belle fille qui prépare le rata<br />
C'est la marche des assis, la bonne marche arrière<br />
Celle des civilisés, la marche de la joie<br />
Un soldat sans uniforme<br />
C'est d'une bien plus jolie forme<br />
Car ça a la gueul' d'un homme et c'est bien mieux comm' ça.<br />
<br />
Ceux qui sont partis se battre un flingue en bandoulière<br />
Et qui dorment quelque part sous une croix de bois<br />
S'ils sortaient du cimetière<br />
Chanteraient à pleine voix<br />
Que l'on était mieux sur terre et qu'il faisait moins froid<br />
Ils regrettent le soleil le dimanche et les filles<br />
Et tous les plaisirs légers qu'ils ont perdus là-bas<br />
Faut passer sa vie entière<br />
A chanter la marche arrière<br />
Marche de ceux qui s'arrêtent et qui ne marchent pas</span> </blockquote>
<br />
<div style="text-align: justify;">
D'Éluard, ils reprennent le poème entendu tellement de fois qu'on l'a vidé de son sens, "Liberté", alors qu'il a écrit des choses tellement moins scolaires, tellement plus profondes, tellement plus surréalistes, en rupture. Je connais moins Verlaine et je vais être plus méchante (parce qu'il y a une raison pour laquelle je connais moins Verlaine : j'aime pas) en disant que c'est de toute façon un poète tellement pas politique qu'il n'y a même pas besoin de l'édulcorer pour qu'il soit acceptable. Quant à Rimbaud... trouver comme seul extrait possible "On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans", c'est assez gonflé. Surtout que ce poème parle peut-être de vie insouciante, mais d'insurrection... Rien que "Ma Bohème", s'ils voulaient rester dans les clichés, aurait été plus pertinent. Il a écrit des poèmes érotiques, irrévérencieux, des poèmes sur les putains de Paris et sur la Commune, des poèmes dénonçant la guerre et décrivant la pauvreté de gamins, alors comment vous dire.</div>
<div style="text-align: justify;">
Donc la RATP choisit seulement des extraits, déjà. Et elle prend bien soin de faire en sorte que ça ne soit pas violent, pas cru, pas politique. Ils rendent les vers niais parce qu'on n'a pas le contexte du poème.<br />
On retrouve ça par le concours qu'organise cette entreprise capitaliste qui met des amendes aux pauvres (surtout les Noirs et les Arabes) qui peuvent pas se payer une sortie à plus de 500 m de chez eux. Le fait même qu'un tel organisme organise un concours de poésie suppose que des gens vont être sélectionnés pour apparaître par extraits affichés dans les rames, et que ceux qui auront pris au mot l'intitulé du concours n'auront pas voix au chapitre. Tant d'esprit insurrectionnel me bouleverse.</div>
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<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La bibliothèque de ma fac participe. Nous avons donc, dans le hall, des "objets punks" (fanzines notamment) exposés sous verre, à côté de quelques bouquins (un peu plus intéressants que les choix de la RATP : Ghérasim Luca, Ginsberg, Artaud...). Le punk sous verre. Ça serait ridicule si ça n'était pas insupportable.</div>
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<br /></div>
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Voilà ce que ça donne, le Printemps des poètes. Institutionnalisation de la liberté et d'œuvres créées justement en réaction contre l'institution. Ça oui, punaise, ça me fout en colère. Et ça me désespère parce que, si l'Etat récupère la rage des gens et donc la diminue, l'étouffe, jusque dans la poésie, où y a-t-il encore de la place pour l'insurrection ?<br />
<br />
Voilà, c'est un texte écrit un peu à l'arrache, alors si vous voulez lire plus construit sur le sujet, <a href="http://missnight.blogspot.fr/2015/03/hors-serie-evidence-apoetique.html">ce très très bon billet. </a></div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-49709865700731578532015-01-15T15:07:00.003-08:002016-10-26T05:34:28.786-07:00Union sacrée tu m'auras pas<div style="text-align: justify;">
L'attentat à Charlie Hebdo et la tuerie du magasin cacher ont donc conduit le gouvernement à décréter (ou instiller plus ou moins tacitement, je ne sais pas) une politique d'union nationale.</div>
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<br /></div>
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J'ai un léger problème, du coup. Voilà : je conchie l'union nationale. Oui, les événements m'ont émue. Mais voilà, c'est une émotion, ça passe. J'avais déjà du mal avec les propos niais, larmoyants, les dessins de crayons qui saignent et le ton "Charlie Hebdo martyrs de la liberté d'expression". Mais alors s'il y a une chose que je ne supporte pas, si vous voulez me donner la nausée, une chose à faire : louer cet état de réconciliation hypocrite, artificiel, face à un adversaire qui, selon les bourgeois, mérite qu'on se laisse faire à ce petit jeu.</div>
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<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Non, désolée. Je ne veux pas jouer avec vous. Je veux pas aller me les geler place de la République et être contente du nombre de manifestants juste parce qu'une abstraction m'y enjoint. Je ne suis pas unie avec le reste de la France juste parce qu'il est le reste de la France. Je ne suis pas unie avec Le Pen. Je ne suis pas unie avec Dieudonné. Je ne suis pas unie avec Hollande, avec Sarkozy, avec le patron de La Poste (dont <a href="http://www.letelegramme.fr/cotesarmor/plouaret-neuf-bureaux-de-poste-en-greve-07-01-2015-10483122.php">les salariés</a> sont <a href="http://www.cestlagreve.fr/greve/greve-des-postiers-dans-le-sud-de-la-marne-le-15-janvier-2015/">en grève</a> un peu partout en France en ce moment sans que grand monde n'en parle), avec Caroline Fourest, ni avec tous ces citoyennistes de mes deux. Je ne suis pas de leur côté. Je vais sonner comme une révolutionnaire primaire, mais il y a deux côtés de la barricade. Je pense qu'on peut (qu'on doit) se poser toutes les questions qu'on veut, mais rester conscient.e.s de qui on soutient. </div>
<div style="text-align: justify;">
Parce que là, vous n'avez pas soutenu la liberté d'expression ou même les proches des victimes. Vous avez juste soutenu la bourgeoisie, la mièvrerie, le lissage des plateaux télés, le racolage, le gouvernement des peuples par l'émotion. Two fucking thousand people ont été tués au Nigeria par votre "ennemi intérieur" et tout ce qu'on a trouvé à faire en France c'est être 4 millions à
marcher pour la tolérance, la liberté d'expression et la paix avec Dieudonné, Viktor Orban, le roi de Jordanie, un représentant du gouvernement turc, un représentant des Etats-Unis où les crimes raciaux de cet été n'ont toujours pas été reconnus, j'en passe et des meilleurs. Je suis sûre que les
types de Boko Haram sont, à l'heure qu'il est, allés s'engager dans les droits de l'Homme, et que <span class="st">Recep Tayyip Erdoğan ou le président tunisien ont libéré tous leurs prisonniers politiques.</span></div>
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<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ça me fout les jetons, cette soudaine solidarité (qui n'en n'est pas vraiment une), ce soudain engagement politique (qui n'en est pas vraiment un). Demandons-nous pourquoi tout d'un coup des gens se découvrent des convictions "politiques" : c'est facile. C'est facile de dire Je suis Charlie. Mais c'est pas de la politique (je parle de politique au sens premier du terme : réfléchir à comment faire marcher une société). C'est facile de dire que le terrorisme c'est mal. </div>
<div style="text-align: justify;">
Où êtes-vous pour les victimes de la police ? Où êtes-vous pour les travailleurs et les chômeurs immolés ? Où êtes-vous pour ceux qui peuvent (je suis consciente que c'est un privilège) lutter sur le terrain ? Où êtes-vous pour les femmes voilées tabassées en pleine rues, les discriminé.e.s à l'embauche à cause de leur simple nom ? Pour réfléchir au caractère structurel des oppressions ? Où êtes vous où pour organiser une résistance ? Où êtes-vous pour les terroristes masculinistes, les terroristes flics, les terroristes patrons ? Où êtes-vous pour la grève générale ? Ce serait ça, une belle "union nationale"... Et dans quelques mois, quand tout ça sera bien fini, vous retournerez à vos moqueries sur les militant.es révolutionnaires, féministes, anarchistes, antiracistes.</div>
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<br /></div>
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Je sature du vocabulaire guerrier. Surtout de notre part, en France. 2 millions de gens ont été tués au Nigeria par des islamistes et nos dirigeants <i>à nous</i> hurlent partout qu'on est en guerre et en profitent pour soumettre des projets de lois ultra-répressives. Mais en guerre contre qui ? Une entité tellement mouvante que ça permet de faire gober aux gens n'importe quoi, dis-donc. </div>
<div style="text-align: justify;">
Ils font arrêter des gens qui gueulent des conneries bourrés ou qui parodient des Unes de Charlie avec pour motif : "apologie du terrorisme". Plus drôle encore : des avocats ont refusé de défendre certains de ces accusés d'apologie du
terrorisme. Je croyais que le fait que tout le monde ait droit à un procès équitable c'est une
des choses dont votre nation se targue ? Vous auriez refusé
de défendre les connards de La Manif pour Tous ?</div>
<div style="text-align: justify;">
Proposition de renforcer l'espace Schengen. Les mecs étaient Français. De surveiller Internet encore plus. Les mecs ont été radicalisés en prison, <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/12/quand-amedy-coulibaly-denoncait-les-conditions-de-detention-a-fleury-merogis_4554689_3224.html">dont ils filmaient</a> il y a quelques temps les conditions de survie immondes. Nos gouvernants sont décidément des génies aux voies impénétrables.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.slate.fr/story/96655/charlie-hebdo-actes-islamophobes">Plus de cinquante agressions contre des musulmans recensées en France depuis l'attentat</a> dont des putain de tirs de grenades. Vous croyez que c'est la faute de qui ? Que ces ordures islamophobes sortent de nulle part ? Ou que l'éducation raciste se fait uniquement par papa-maman ? Non, c'est drôle, l'éducation ça passe aussi beaucoup par ce qu'on lit/entend dans notre environnement quotidien hors de la famille et de l'école, c'est-à-dire par les médias et ce qu'on y lit. Il y a les articles biaisés sous-entendant que les musulmans sont tous des immigrés qui nous piquent notre pain, sont tous des islamistes, qui font bien comprendre que les musulmans ne seront jamais vraiment considérés comme français (David Pujadas parlait l'autre soir de mariages entre musulmans et françaises, on l'applaudit bien fort), qui sous-entendent que les femmes voilées ne le sont jamais par choix et que leurs maris sont tous des tyrans ultra-religieux. Oui parce que, si l'extrême-droite joue toujours son rôle, <a href="http://www.bastamag.net/Extreme-droite-et-islamophobie">elle est loin d'être impliquée partout</a>. Il n'y a pas que des connards professionnels qui attaquent les musulmans, il y a aussi des connards qui y sont arrivés petit à petit, portés par le flot de l'islamophobie ambiante. Et il y a aussi les paroles des politiciens rapportées dans ces torchons, qui disent les mêmes choses, cautionnant ainsi les préjugés et la haine de toute une catégorie de la population (sans compter les Rroms, les immigrés en général ou les bénéficiaires des minimas sociaux).</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La liesse anesthésiante est aussi favorisée par des trucs comme offrir la légion d'honneur et la nationalisation au jeune musulman qui a sauvé une quinzaine de clients dans le magasin casher l'autre jour. Alors oui, ce gars est admirable. Mais du coup, la nation le récupère. On le politise. "Tu as fait ça pour la nation" ben euh non, il a juste sauvé des êtres humains quoi. Et puis ça sous-entend que la nationalisation se mérite. Or, non, on "mérite" pas de pouvoir vivre comme tout le monde sur un territoire et de pouvoir circuler librement. C'est bête hein, même si le gouvernement aimerait bien parce que ce sont des obsessionnels du mérite, ça marche pas comme ça. Le Pays des Droits de l'Homme, garantis à la naissance, toussa, voilà, je, hem. (J'aime pas le concept de droits, mais c'est une autre question).</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Pis le dernier truc, c'est leurs inquiétudes pour les jeunes. Et que je te ponde des tonnes d'articles sur la difficulté pour les profs d'en parler à leurs élèves, sur comment l'école est le rempart contre le terrorisme, sur comment les jeunes du 93 sont rien que des cailleras enfants d'assistés et comment c'est trop étonnant qu'ils condamnent le terrorisme (wahou, ils sont intelligents ces mômes, mine de rien !). Ces articles sont d'un mépris dingue et me filent des boutons parce qu'ils puent la vieille France, les volontés de "redressement" des mauvais garçons, de moralisation... de lavage de cerveau, quoi. La ministre de l'éducation, Najat Valaud-Belkacem, a eu <a href="http://www.liberation.fr/societe/2015/01/14/attentats-200-incidents-dans-les-ecoles-40-signales_1180642">ces phrases éclairantes</a> : «<i>Même là où il n’y a pas eu d’incidents, il y a eu de trop nombreux
questionnements de la part des élèves. Nous avons
tous entendu les "oui, je soutiens Charlie, mais", les "deux poids deux
mesures", "pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là". Ces questions nous sont
insupportables, surtout lorsqu’on les entend à l’école qui est chargée
de transmettre des valeurs. Des valeurs qui
nous paraissent absolument évidentes comme la liberté d’expression, la
laïcité, le rejet viscéral de l’antisémitisme, le respect de la loi et
de l’autorité, ne le sont pas tant que ça pour un certain nombre
d’enfants, de jeunes, d’adolescents</i>». Ainsi donc, on courrait à la catastrophe parce que des gamins réfléchissent. Ainsi donc, on ne mettrait pas les enfants à l'école pour les émanciper ? Moi qui croyais...</div>
On s'est mis en tête de remettre dans le droit chemin les petits délinquants qui n'ont pas fait la minute de silence. Eric Ciotti (la blague pourrait s'arrêter là, mais il y a plus drôle), se sentant investi d'une mission moralisatrice à l'instar du reste de la classe politique (aidés par les journalistes à grand renforts d'articles du genre "Que faire des enfants qui n'ont pas respecté la minute de silence" ?), proposait aujourd'hui sur Twitter de retirer les allocations aux familles de ces élèves.<br />
Une amie disait que dans l'établissement scolaire où elle travaille, les profs s'étaient mis en tête, après une altercation entre des élèves et une prof qui avait fait un amalgame beaucoup trop flagrant entre musulmans = soutiens du terrorisme, de dire aux CPE qui portait ses stickers "Je suis Charlie" et qui n'en portait pas lors d'une intervention du recteur. Sur Twitter, dans le même ordre d'idées, des gens s'amusent à retrouver des tweets critiques envers Charlie Hebdo de certains utilisateur.trices datant d'avant l'attentat pour dire "aha, vous voyez, ils pensent qu'ils l'ont bien mérité, j'en suis sûr". Délation et logique de "ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous". On en est là.<br />
<div style="text-align: justify;">
Valls veut "créer, au sein de la direction de la Protection judiciaire de la
jeunesse, une unité de renseignement, à l'instar de ce qui est fait dans
l'administration pénitentiaire" pour "comprendre le parcours de radicalisation des jeunes". Sauf qu'ils (le gouvernement) ne le comprendront pas. Impossible. Ils sont tous des rouages de la machine du pouvoir qui écrase tous les jours, lentement mais sûrement, à coup de restrictions, de répression, de vies précaires, des gens comme les auteurs de la tuerie. Ils sont des rouages du capitalisme en allant lécher les bottes des patrons. Ils perpétuent directement l'Etat policier en militarisant les flics, en augmentant le nombre de militaires postés en surveillance, en arrêtant <a href="http://www.metronews.fr/info/charlie-hebdo-deficient-mental-il-rigole-de-l-attentat-devant-des-policiers-et-prend-six-mois-de-prison-ferme/moao!r8mUkyUQxySes/">n'importe qui</a>. Comment veulent-ils comprendre qu'ils, que ce en quoi ils croient (le matraquage continuel des Valeurs de la république et la soumission obligatoire à ces mêmes valeurs), est en grande partie à la source de ce qu'ils veulent combattre.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Alors voilà, journaleux, politiciens, citoyennistes, je vous vomis. Je vomis votre union sacrée qui ne sert qu'à masquer ou justifier toutes les merdes répressives et probablement islamophobes par la suite, en sous-entendant que critiquer c'est faire l'apologie du terrorisme, à masquer les victimes du terrorisme d'Etat, les victimes de La Manif Pour Tous (les LGBT qui se sont suicidé.es suite au climat qu'ils ont instauré), les victimes du capitalisme, de la misogynie, du racisme institutionnalisés. Votre union sacrée qui autorise des crétin.e.s à affirmer haut et fort à la télé qu'il faut <a href="http://larotative.info/reperer-et-traiter-ceux-qui-ne-785.html">"traquer ceux qui ne sont pas Charlie"</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
Je vomis votre discipline, votre morale républicaine, votre tristesse institutionnelle, votre solidarité envers personne, vos récupérations pendant que vous chiez sur les travailleur.euses, les immigré.es. </div>
<div style="text-align: justify;">
Je vomis vos "valeurs républicaines", je n'ai pas besoin de me rallier à des valeurs nationales, institutionnelles, pour être certaine de tout mon être que tout le monde doit être libre. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Je dois avoir oublié dans cet article des tas d'autres raisons qui me font hurler quand je pense à ce que vous avez instauré, mais je voulais finir en disant que les terroristes à Charlie ne m'ont pas attaquée moi. Je ne me sens pas "blessée dans mes valeurs". Je me sens triste, et j'ai peur, parce que justement, des connards comme vous vont en profiter pour faire n'importe quoi, étouffer les critiques, étouffer les mouvements de contestation sur d'autres enjeux, ériger des abstractions en choses pour lesquelles il faut se sacrifier. Allez pourrir.<br />
</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<b>Des articles intéressants</b><div style="text-align: justify;">
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<a href="http://commonware.org/index.php/cloe/543-je-suis-ouest-fr">Je suis l'Ouest</a></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.lesoir.be/755927/article/debats/cartes-blanches/2015-01-12/terroristes-ne-sont-pas-seuls-ennemis-democratie">Les terroristes ne sont pas les seuls ennemis de la démocratie </a>(LeSoir.be)</div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://instantsgenevois.blog.tdg.ch/archive/2015/01/08/je-ne-suis-pas-charlie-263493.html">Je ne suis pas Charlie</a> (Instants Genevois)</div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.monde-diplomatique.fr/2004/02/DERRIDA/11005">Qu'est-ce que le terrorisme ?</a> article de Jacques Derrida dans Le Monde Diplomatique</div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://orientxxi.info/magazine/angry-sunnis-et-djihadistes-sans,0730">Les djihadistes français, laissés pour compte du système politique</a> ? (OrientXXI.info)</div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.non-fides.fr/?Je-ne-suis-pas-Charlie-et-je-t">Je ne suis pas Charlie et je t'emmerde </a>(sur Non-Fides, une analyse anarchiste)<br />
<a href="http://www.bastamag.net/Non-nous-ne-sommes-pas-en-guerre">Non, nous ne sommes pas en guerre </a><br />
<a href="http://www.bastamag.net/Raphael-Liogier-Ce-populisme-qui">Crise symbolique, frustration collective et fabrication d'un ennemi intérieur fabriquent le populisme qui vient</a><br />
<a href="https://bordeauxnecropole.wordpress.com/2015/01/19/tu-seras-un-charlie-ma-fille/">Tu seras un Charlie ma fille</a></div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-20485619892860986352014-12-19T06:09:00.001-08:002016-10-26T18:04:33.680-07:00Extrait d'interview d'une afroféministe sur la tournure néolibérale que prend le féminisme actuel<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Je traduis ici un extrait de <a href="http://thefeministwire.com/2012/12/imaniperry/">cette interview </a>de la chercheuse Imani Perry sur The Feminist Wire. Elle y critique les influences néolibérales du féminisme intersectionnel actuel, qui a perdu l'attachement à la notion de classe des premières afroféministes. </span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Cela rejoint beaucoup mes questionnements du moment à propos du féminisme auquel je suis confrontée sur les réseaux sociaux, et je pense que c'est une réflexion qu'il est essentiel d'avoir, pour ne pas perdre de vue le changement social radical qu'a au départ prôné le féminisme intersectionnel, au contraire d'une amélioration uniquement individuelle qui se résumerait à une égalité au sein du capitalisme (égalité qui ne serait donc jamais réellement possible).</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">NB : j'ai choisi de traduire "Black feminism" par afroféminisme, mais peut-être qu'il faudrait dire féminisme Noir. Si jamais quelqu'un-e passe par là et veut un changement, faites signe.</span><br />
<i><b><br /></b></i>
<br />
<blockquote class="tr_bq" style="text-align: justify;">
<i><b>DM</b>: You recently offered a compelling critique via social media in which you noted: “Black feminism used to be inherently radical, critical of classism, sexism, racism, heterosexism, and structures of domination, exploitation and imperialism everywhere. But now we have our own versions of NOW feminism, derivative 2nd wave feminism, and tone-deaf elitist middle class feminism.” Can you say more about these contemporary Black feminisms that you’ve named and why it might be important to remember the political and intellectual frameworks out of which Black feminisms emerged?</i><span style="font-style: italic;"><br /></span><i style="font-family: inherit;"><b>IP</b>: Neoliberalism has infected every area of thought, even those we think of as inherently progressive. Feminism that is about “choice” (read consumption) rather than an analysis of power, and comes through the mechanisms, and reflects the priorities, of large corporations has very limited potential to actually say much of anything about the deep structure of inequality. I think it is important to remember early Black feminisms because those women had a deep analysis of inequality, one that began with, but extended far beyond their existences as Black women to address all forms of oppression at home and abroad. Those feminists did not celebrate the powerful, but rather advocated for the least of these. And their intellectual work was never simply about the fact of someone being born in a Brown skinned xx body, but rather about the interpretive power of beginning one’s thought from the experience of being Black and a girl or woman. I am worried when I read the title “Black feminism” applied to championing women like Susan Rice. I think a traditional and sophisticated Black feminist analysis does understand that she was targeted as a function of her race and gender; and yet, it also takes a critical posture towards her ideology which lies contrary to global principles of justice. Black feminist thought is not simply an interest group advocating for powerful Black women, it is about seeing the world with a vision of liberation. At least it should be.</i></blockquote>
</div>
<div style="text-align: justify;">
<b><br /></b></div>
<div style="text-align: justify;">
<b>Darnell L. Moore</b> : Vous avez récemment proposé, sur les réseaux sociaux, une critique particulièrement convaincante dans laquelle vous écrivez : « L'afroféminisme a été, de manière inhérente, radical, critique envers le classisme, le sexisme, le racisme, l'hétérosexisme, et les structures de domination, d'exploitation et d'impérialisme partout dans le monde. Mais aujourd'hui, nous avons nos propres versions d'un féminisme qui serait plus "actuel", un ersatz peu original de la seconde vague du féminisme, un féminisme mis en sourdine, élitiste et accaparé par la classe moyenne. » Pouvez-vous nous en dire plus à propos de ces afroféminismes contemporains et de pourquoi il serait important de se rappeler des cadres politiques et intellectuels desquels a émergé le féminisme Noir ? </div>
<div style="text-align: justify;">
<b><br /></b></div>
<div style="text-align: justify;">
<b>Imani Perry</b> : Le néolibéralisme a infecté tous les domaines de réflexion, même ceux que l'on pourrait penser en eux-mêmes progressistes. Le féminisme qui ce concentre sur le « choix » (la consommation, en réalité) plutôt que sur une analyse du pouvoir, et s'insère dans les mécanismes des grandes entreprises en en reflétant les priorités, a un potentiel très limité pour dire quoi que ce soit à propos de la structure profonde de l'inégalité. Je pense qu'il est important de se souvenir des premières afroféministes, parce que ces femmes avaient une analyse profonde de l'inégalité, une analyse qui se basait sur leurs expériences de femmes Noires mais qui s'étendait bien au-delà, interpellant toutes les formes d'oppression, dans le domaine privé et plus loin. Ces féministes ne louaient pas les puissant-e-s, mais se voulaient plutôt les défenseures des moins avantagé-es. Et leurs travaux intellectuels ne parlaient jamais simplement du fait d'être née avec une peau noire et deux chromosomes X, mais du pouvoir d'interprétation que pouvait donner le fait de baser sa pensée sur l'expérience d'être Noire et une fille ou une femme. Apprendre que l'expression "afroféminisme" est appliquée à des femmes comme Susan Rice <i>[afro-américaine spécialiste en politique étrangère et actuellement conseillère d'Obama à la sécurité nationale des Etats-Unis]</i> m'inquiète. Je pense qu'une analyse afroféministe traditionnelle et complexe comprendrait que si elle en est là, c'est effectivement parce qu'on l'a ciblée en fonction de sa race et de son genre ; mais cette analyse aurait aussi un point de vue critique envers son idéologie, qui va à l'encontre de tout principe de justice. La pensée afroféministe n'est pas simplement un lobby visant à amener des femmes Noires en position de puissance, elle se présente comme une vision du monde à travers le prisme de l'émancipation. Du moins, c'est ce qu'elle devrait être. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Source :
Black Feminist Intellectual: A Conversation with Professor Imani Perry </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://thefeministwire.com/2012/12/imaniperry/"><i>http://thefeministwire.com/2012/12/imaniperry/</i></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>interview by Darnell L. Moore
</i></div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-16703238241945494952014-09-27T08:42:00.001-07:002018-10-20T12:13:08.358-07:00Du féminisme gentil là-haut<div style="text-align: justify;">
Emma Watson a donc fait un petit discours aux Nations Unies pour soutenir le projet He For She, "mouvement de solidarité pour l'égalité des genres, pour qu'une moitié de l'humanité aide l'autre, pour le bien de toute l'humanité" (cf. le site du machin en question).</div>
<div style="text-align: justify;">
Bon alors, le féminisme institutionnel c'est joli, c'est respectable, ça "ouvre le dialogue", tout ça, mais je trouve qu'il manque un peu des trucs. Beaucoup, en fait.<br />
(Je ne vais rien dire de plus, sans doute, que ce que beaucoup de
féministes ont dénoncé ces derniers jours. C'est juste que pour une fois
je savais à peu près comment formuler et que ça m'a vraiment agacée que
tout le monde trouve ce discours génial). </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Rien que le nom du projet. He For She. Non, pas "les hommes pour les femmes", non. Je pense qu'on va surtout se libérer nous-mêmes comme des grandes, hein ? Et que les hommes vont une bonne fois pour toutes nous écouter. J'en ai assez de dire merci, j'en ai assez d'être polie.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Il manque la rage.</div>
<div style="text-align: justify;">
Il manque la rage que je ressens, que des milliers de femmes ressentent, quand on nous fait des avances sexuelles ou qu'on nous insulte juste parce qu'on le malheur de trimballer un corps étiqueté féminin dans la rue, juste parce qu'on a le malheur de vouloir se rendre d'un point à un autre de sa ville avec des seins et pas de pénis (je parle des femmes cisgenres parce que c'est ce que je vis).<br />
La rage quand on doit écourter des soirées avec des gens qu'on aime, faire chier tout le monde à demander qui rentre par où à quelle heure pour pas se sentir une proie, parce que <i>peut-être</i>. S'empêcher de vivre sa vie sur des suppositions, parce qu'on sait que, potentiellement… "Tu seras violée, ma fille".</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Il manque la rage qui me prend aux tripes en repensant au type qui a absolument pas respecté mes angoisses au début de ma vie sexuelle, avec qui j'ai vécu des moments douloureux physiquement et psychologiquement qui me poursuivent encore, parce qu'il a pas daigné prendre le temps, m'écouter, considérer ma parole comme valable, parce que je "plaquais le féminisme sur ma vie personnelle", parce que j'avais la stupidité de m'interroger sur mon propre consentement, parce que j'étais pas sûre et que dans sa tête ça voulait dire oui, parce que j'avais des questions qui "ruinaient la spontanéité et la beauté de l'instant", parce que j'avais des questions qui l'empêchaient de baiser sans se poser de questions.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Il manque la rage que je ressens quand j'entends des réflexions rabaissantes, des moqueries, des remarques objectifiantes, quand je vois des publicités sexistes, quand je tombe sur les conseils minceur des magazines féminins, la rage qui répond à la sensation que, toutes, par ces insultes quotidiennes, on nous considère comme des sous-merdes.<br />
<br />
La rage que je ressens à chaque fois que je me rappelle que ça vient
d'un système qui se perpétue depuis des centaines d'années et qui est
ancré de manière très profonde et insidieuse dans toutes les mentalités.
La rage et le sentiment d'impuissance. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Il manque la rage que je ressens, bien que vivant une réalité à mille lieues de ça, en lisant des témoignages de viol, de harcèlement, de femmes battues, de femmes qu'on a piétinées, utilisées, avec qui on a agi comme avec des objets, des femmes agressées, tuées, qu'on a voulu dégrader, punir d'être ce qu'elles sont.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La rage que je ressens, bien que vivant une réalité à mille lieues de ça, quand ces violences arrivent <i>aussi</i> parce que ces femmes ne sont pas hétéro, parce que ces femmes sont trans, racisées, pauvres, handicapées, prostituées.</div>
<div style="text-align: justify;">
La rage dont ces femmes témoignent jour après jour, sans qu'on daigne les écouter, ni même les entendre.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
Il manque la rage envers des oppresseurs qui usent d'une violence incommensurable envers nous. Cette violence elle est là, permanente, changeante dans sa forme mais pas dans son fond. Cette violence, elle appelle pas de concessions.<br />
<br />
La rage de savoir qu'on doit se battre encore, toujours, pour des choses
qui auraient dû être réglées il y a des dizaines d'années. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Et Emma Watson me dit, nous dit, de laisser plus de place aux hommes. Emma Watson tient absolument à rassurer les hommes sur le fait que les féministes ne les haïssent pas. Emma Watson fait l'impasse sur ce que vivent les femmes racisées ici en Europe, oui, chez toi, dans ton monde-civilisé-sans-excisions, en tant que femmes ET non-blanches (ET non-hétéros, etc). Sur les relations entre genre, race et classe, en somme.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Emma Watson rappelle pendant la moitié de son discours que les hommes souffrent aussi du patriarcat et que le féminisme est aussi là pour les aider.</div>
<div style="text-align: justify;">
Alors oui, c'est vrai, les hommes souffrent du patriarcat et, par conséquent, le féminisme les aide aussi. C'est un fait. C'est bien. Mais ce n'est pas son but premier. Le féminisme c'est d'abord par et pour les femmes. Les hommes qui veulent y participer, très bien, mais qu'on ne sous-entende pas qu'ils peuvent être au même niveau que les femmes dans cette lutte. C'est tout simplement impossible. Comme disait quelqu'un dont j'ai oublié le pseudo sur Twitter, ne pas pouvoir pleurer par peur d'être vu comme une "fillette", et se faire tabasser quotidiennement par un conjoint, j'arrive pas à mettre ça tout à fait au même niveau. Ça ne leur appartient pas en premier. Qu'on ne sous-entende pas qu'ils vont pouvoir <i>mener </i>aussi la lutte.<br />
C'est cool que les hommes féministes existent parce que ça veut dire qu'ils peuvent parfois se dire "wait, quelque chose tourne pas rond, j'ai envie de m'engager pour ça même si c'est pas ma réalité". Watson dit quelque chose comme "Ils faut qu'ils sentent qu'ils ont aussi leur place". Moui. Mais leur place, ça devient vite "la place". Alors ils doivent d'abord écouter. Poser des questions au lieu de critiquer de manière péremptoire. Se remettre en question. Se rendre compte de ce que leur privilège leur offre dans telle ou telle situation. Et surtout, éduquer leurs potes mecs. C'est pour ça qu'on a besoin d'eux. C'est d'abord pour qu'ils se servent de leur légitimité arbitrairement conférée par le patriarcat pour parler de ça aux autres mecs.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Et puis Emma Watson demande aux hommes de le faire parce que — bon vieil argument — les femmes sont leurs sœurs, leurs femmes, leurs mères. Les femmes ne seraient dignes d'intérêt et de respect que lorsqu'elles appartiennent à un homme ? Intéressant. Il manque l'affirmation que les femmes doivent être respectées en tant que femmes, purement et simplement, pour ce qu'elles sont en tant qu'êtres humaines et individues.<br />
<br />
J'en ai assez qu'on me dise "mais regaaaarde elle fait ce qu'elle peut, et puis c'est les Nations Unies, pas ton cercle anarcha-féministe, il faut bien faire passer les messages, faire des concessions". Oui mais non. Des fois y'en a juste assez. C'est ce qu'on entend tout le temps. Le féminisme raisonnable. Ne soyez pas lesbiennes et poilues, sinon vous correspondez au cliché, et puis franchement vous pourriez faire l'effort de baiser avec des hommes et de vous épiler, surtout, parce que les poils c'est sale, personne ne veut d'une interlocutrice politique sale, hein, d'une interlocutrice politique qui soit pas jolie.<br />
Emma Watson est jolie. Elle est gentille. C'est cool. Mais moi j'ai pas envie de ça. J'ai envie de foutre des coups de pieds dans les couilles des violeurs. Je veux pas être gentille. Les violeurs, eux, ne t'apportent pas du thé et des petits gâteaux en te demandant si ça te gêne pas trop d'être agressée.<br />
<br />
Il faut savoir que les féministes sont très souvent gentilles. On explique aux mecs. Mais à des moments on en peut plus. A des moments, il faut savoir reconnaître que ton agresseur (je parle pas seulement des violeurs, je parle des "tu suces ?" dans la rue, je parle des "bon j'ai fait la vaisselle, tu me dois bien une fellation", des "mais t'es une fille ou un garçon ?", des "non mais la bisexualité c'est une phase, tu finiras bien par choisir"…) ne sait pas et ne pourra jamais savoir ce que tu ressens, ni l'urgence à lutter, ni l'urgence à gueuler, ni la douleur que c'est.<br />
<br />
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td><a href="https://31.media.tumblr.com/bd0240069ea1a2fddd2c7f9a72caa76b/tumblr_ncjckkb6en1qawr5no1_500.png" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="218" src="https://31.media.tumblr.com/bd0240069ea1a2fddd2c7f9a72caa76b/tumblr_ncjckkb6en1qawr5no1_500.png" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="font-size: 13px;">« Au lieu de dire "nous sommes en train de mourir, d'être frappées, d'être violées, nous ne sommes pas libres", nous sommes occupées à dire "non, non, on ne hait pas les hommes juré !" C'est une tactique des oppresseurs de dire que les mouvements subversifs font du mal. Ça oblige les activistes à être tout le temps dans le discours défensif. »</td></tr>
</tbody></table>
<br />
Oui, je veux hurler et mordre et détruire un monde oppressant pour tous les gens qui ne sont ni hommes ni blancs ni valides ni hétéros ni adultes. On sait très bien que les discours à l'ONU ça sert à rien.<br />
Tu es Emma Watson, tu es l'actrice d'Harry Potter, tu es photogénique. Alors tu as droit à des gifsets sur Tumblr, avec des milliers de likes qui disent "oooh elle est tellement géniale", sauf que sur Tumblr, tout le monde t'aime déjà.<br />
Tu t'es pris des menaces de viol, de harcèlement sexuel dans la gueule, après ça, après avoir fait un discours on ne peut plus conciliant avec les mecs. Je ne nie pas ça. Je ne nie pas que toute femme qui parle haut et fort, publiquement (à l'ONU ou devant ses potes qui font une blague sur le viol), a du courage. Je ne nie pas la violence de ça. Mais tu étais déjà une personnalité publique avec une vie extrêmement privilégiée.<br />
<br />
Et puis, tu vois, ça ne sert à rien, d'être gentille. La haine chez les agresseurs, elle est là. Les mecs qui veulent vraiment écouter écouteront, qu'on gueule ou pas, sans dire chouiner qu'elle est méchante, et que tous les hommes sont pas comme ça. Les autres, ils trouveront toujours, toujours un prétexte pour nous écraser. Alors si quoi qu'on fasse on s'attire de la merde, tant qu'à faire, je m'entraîne à arrêter d'être gentille. Parce
qu'être gentille, c'est ce qu'on apprend aux filles. Ne pas se faire
trop remarquer, ne pas trop revendiquer, ne pas avoir trop de désir(s). Or, quand j'ai vécu des violences avec des mecs, quelles qu'elles soient, c'était parce que j'ai pas osé gueuler. Le mal que ça m'a fait, que ça nous a fait, d'être mielleuses et patientes et conciliantes et sages…<br />
<br />
Et puis aussi, c'est pas optionnel de reconnaître qu'on parle toutes les deux en tant que femmes blanches et pas pauvres etc. Et de demander à des femmes qui vivent une autre réalité que nous, les écouter, avant d'écrire des discours. Tu parles aussi forcément en tant que blanche, que tu le veuilles ou non. Malheureusement, dans notre société, c'est un avantage sur d'autres pour être écoutée. Alors si tu veux mettre ça à profit, ce que je trouve pas débile, écoute la réalité de celles qui vivent d'autres oppressions, avant. Ce qui t'évitera de parler des pratiques misogynes ultra-violentes uniquement dans des pays lointains pas-comme-nous. Elles existent aussi chez nous, autrement. Et chez nous, les femmes de ces mêmes pays vivent d'autres violences parce qu'elles sont racisées.<br />
<br />
Voilà. Je veux pas d'un féminisme joli et télévisable et couverturedemagazinable. Ni d'un féminisme qui oublie la moitié des femmes dont il est censé causer. Tu m'ennuies, Emma, sincèrement. Viens faire la révolution, c'est plus rigolo, et au moins, on met pas la rage sous verre pour aller montrer au monde qu'on est respectables. Être respectables, c'est pas le but.<br />
<br /></div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-73231593035118358062014-05-05T12:04:00.000-07:002016-10-26T04:52:15.020-07:00Les jours qui filent<div style="text-align: justify;">
Ces moments où tu te vois obligée de décider la fin d'amitiés très importantes et complices parce que l'autre a des idées et/ou un comportement de connard. Certes, cette amitié que tu croyais géniale était finalement limitée. Certes, il s'avère qu'il est un salopard. Certes, t'as pas envie d'avoir une amitié avec quelqu'un comme ça. Certes, tu devrais pas regretter.</div>
<div style="text-align: justify;">
Alors non, tu ne le regrettes pas en tant que personne — ou peut-être un peu parce que tu te souviens de ses bons côtés, mais tu le regrettes surtout parce ça a été, un court moment, avant que vous vous connaissiez mieux (trop), ton seul véritable ami, un ami de tous les jours, un ami à qui parler quand tu avais besoin et qui pouvait tout te dire aussi et avec qui tu pouvais déconner, cela pendant quelques mois. C'est ça, que tu as perdu. Un repère.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Tu ne sais pas lier des amitiés IRL. Celle-ci avait commencé sur Internet, plus facile. Mais du coup, les gens habitent loin, difficile de les voir. </div>
<div style="text-align: justify;">
Ceux de ta ville, ce sont ceux du lycée. Au lycée tu n'es l'ennemie de personne, les gens qui ne te reviennent pas, tu ne leur parles pas, les autres tu les ignores sans animosité, par habitude, parce que pas les mêmes intérêts, et il y a des gens avec qui tu discutes volontiers, avec qui tu t'entends très bien. Mais tu ne sais pas toujours comment eux te considèrent. Tu les vois déjà dans la semaine, tu les sollicites de temps en temps pour une conversation ou un déjeuner, et tu n'oses pas faire plus, leur demander de faire un truc ensemble le week-end par exemple. Parce qu'ils ont plein d'autres amis, pleins d'autres relations, des amoureux-ses, des vies sociales. Tu n'es pas assez proche d'eux pour savoir s'ils t'apprécient spécialement. Et puis tu aurais l'air de la fille qui a pas d'amis et qui va faire chier les autres en quémandant un peu d'attention.</div>
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Et puis en ce moment tu as des problèmes desquels tu as envie de parler, alors tu en parles, les autres sont cools et t'écoutent, mais tu ne veux pas parler que de ça non plus, tu veux entendre ce qu'eux font de leur vie, et tu veux que les gens se sentent pas dans une relation à sens unique. Mais tu as peur qu'ils se disent que c'est le cas, justement, qu'ils se disent que tu vas parler que de toi, vu la période que tu traverses. Tu as peur qu'ils t'évitent à cause de ça. Tu ne sais pas jusqu'où tu peux leur demander d'être avec toi pour parler de tout et de rien, pour faire un truc, même pour réviser ensemble, tu ne sais pas jusqu'où tu peux aller sans que ça soit pris pour de l'incruste pénible dans un cercle d'amis déjà constitué.</div>
<div style="text-align: justify;">
Tes potes de lycée ne sont pas de ceux à qui tu peux envoyer un message aléatoirement pour délirer et avoir une conversation débile dessus, ou à qui tu peux dire "j'ai besoin de câlins" sans avoir peur de les faire chier.</div>
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Au lycée, si tu veux être pleinement intégré à un groupe, il faut aller dans les soirées. C'est pas ton truc. Du moins, pas celles-là. Pas celles avec des gens défoncés, avec trop d'alcool, avec des mecs qui vont t'éviter quand il s'agira de danser parce que t'es la loseuse moche, et surtout, une soirée comme les leurs, c'est celle avec des tas de groupes, ou un grand groupe, déjà constitués. Alors arriver là-dedans… Tu voudrais des soirées avec du monde mais pas trop, de l'alcool mais pas trop, de la drague mais pas trop, de la danse et de la musique mais pas trop fort. Tu es une rabat-joie. Une introvertie, quoi. La fille qui en primaire, invitée aux anniversaires des copines, allait lire des bouquins et parler avec les parents du camarade de classe, et que les gens devaient tirer par la manche pour qu'elle vienne danser. Même si c'est plus à ce point maintenant, il reste quand même des tas de réflexes. Que tu ne veux pas complètement abandonner, parce que tu ne veux pas te sentir obligée d'être une autre pour pouvoir plaire aux gens.</div>
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Tu as deux très bonnes amies dans ton quartier, mais elles bossent comme des dingues (ce que tu devrais être en train de faire toi aussi, mais impossible de te motiver ni de te concentrer), toi tu les trouves géniales et ça te gênerait pas de discuter/passer du temps avec elles tous les jours, parce que tu es comme ça, tu t'attaches à peu de gens mais quand tu t'attaches tu es entière dans tes relations, et tu crois pouvoir dire qu'elles t'apprécient aussi, probablement plus sérieusement que tous les autres, mais tu ne veux pas les envahir, pas les gêner. </div>
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Tu n'arrives pas à être assez active dans le collectif militant où tu t'es plus ou moins engagée, parce que tu as l'impression que tu n'es pas douée là-dedans, tu n'oses pas te lancer, dans rien. Alors ça te renvoie l'image d'une fille nulle, incapable de faire, de prendre les choses en main, pas responsable, qui ne prend pas d'initiatives, qui ne contribue en rien au monde, qui n'est utile à personne, voire qui fait partie des boulets du collectif.</div>
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A chaque fois, dans les moments de séparation définitive avec quelqu'un qui as compté pour toi, tu te rends compte d'à quel point sans cette personne, tu es seule. Tu es ramenée à ta solitude d'avant l'amitié/l'amour que tu viens de quitter, la
solitude de sans personne, la solitude où tout autour de toi semble
vide, la solitude qui fait pleurer la nuit et avoir du gris partout dans la tête le jour.</div>
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Tu passes tes journées à
n'avoir le courage ni l'envie de rien faire, pas d'idées, la flemme, à avoir mal à
la tête à force de rester clouée devant ton écran, sans savoir écrire,
sans envie de t'impliquer. Tu ne fais que rêver à tout ça, mais tu ne
fais rien pour que ça arrive. Tu laisses le temps filer. Tu fais ton boulot à la vitesse d'un escargot, le strict minimum, un peu moins que ce qui serait nécessaire pour la préparation du bac, alors tu t'inquiètes mais t'arrives pas à sortir de cette léthargie. Même la musique, à part parfois quelques sursauts, tu joues un quart d'heure puis reposes ton instrument, incapable de te concentrer. Évidemment, ça
n'arrange rien à l'image de fille inutile que tu as de toi-même. Tu te couches bien trop tard, attendant le moment où tu n'en peux vraiment plus, pour repousser le plus possible le moment de t'allonger et d'être de nouveau prise, plus encore que durant la journée, dans ce tourbillon de pensées et d'angoisses.</div>
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Même les gens sur Twitter, y'en a des super cools, de qui t'aimerais faire la connaissance, des féministes chouettes, mais pareil, encore un cercle, toi tu es un peu entre les anars antifa qui jouent les durs et les féministes qui fightent le patriarcat avec des chatons, des gifs de séries et des longs articles sur l'empowerment des minorités, et ces deux groupes sont cools mais tu sais pas où te mettre, et puis ce sont des adultes, illes sont plus expérimenté-es, tu sais pas ce que tu pourrais leur dire, tu sais pas quoi ajouter, ce qu'elles disent est vachement bien, mais en même temps pour ce qui n'est pas militant t'as pas les mêmes références, t'es pas aussi gameuse qu'elles, t'es une fangirl de rien du tout et t'as pas envie de te mettre à Game of Thrones, tu piges pas assez bien les concepts, tu as 17 ans, elles en ont entre 20 et 30, elles ont des "conversations d'adultes", même si elles parlent de jeux et de trucs débiles, elles le font d'une manière qui est propre à leur génération, et toi tu as envie d'entrer là-dedans mais tu n'oses pas, tu n'arrives pas, parce que, qui es-tu après tout ? Tu as peur qu'elles te trouvent conne, qu'elles te voient à nouveau comme la fille sans amis qui vient squatter juste pour s'inventer une vie sociale.</div>
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Tu as une famille qui t'aime, des adultes qui t'apprécient et réciproquement, ils sont affectueux, mais ce sont des adultes. Tu voudrais être normale. Pas entre les deux catégories d'âge comme maintenant. Ou alors être sûre d'être acceptée aussi bien par un des groupes que par l'autre. </div>
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Partout dans ce billet, la peur du regard des autres. Elle est là
partout, tout le temps, tu as même peur de l'image que va garder de toi
ton ancien ami, alors que tu ne le verras probablement plus jamais. Tu
devrais tellement t'en foutre, Kim. Arrête avec ça. Sois toi et emmerde
les gens qui te font chier, emmerde le qu'en-dira-t-on, si ça se trouve
ça aiderait à ce que les gens aient envie d'aller vers toi, ça aiderait à
ce qu'ils voient qui tu es, justement, et à ce qu'ils t'apprécient pour
ça. Mais comme à chaque fois, la même question revient. "Je ne peux pas
me permettre de me foutre du regard des autres parce que je n'ai pas
d'amis", te dis-tu. D'abord t'entourer, ensuite ce sera plus facile,
parce que tu sauras que de toute façon, des gens t'apprécient comme ça.
Tu ne sais pas si c'est la bonne stratégie à adopter. </div>
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Tu as besoin des gens, des autres, tu as besoin de te sentir appréciée, tu as besoin de sentir que tu peux apporter aux gens, ne serait-ce que par des petites choses. Et puis tu n'as pas d'amoureux-se, qui pourrait être là et te rassurer à tout moment, avec qui tu te sentirais bien, et dont tu saurais qu'il/elle te trouve bien comme tu es. Tu te réveilles le matin avec l'envie d'un autre corps contre le tien, de câlins, de quelqu'un à qui dire bonjour mal réveillée et de qui caresser les cheveux et quelqu'un à embrasser, quelqu'un pour qui t'inquiéter et dont tu saches qu'il/elle se préoccupe de toi, et tu te sens ridicule et puérile à ne penser qu'à ça, rêves d'adolescente. Merde, en quoi c'est mal ? Tu sais que c'est commun et plutôt beau, de chercher l'amour, mais on ressort tellement ça comme un cliché, on vide ça de sa substance, et c'est très triste, mais tu ne peux pas t'empêcher de te conformer malgré toi à l'idée que c'est nul.</div>
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Tu ne penses qu'à te recroqueviller pour toujours sous un duvet, hiberner, et, soit oublier la solitude, vider ta tête complètement, oublier que ça fait mal, soit le faire avec quelqu'un de chouette.</div>
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Tu aimes être seule, mais pas solitaire. Savoir que c'est ta situation par défaut, savoir que ce n'est pas un choix, te sentir trop peureuse, trop peu confiante, pas attirante, c'est tout ça qui pèse et qui t'empêche d'avancer et de te sentir heureuse, ou au moins joyeuse, de te sentir bien. Tu veux te battre mais tu as l'impression de ne plus avoir la force.</div>
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Oh, certes, c'est une période qui va passer, et puis tu as des sursauts d'énergie, mais elle va aussi probablement revenir. A la prochaine décision relationnelle de ce genre, à la prochaine période creuse, des vacances sans rien faire, une opportunité pas saisie, du temps libre que tu aurais aimé passer avec quelqu'un et que tu vivras seule, et le sentiment reviendra. Tu ne penses pas que ce soit de la dépression, même si ce sentiment peut l'appeler. Tu ne te détestes pas fondamentalement, tu te sens nulle sur une chose mais tu sais que tu as une valeur humaine. Tu ne veux pas te faire du mal. Tu n'en n'es pas au stade où tu te dis que tu pourrais mourir, personne n'y ferait gaffe. Non. Juste la solitude, le sentiment de solitude et la peur du regard des autres, qui tord le ventre et la tête sur des périodes de quelques mois, pénibles.</div>
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Tu te dis que c'est bizarre d'écrire ça là sur ce blog plutôt politique sur lequel ça fait un an que t'as rien posté, pourquoi le publier, pourquoi dire au monde, c'est sans doute inutile, mais non, puisque ça te soulage. Tu sais qu'il y a des tas d'autres problèmes, tu te dis que c'est peut-être égoïste, superficiel, mais non, puisque c'est ce qui te ronge toi là maintenant très profond et qui t'empêche d'être. Tu te dis que ça fait peut-être complètement ado mal dans sa peau qui écrit des trucs dépressifs dont tout le monde se fout sur son blog. Que ça fait celle qui recherche l'attention, qui se complaît dans sa situation, alors qu'en fait, ce texte, tu l'écris surtout pour toi, pour mettre au clair tout ce que tu as dans la tête.</div>
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Tant pis. L'essentiel est que tu puisses aller dormir un peu plus tranquille pour le moment, demain, école.</div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-80752242377945719732013-11-03T06:50:00.000-08:002016-10-26T05:43:05.983-07:00“Avec humanité”<div style="text-align: justify;">
Mercredi 17 octobre au soir, je reçois un texto qui a circulé dans la plupart des lycées parisiens, appelant à la mobilisation pour Leonarda et Khatchik. Il est autour de dix heures. Je soupire. Ça va pas marcher. Ça marche jamais. Surtout dans mon bahut, on est à peine 300, les trois quart restent chez eux. Les dernières fois, c'était pour des suppressions de postes de profs. Il y avait trois poubelles, la proviseure qui voulait laisser passer ceux qui veulent aller en cours. La blague. Et puis des profs, les gens ont du mal à se solidariser, m'voyez. Ici, la cause est parfaitement compréhensible, tout le monde peut se rendre compte que c'est injuste. Mais même. Cette fois encore, ça ressemble trop à du dernier moment. Ça va être l'impro totale, les slogans à deux balles, le manque de crédibilité.</div>
<div style="text-align: justify;">
Je pense à leur réalité, à eux, les expulsés. Ceux qu'on ne veut pas laisser vivre ici parce qu'ils n'ont pas le bon bout de papier, la bonne tête, la bonne histoire familiale, la bonne langue. Leur réalité c'est celle que je ne vivrai ni ne comprendrai jamais, parce que ma famille est de ce bout de terre depuis assez longtemps pour que Valls pense qu'elle est plus légitime à vivre ici que les autres, et que, par conséquent, mes parents n'ont pas de titre de séjour à renouveler, n'ont pas d'attentes angoissées de la réponse de la préfecture, n'ont pas peur de se retrouver à l'aéroport, un matin sans prévenir, menottés dans la zone d'attente. Ma famille ne fuit rien. Ni la guerre, ni la pauvreté, ni la dictature, ni la répression. On n'a pas besoin de rêver d'un avenir meilleur : les chances sont de notre côté, parce que nous sommes, disent-ils, "chez nous". Plus que d'autres qui pourtant vivent ici tout autant que nous. Et qu'on a les moyens, et qu'on est blancs. </div>
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Je suis en colère. Big deal. Sous ma couette, chez moi, où j'ai certes froid, mais où je vais probablement parvenir à dormir sans penser à ces histoires toute la nuit. Je suis en colère et ça ne sert à rien. Je ferme les yeux. Demain, y'a cours.</div>
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<br /></div>
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Je me réveille un peu tard. Un nouveau texto d'un gars qui me demande si j'aurais pas en réserve des autocollants, slogans ou autres affiches, voire un drapeau noir, ce serait gentil. J'ai un petit rire. Déjà, non, j'ai pas ça chez moi, enfin, pas en piles de 100. Le drapeau, non merci, je suis allergique. S'ils en sont aux drapeaux anars, j'imagine que le coco du fond de la classe a déjà prévu d'arborer ses autocollants du PCF, pour faire peur aux maternelles à côté, et un étendard aux couleurs des Jeunesses Communistes (Oui, y'a des dingues, dans ma classe). Et puis faudrait que tout le monde arrive au moins une demi-heure plus tôt, pour installer le truc. Impossible. La blague, je répète. Et puis un autre texto d'une copine dans un lycée encore plus bourgeois que le mien. Elle demande s'il y a mobilisation, chez nous, parce que même chez elle, y'a l'air d'avoir du mouvement. Eh mais, wait. Tout n'est peut-être pas perdu.<br />
<br />
J'arrive en courant à 7h40. Déjà du monde. Les gens qui vont en cours seront cinq en tout et pour tout (que voulez-vous espérer de terminales S, aussi). Oui, ma proviseure veut absolument qu'ils puisse entrer (sinon elle appelle les flics), elle a tout compris au principe du blocus. Nevermind.<br />
Dehors, ils ont sorti les poubelles et sont allés piquer des trucs de chantier dans la rue d'à-côté. Tain mais c'est qu'il est efficace, le coco du fond de la classe. Bon, il se sent plus, évidemment, il est content de prendre les choses en main — tfaçon, l'autogestion ça marche pas, qu'il dit. Mais je dois admettre que j'aurais jamais pensé qu'ils le feraient vraiment. On finit d'installer les poubelles, il fait encore nuit.<br />
<br />
L'effectif s'agrandit. Les gens arrivent, ceux qui habitent le plus près partent chercher marqueurs et cartons, et improvisent des pancartes avec des jolies fautes d'orthographe. Plus de place pour le s, à expulsions, mais au moins, les lettrages sont classe, y'a des graffeurs dans le lot. <br />
Le jour se lève. C'est une rue coincée entre des barres d'immeubles, où circulent plus de voitures que de piétons, on nous verra pas beaucoup, mais tant pis. Au moins, les gens le font, on a l'impression de compter.<br />
Les profs arrivent, eux aussi. Ils demandent à la CPE ce qui se passe, puis hochent la tête ; certains repartent se remettre au lit, les autres tiennent à faire leur devoir de fonctionnaires. Certains sympathisent avec la cause, mais n'iraient quand même pas jusqu'à tenir le blocus avec nous (ne pas prendre parti, toussa).<br />
<br />
Coco grimpe sur une poubelle. Il s'apprête à lire le tract du FIDL, puis se ravise, ça ferait un peu con. Alors il explique que Khatchik et Leonarda se sont fait expulser parce qu'ils étaient sans-papiers, et qu'aujourd'hui y'a une journée de mobilisation à Paris, et que c'est important de le faire. Il a commencé par préciser que contrairement à ce que pourraient dire les mauvaises langues, on fait pas ça pour sécher les cours. Nécessaire à clarifier, vu la méfiance qu'on sentait chez les adultes (et même certains élèves un peu trop raisonnables). Ça manque juste un peu de remise en contexte : Leonarda et Khatchik ne sont ni les seuls, ni les premiers… Il ajoute : « Bientôt y'a les petits de la maternelle
qui vont passer, faites-leur un couloir, s'il-vous-plaît. Et aussi,
après va y avoir les éboueurs, faudra descendre, ils ont déjà un boulot
pénible, leur rendez pas la tâche plus difficile. »<br />
<br />
Les gens discutent, chantent, tapent sur les poubelles avec des baguettes de batterie. Pas de slogans très inventifs, mais ça peut jamais être pire que la CFDT. Y a des amoureux qui s'embrassent et d'autres qui s'appellent camarade, aussi, mais c'est pour le fun. Les automobilistes klaxonnent en levant le pouce quand ils nous voient. C'est la fête, ouais, aussi. Mais régulièrement, les slogans rappellent pourquoi on est là.<br />
On part à 10h30 vers la manif à Nation. Les gens gueulent dans le métro, mais on récolte quand même des sourires sympathiques. Une dame rouspète qu'on dessert la cause, ben tiens. <br />
Et on arrive, et le rassemblement est bien plus dense que ce que j'aurais imaginé. On doit bien être 2000, que des lycéens, et du soleil. Quels minables, là-haut. Vous voyez ? On est là. Votre politique inhumaine, on veut qu'elle s'arrête. La vôtre comme celle de tous les gouvernements à venir.<br />
Je suis trop crevée et gelée pour aller à la manif, mais je reste une petite heure sur la place. En rentrant, j'ouvre Twitter. Y'en a des drôles qui pensent que ça y est, c'est la révolution. Je découvre les différentes déclarations des politiciens, à la fin de la semaine on aura Valls, Hollande, Le Pen, tous plus ignobles les uns que les autres.<br />
<br />
Aspect pénible, qui concerne moins directement Leonarda mais sans lequel ne va aucune mobilisation lycéenne : le paternalisme
des politiciens, des éditorialistes et d'autres messieurs-dames tout à
fait lambda, confortablement installés dans leur certitude que l'ordre
est le garant de la démocratie blablabla, et que la place des jeunes est
en cours à écouter sagement le professeur. J'ai senti la lassitude me
gagner en lisant les commentaires sous-entendant que de toute façon on
comprend rien à la politique, qu'on fait ça pour être en vacances plus
tôt, que les blocus c'est anti-démocratique, que si on défend
l'éducation de ces jeunes sans-papiers on a qu'à retourner en cours.<br />
<br />
Oui,
on est contents de pas aller en cours, parce que non, on est pas spécialement réjouis, le matin à 6 h, par la perspective de se retrouver le cul vissé sur une chaise toute la journée à écouter un cours. Brand new information. Oui, beaucoup de gens viennent
pour le côté festif. D'autres sont des bourges qui viennent pour
s'offrir des sensations et de la rebel attitude. Oui, les gens fument,
boivent, rigolent. Certains ont juste entendu parler de l'histoire. Ils
savent que les expulsions c'est pas très gentil, mais ils ont jamais
vraiment réfléchi à la question.<br />
Comme dans n'importe quelle manif, quoi.<br />
<br />
Mais
il y a aussi des gens, et c'est pas forcément incompatible, ils sont
même probablement une majorité, qui savent parfaitement pourquoi ils
sont là, qui pensent aux expulsés, qui se demandent pourquoi on a pas
fait ça plus tôt. Qui déplorent que soudain on se réveille alors qu'il
aurait fallu le faire des années plus tôt. Qui sont prêts à retourner
manifester. Qui ont le sentiment de faire enfin bouger les choses et qui
attendaient ça depuis longtemps. On est là parce qu'on n'est pas
d'accord et on sait pourquoi. Il y a aussi des gens qui ont commencé à s'intéresser au problème avec ces manifs. On est plus ou moins réformistes, on croit
plus ou moins au bulletin de vote, mais on sait en tout cas qu'on
refuse de cautionner un système raciste, classiste et répressif, que
c'est pas ce monde-là dans lequel on veut vivre.<br />
Et si vraiment la
mobilisation lycéenne faiblit parce que les guignols trouvent que c'est plus
aussi fun, de toute façon, les convaincus iront se faire entendre
autrement. Il serait temps que les adultes pigent qu'on pense par
nous-mêmes, qu'on est capables de s'interroger, beaucoup plus qu'ils
ne le croient. On n'a pas besoin qu'ils soient là pour valider nos prises de positions, pour nous “guider dans nos choix” ou je sais pas quelle connerie. Leur avis en tant qu'adultes, on s'en fout, on est intéressés par leur avis en tant que personnes.<br />
<br />
M'enfin revenons à l'affaire elle-même.<br />
La très magnanime proposition de Hollande de faire revenir Leonarda sans sa famille. Genre “pour satisfaire la foule, on va leur donner ce qu'ils réclament. Ben quoi, c'est bien de Leonarda toute seule dont ils parlent, non ?” C'est ça, faites semblant de pas comprendre que les revendications sont bien plus larges. Faites semblant de pas savoir qu'un tel choix est juste horrible à faire pour n'importe qui. Faites semblant de ne pas savoir que c'est inhumain.<br />
Les journalistes qui parlent pendant des jours du fait que le père a menti quant à l'origine de ses enfants alors qu'on en a rien à foutre. Un parent ment pour protéger ses enfants, et on fait en sorte de le présenter comme un méchant pas beau, regardez, on va quand même pas laisser un menteur (un menteur, mes aïeux) rester peinard sur notre territoire à nous bien cloisonné. Les médias comme des vautours autour de la famille de Leonarda, oubliant que ce sont des GENS.<br />
<br />
Ah oui, et puis, on attendait le fameux rapport sur l'affaire. Rendu entièrement public — j'hésite entre saluer la transparence et l'impression détestable que Leonarda a été jetée en pâture à toute l'opinion, comme si chacun devait pouvoir y aller de son petit commentaire, décider ce que devrait être la vie de cette fille au regard de son histoire, tout savoir de sa situation familiale analysée hyper précisément, etc. Dans <a href="http://www.lepoint.fr/societe/affaire-leonarda-ce-que-dit-vraiment-le-rapport-19-10-2013-1745766_23.php">ce torchon</a> (qui n'a rien à envier à l<a href="https://pbs.twimg.com/media/BXP-9UhCUAApjA-.jpg:large">a Une de Valeurs Actuelles sur le sujet</a>), Le Point explique en long, en large et en travers, à grands renforts de tournures sensationnalistes, que selon le rapport, c'est rien qu'une famille de délinquants. Le père est une feignasse, puisqu'il refuse des offres d'emploi. ASSISTÉ. Sa fille sèche les cours, SO SHOCKING. C'est sûr que c'est grave et exceptionnel, aucun élève de nationalité française ne le fait, ici… Et de donner le détails de toutes ses absences depuis la 6ème. Voilà, ça sert à ça, aussi, les logiciels où les surveillants notent scrupuleusement l'heure, la durée et le motif de tes absences.<br />
<br />
Les étrangers, les immigrés, les minorités, doivent être irréprochables en permanence, n'avoir jamais aucune faiblesse, alors que les bons Français, les blancs (et on peut évidemment étendre ça aux dominants en général ; les hommes, les hétéros, les riches…), pour eux, on ne se pose pas la question. On n'en fait pas un débat public. Quand ça devient du ressort de la loi, il y a un procès, mais pas un débat public. Entendre au journal de France Inter que le collégien Jean-Kevin Martin a été reconnu coupable d'avoir manqué 195 heures de cours depuis le début de l'année scolaire, que son droit de séjour sur le territoire est remis en cause et que les ministères de l’Éducation de l'Intérieur et de l'Éducation Nationale devraient s'exprimer dans les prochains jours… Nope. Ça n'existe pas. L'étranger est soupçonné <i>par défaut</i> d'être méchant, sale, de vivre sur les dos des autres, de rien faire comme nous et de battre sa femme. C'est tout le temps sur lui que vont se poser les soupçons, même quand c'est lui qui est victime de quelque chose. Il doit bien être responsable de sa situation, quelque part. Il doit tout le temps prouver, rendre des comptes, montrer qu'il peut prétendre à être reconnu comme légitime par le dominant. Faire des efforts en permanence, quand nous, blancs, légaux, approuvés, avons le droit d'être chez nous partout, sans demander de permission.<br />
Et j'imagine que ce genre d'article contribue grandement à ce mode de fonctionnement.<br />
<br />
Et donc, la conclusion de tout ça, c'est que l'expulsion était conforme à la loi. La belle affaire. Comme si c'était le problème. Le dernier paragraphe est à vomir. On sent la jubilation du journaliste : « HA, vous voyez, quand on vous dit que c'était légal, que c'était bien de les expulser, vous avez pu constater vous-même, dans mon article totalement objectif, que cette famille c'était rien que des sales pauvres qui volent pour vivre. » Et puis "avec humanité", hein, qu'il dit. Parce que c'est à lui, hyper privilégié par rapport à Leonarda, de décider si c'est humain ou pas. C'est ce que le gouvernement a dit aussi. « On est bien gentils, quand même, regardez tout ce qu'ils ont fait de vilain, et nous on les expulse humainement, qu'est-ce qu'on est sympas. » Et eux sont les ingrats, bien sûr. TOUT VA BIEN, alors.<br />
On se fout de savoir quel ont été les faits et gestes de la famille de Leonarda sur les 10 dernières années. On se fout de savoir si son expulsion était légale ou pas. On veut juste pas de ce système. Quand la loi permet des injustices pareilles, le mieux qu'on puisse faire (si tant est qu'on veuille garder un gouvernement), c'est de la changer. <br />
<br />
<br />
Quelques liens.<br />
<ul>
<li><a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/10/18/a-paris-les-lyceens-denoncent-la-continuite-de-la-politique-sarkozy_3499302_3224.html">Le Monde : A Paris, les lycéens dénoncent la continuité de la politique Sarkozy</a></li>
<li><a href="http://www.lemonde.fr/education/article/2013/10/20/etudiants-et-lyceens-estiment-que-francois-hollande-n-a-pas-repondu-a-leurs-demandes_3499763_1473685.html">Le Monde : Étudiants et lycéens estiment que François Hollande n'a pas répondu à leurs demandes</a></li>
<li><a href="http://rebellyon.info/?Lyceens-et-etudiants-en-lutte">Rebellyon : Lycéens et étudiants en lutte</a></li>
<li><a href="http://fr.globalvoicesonline.org/2013/10/21/155632/">Global Voices : L'expulsion de Leonarda, 15 ans, Rom, met la France fac à ses contradictions</a> (très bon résumé de l'affaire et des problèmes qu'elle pose)</li>
<li><a href="http://www.presseurop.eu/fr/content/news-brief/4231571-l-ue-renforce-encore-la-securite-des-frontieres">Presseurop : L'UE renforce encore la sécurité des frontières</a></li>
<li><a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/10/17/je-ne-veux-pas-m-integrer-mais-circuler_3497207_3232.html">Le Monde : “Je ne veux pas m'intégrer, mais circuler”</a></li>
</ul>
EDIT : prochaines manifs en région parisienne :<br />
<br />
<a href="http://www.demosphere.eu/rv/28965">5 novembre</a>, 12 h place de la Bastille <br />
<a href="http://fr.squat.net/2013/10/28/montreuil-93-manif-baras/">9 novembre</a>, 14h30 au 263 rue de Paris à Montreuil<br />
<ul>
</ul>
</div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-29123952321373838852013-06-09T10:52:00.002-07:002016-10-26T05:42:48.250-07:00<div style="text-align: justify;">
Je n'en peux plus. </div>
<div style="text-align: justify;">
Ne pas comprendre. Ne pas pouvoir. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Je n'en peux plus de lire, plus nombreux chaque semaine depuis les manifs homophobes, les récits de nouvelles agressions fascistes. (Celle de Clément Méric. Et puis <a href="http://madjid.fr/?p=1060">celle-là</a>. Et <a href="https://luttennord.wordpress.com/2013/06/09/tres-violente-agression-homophobe-a-lille-les-veilleurs-degagez/">celle-ci</a>.) </div>
<div style="text-align: justify;">
De voir les raclures d'extrême-droite, du sang sur les mains et dans les yeux, puantes de haine, tenter de se faire plaindre, voire d'ériger les meurtriers en martyrs ; tenter de justifier leurs idées totalitaires, racistes, homophobes, morbides. </div>
<div style="text-align: justify;">
De voir les récupérations des partis (ou même de n'importe quels groupes, par exemple le Nouvel Obs qui, tant qu'on y est, <a href="http://puu.sh/3bKWR.jpg">fait sa pub</a> sur le dos de Clément) pour dire « regardez, moi je condamne hein, rejoignez-nous, nous aussi on est contre le fascisme ! »</div>
<div style="text-align: justify;">
D'entendre que ce sont les valeurs de la République qui ont été bafouées (depuis quand on a besoin de croire en la République pour lutter contre le fascisme ?) avec le meurtre de Clément.</div>
<div style="text-align: justify;">
D'entendre des crétins dire que le fascisme et l'antifascisme, c'est pareil, que c'était juste une baston « <a href="https://twitter.com/latrive/status/343258291733942272/photo/1">entre extrémismes</a> ».</div>
<div style="text-align: justify;">
De voir les médias tendre complaisamment leurs micros à ces abrutis en faisant semblant d'ignorer qui ils sont. Depuis les sombres années Sarkozy, et encore plus avec les présidentielles où un nombre incroyable d'heures de paroles a été accordé au FN, les médias permettent à ces connards de cracher leur haine aux heures de grande audience. Quand ce n'était pas Le Pen, c'était Hortefeux, Guéant, Estrosi, c'est encore Zemmour, Ayoub, Gabriac. Et Valls, aussi.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Derrière tous ces gens, des cadavres.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ayrault a dit qu'il voulait <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/06/08/clement-meric-le-gouvernement-veut-dissoudre-les-jnr_3426701_3224.html">dissoudre les JNR</a>. Bravo, génial, on applaudit. On voit bien que le gouvernement a pris le temps de réfléchir au problème ("Oh, tiens, un mort, ça la fout mal, faudrait peut-être qu'on se préoccupe de la question"). Comme si ça allait changer quoi que ce soit. On ne détruit pas un long processus de diffusion d'idées nauséabondes comme un cachet d'aspirine. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Hier, alors que je prenais un verre avec des ami-e-s, on vient nous prévenir qu'une rafle de Rroms est en cours. Il y a aussi eu l'attaque d'un camp <a href="http://lci.tf1.fr/france/faits-divers/nord-un-camp-de-roms-attaque-au-cocktail-molotov-8005428.html?utm_source=feedly">avec des cocktails Molotov</a>. Jeudi dernier, au moment des rassemblements en hommage à Clément, <a href="http://juralib.noblogs.org/2013/06/09/qui-a-tue-clement-meric-les-fascistes-assassinent-a-saint-lazare-le-ps-rafle-a-barbes/">40 étrangers se font arrêter à Paris</a>. </div>
<div style="text-align: justify;">
Et toutes les expulsions, le squat incendié à Lyon (les familles, "relogées" dans un gymnase, en ont ensuite <a href="http://rebellyon.info/les-familles-du-squat-incendie.html">été expulsées</a>), les discours anti-rroms, anti-musulmans, le mépris, le racisme d'Etat.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Alors, Jean-Marc, ne viens pas faire semblant de pleurer. C'est ton gouvernement. C'est ton putain de ministre de l'Intérieur <a href="http://www.lepoint.fr/societe/un-camp-de-roms-evacue-a-lille-par-la-force-publique-05-06-2013-1676398_23.php">qui expulse des familles avec 200 flics</a>, qui envoie l'armée à Notre-Dame-des-Landes, c'est ta police qui empêche les contre-manifs face aux rassemblements des anti-IVG à Paris, qui brutalise, qui insulte, qui réprime, qui surveille.</div>
<div style="text-align: justify;">
C'est vous tous, gouvernants, qui constituez une grande partie du problème, en faisant en sorte que la haine devienne la norme. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
Je ne veux plus les voir. Je ne veux plus les entendre. Je n'en peux plus. J'ai peur de la suite. Que faire quand écrire ne permet plus de traduire les larmes, la rage et la colère ?<br />
<br />
<div style="text-align: right;">
<a href="http://lahorde.samizdat.net/2013/06/10/pour-clement-la-rage-au-coeur-ne-jamais-oublier-ne-jamais-pardonner/">La rage au cœur, ne jamais oublier, ne jamais pardonner</a><span style="font-size: small;"><span style="font-weight: normal;"> </span></span></div>
<div style="text-align: right;">
<a href="http://rebellyon.info/Clement-Meric-tue-fascistes.html"><span style="font-size: normal;"><span style="font-weight: normal;">Clément Méric tué : fascistes assassins, Etat complice !</span></span></a></div>
<div style="text-align: right;">
<span style="font-size: normal;"><span style="font-weight: normal;"><a href="http://alternativelibertaire33.over-blog.com/ils-ont-tu%C3%A9-l-un-des-n%C3%B4tres.-lettre-%C3%A0-cl%C3%A9ment-m%C3%A9ric">Ils on tué l'un des nôtres — Lettre à Clément Méric</a></span></span><br />
<span style="font-size: normal;"><span style="font-weight: normal;"><a href="https://nantes.indymedia.org/article/27770">Amalgames, courage politique, réponses antifascistes : une mise au point s'impose </a></span></span><br />
<span style="font-size: normal;"><span style="font-weight: normal;"><a href="http://la-bonne-fee.blogspot.fr/2013/06/revue-presse-mort-clement-meric-extreme-droite-medias-politique.html">La revue de presse de La Bonne Fée sur le sujet </a> </span></span><br />
<span style="font-size: normal;"><span style="font-weight: normal;"><a href="http://ficusphere.over-blog.com/article-ta-gueule-vous-tous-118425877.html">Ta gueule vous tous </a></span></span><br />
<span style="font-size: normal;"><span style="font-weight: normal;"><a href="https://lecridudodo.noblogs.org/post/2013/06/09/a-propos-du-meurtre-dun-jeune-antifasciste-parisien/">A propos du meurtre d'un jeune antifasciste parisien </a></span></span></div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-40415871039681823572013-05-26T04:32:00.000-07:002016-10-26T05:40:56.165-07:00« Sûreté ne rime pas toujours avec répression » — Faire avaler la pilule.<div style="text-align: justify;">
Éloigner les jeunes.</div>
<div style="text-align: justify;">
Les jeunes c'est sale, ça crache par terre, ça respecte rien.</div>
<div style="text-align: justify;">
Les jeunes <a href="http://www.rue89.com/2013/05/24/rer-concours-musical-faire-accepter-dispositif-anti-jeunes-242627">il faut les faire fuir des endroits propres</a>, comme les halls de gare. (Où y'a des adultes qui vont travailler, eux). </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Les jeunes n'écoutent pas de musique classique. Tout le monde le sait. Haydn, c'est pour les grands.</div>
<div style="text-align: justify;">
Parce que la musique classique, c'est raffiné, m'voyez. C'est de la musique noble, élégante, savante, harmonieuse. Supérieure, dirais-je même. Pas comme le rock, la variété, le Rn'B, le rap, le metal, la pop. Les jeunes étant des sauvages, assurément, ce trésor sacré ne leur est pas accessible.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Bon.</div>
<div style="text-align: justify;">
Ces deux présupposés débiles servent de prétexte à une initiative de la SNCF (lisez l'article sus-linké, c'est instructif). Balancer du Vivaldi dans les haut-parleurs des gares RER pour, 1, faire déguerpir les délinquants, 2, assurer sérénité, bonne humeur et aliénation tout en douceur aux français méritants, travailleurs et civilisés.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Toujours la même histoire. Aseptiser, faire briller. Et dissimuler ainsi la misère, la laideur, en la repoussant toujours un peu plus loin, comme ils ont fait avec les immigrés, les SDF, les prisonniers, les vieux. Souvent, c'est tout simplement, interdire aux gens de vivre leur vie en dehors de ce qui est admis comme respectable. En l'occurrence, interdire d'utiliser les halls de gares pour faire autre chose que se rendre quelque part. Les lieux ne doivent pas sortir de l'usage pour lequel ils ont été conçus. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
« Sûreté ne rime pas toujours avec répression ».</div>
<div style="text-align: justify;">
C'est ça. Faire passer la pilule. Faire croire que tout va bien, que ta vie t'appartient, te persuader que tu es heureux. "Regardez, c'est fun, c'est un concours participatif ! C'est transparent ! Regardez comme on se marre à conditionner les vies d'autres gens !"</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ça me rappelle <a href="http://t.co/wjKG9GKeiq">la nouvelle prison construite à Condé-sur-Sarthe</a>, près d'Alençon [PDF]. La forme des couloirs, les couleurs acidulées, les meubles, les chambres, jusqu'aux barreaux des fenêtres, tout est design. Il y a même une aire de jeux pour les gosses qui viennent au parloir. Dans la plaquette, pas une fois le mot prison. "Hébergement" passe mieux.<br />
L'existence en milieu carcéral est certes bien plus insoutenable que la vie au-dehors. Mais c'est le même principe. Rendre l'environnement agréable. Faire oublier aux travailleur/euses qu'ils et elles vont trimer pour leur patron, qu'ils et elles se sont levé-e-s trop tôt, qu'ils et elles prennent des antidépresseurs pour tenir ; faire oublier les galères quotidiennes en rendant les lieux de notre routine plus « accueillants », plus soft, plus beaux, plus joyeux.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Et mettre de la musique vivante, belle, aimante, utiliser Liszt, Bach, Mendelssohn ou Ravel pour les besoins d'une politique morbide de contrôle social. </div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-30128019406263785342013-05-19T01:18:00.001-07:002016-10-26T05:41:22.946-07:00du temps à vivre<div style="text-align: right;">
<i>Le deal c'est ça : tu joues le jeu et l'Etat ne te laisse pas crever.
Mais il ne faut surtout pas remettre en cause quoique ce soit. On ferme
sa gueule et on "fonctionne". </i></div>
<div style="text-align: right;">
<div style="text-align: right;">
<a href="http://le-salaire-de-la-peur.blogspot.fr/2013/02/que-dire-quecrire-je-suis-un.html">Que dire, qu'écrire ?</a> sur Le Salaire de la peur</div>
</div>
<div style="text-align: right;">
</div>
<div style="text-align: right;">
</div>
<div style="text-align: right;">
</div>
<br />
<br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<br />
dans les yeux des millions d'engrenages<br />
se lever<br />
(seulement ton fantôme peut-être,<br />
seulement ton ombre)<br />
se lever et se dire<br />
encore une à tirer<br />
se lever et tenter de ne pas penser<br />
rêver est devenu trop rare<br />
boire ton café et te demander<br />
si tu tiendras encore<br />
et combien<br />
de temps<br />
<br />
(il est six heures il fait<br />
nuit) <br />
<br />
le temps<br />
ton temps qui est à vendre ton temps à oublier<br />
ton temps à consacrer<br />
ton temps à sacrifier<br />
ton temps à jeter à ignorer ton temps à abandonner<br />
ton temps qui n'est pas le tien<br />
les horloges indiquent éternellement des heures<br />
trop matinales<br />
trop tardives<br />
ce sont pourtant les heures qui<br />
conviennent pour-plus-d'efficacité <br />
<br />
le temps à vivre c'est dépassé <br />
<br />
et le temps que tu passes à te dire que c'est pour la bonne cause<br />
ton temps que tu passes à mourir doucement<br />
lentement discrètement sans rien dire peut-être même sans savoir<br />
pour ton patron<br />
ton chef<br />
ton maître<br />
<span style="color: white;">• • • • </span>ton oppresseur<br />
— bonjour monsieur<br />
<br />
ce matin comme tous les matins le ciel est gris<br />
et pas le choix <br />
le choix c'est pour les riches<br />
toi tu penses d'abord<br />
à survivre<br />
et quand survivre sera devenu trop lourd… <br />
— oui — la question — et quand survivre sera devenu trop lourd ?<br />
<br />
puisqu'il faut<br />
travailler<br />
puisque la société<br />
le dit<br />
puisqu'ils ont érigé la mort en idéal<br />
que faire quand on te foutra dehors<br />
que faire quand tu ne seras plus<br />
Utile<br />
voilà ta peur<br />
la peur qui t'empêche de hurler<br />
la peur pour diviser<br />
la peur de ne plus travailler<br />
parce que ne plus travailler<br />
la société a dit que c'était honteux<br />
et parce que la réalité<br />
de ne plus travailler<br />
c'est de crever pareil<br />
et toujours pour les mêmes<br />
— et c'est cela qui te fait croire<br />
que tu as besoin du maître —<br />
te faire croire à toi-même que tu ne vaux plus rien<br />
puisque tu n'es plus<br />
rentable<br />
sans travail tu n'es plus personne aux yeux des autres<br />
travailleurs<br />
aux yeux des autres<br />
exploiteurs<br />
ne plus travailler, la même misère les mêmes humiliations<br />
alors que tu devrais pouvoir vivre enfin<br />
<span style="color: white;">• • • • • • • • • • • • • • • •</span>tout est clos<br />
<br />
la liberté se paye elle aussi<br />
la liberté si tu es sage<br />
la liberté peut-être à la fin de la journée <br />
la liberté qu'on t'accorde alors même que tu n'as plus le courage d'être libre et de vivre<br />
la liberté donnée aux êtres broyés comme du lard aux chiens<br />
<br />
et puis la résignation<br />
l'acceptation parce que<br />
c'est comme ça<br />
on ne peut rien changer<br />
tu l'as appris à l'école il ne faut pas<br />
se révolter<br />
il faut subir et dire merci<br />
courber l'échine et obéir<br />
sinon pas de récompense<br />
sinon la fin du mois<br />
sera dure<br />
est-ce cela vivre <br />
être heureux avec ce qu'on a<br />
se contenter des miettes<br />
de la mansuétude des maîtres<br />
il faut être content de ton salaire<br />
<i>il y a pire ailleurs</i><br />
et le mériter<br />
être un<br />
bon travailleur<br />
assidu efficace ponctuel docile<br />
infatigable <br />
pour bouffer<br />
<br />
car il faut bien vivre disent-ils tes compagnons ridés<br />
tannés usés<br />
il faut bien vivre la vie<br />
qu'on nous donne<br />
mais au fond<br />
tu en viens à désirer crever<br />
pour ne plus avoir la misère le matin dans les yeux<br />
pour ne plus penser<br />
<br />
<i>tu connais l'histoire </i><br />
<i>ils vont dire un nouvel immolé</i><br />
<i>et faire semblant de se demander pourquoi et écarter les raisons noires</i><br />
<i>et dire que tu étais</i><br />
<i>un cas isolé</i><br />
<i>il avait des problèmes personnels vous savez </i><br />
<i>pour ne pas voir ne pas entendre ne pas admettre</i><br />
<i>qu'ils t'ont tué </i><br />
<i>que tu es loin d'être le premier</i><br />
<i>pour ne pas admettre que c'est eux</i><br />
<i>qui t'ont déchiré mutilé brisé oublié écrasé</i><br />
<i>et ils iront expliquer</i><br />
<i>ce que tu aurais dû faire</i><br />
<i>comment tu aurais dû réagir</i><br />
<i>comment tu aurais dû dialoguer sereinement </i><br />
<i>comment tu aurais dû ne pas trop montrer aux autres </i><br />
<i>la violence les raisons de l'impuissance</i><br />
<i>ils iront expliquer de rester dociles</i><br />
<i>sans avoir jamais eu les mains sales</i><br />
<i>sans avoir jamais eu </i><br />
<i>à rendre des comptes</i><br />
<i>eux</i><br />
<br />
désirer crever<br />
quand les prochaines minutes sont impossibles<br />
pour ne plus exister ici selon leurs règles<br />
pour effacer le corps<br />
ton corps qui est à vendre ton corps à oublier ton corps à consacrer<br />
ton corps à sacrifier<br />
ton corps à jeter à ignorer<br />
ton corps à abandonner<br />
ton corps qui n'est pas le tien<br />
tu es les mains<br />
de ton patron <br />
<br />
tu dors pour ton patron<br />
tu aimes pour ton patron <br />
tu te maintiens en vie pour ton patron <br />
tu respectes ton patron — et les horaires<br />
ton temps qui est leur temps c'est l'usine le trajet les nuits sans sommeil<br />
les pauses café le déjeuner au travail le dimanche où tu penses au lundi<br />
leur temps c'est l'arrêt de travail à cause d'un accident de travail<br />
c'est quand tu oublies ceux que tu aimes pour obéir à celui que tu hais<br />
ta vie devient l'usine et l'usine<br />
ronge inlassable<br />
tu es à sa disposition à sa merci <br />
<br />
lui ton patron ne sait pas que tu fais semblant ;<br />
dans l'être qui vit encore <br />
tu te dis renverser <br />
vaincre, abolir<br />
mais tu te tais<br />
parce qu'<i>il y a</i><br />
<i>pire ailleurs</i><br />
parce que si tu en es là<br />
c'est que tu l'as bien un peu cherché<br />
puisque tu avais pour toi l'égalité des chances<br />
quand tu veux tu peux<br />
parce qu'il fallait réussir<br />
parce qu'il faut bien s'occuper bien que tout le monde s'accorde à dire que<br />
ce n'est pas l'idéal<br />
parce que le rire et l'amour et la colère ne peuvent pas être gratuits<br />
ça c'est encore une utopie un coup de tête une fumée <br />
au lieu de rêver il faut faire croire qu'on aime se vendre<br />
il faut contribuer participer à ce qui te détruit<br />
se rendre utile<br />
il faut Faire il faut être<br />
actif<br />
travailleur ou bon à rien il faut choisir<br />
tu vas quand même pas vivre<br />
sur le dos des autres<br />
hein ? <br />
tu vas quand même pas<br />
vivre ?<br />
<br />
<br />
<div style="text-align: right;">
Des liens de textes sur le sujet.</div>
<div style="text-align: right;">
<a href="https://coeurnoirteterouge.wordpress.com/2013/05/14/la-boule-au-ventre/">La boule au ventre</a> (Cœur Noir Tête Rouge)</div>
<div style="text-align: right;">
<a href="https://coeurnoirteterouge.wordpress.com/2013/05/18/reponse-a-marcela-iacub/">Réponse à Marcela Iacub</a> (Cœur Noir Tête Rouge) </div>
<div style="text-align: right;">
<a href="http://le-salaire-de-la-peur.blogspot.fr/2013/02/que-dire-quecrire-je-suis-un.html">Que dire, qu'écrire ?</a> (Le Salaire de la Peur)</div>
<div style="text-align: right;">
<a href="http://le-salaire-de-la-peur.blogspot.fr/2013/05/dommage.html">Dommage</a> (Le Salaire de la Peur)</div>
<div style="text-align: right;">
<a href="http://le-salaire-de-la-peur.blogspot.fr/2013/05/quand-il-se-raconte-le-reel-est-une.html">Quand il se raconte, le réel est une fiction comme les autres</a> (Le Salaire de la Peur)<br />
<a href="http://soupe-a-l-herbe.blogspot.fr/2013/05/hier-jai-lu-une-merde.html">Cracher sur nos tombes</a> (La Soupe à l'Herbe) </div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-52963468568419801952013-05-06T07:11:00.001-07:002016-10-26T05:40:33.441-07:00Un siècle d'enfants qui veut tirer sur un siècle d'adultes…François Dufrêne • <i>Cris croisés pour un homme sans âge</i><br />
Paru en 1952 dans le journal lettriste <i>Le soulèvement de la jeunesse</i> (n° 2)<i><br /></i><br />
Poème avec fragments empruntés à Michaux, Prévert, Tzara, Cocteau.<br />
<br />
<br />
<br />
Un siècle d'enfants qui veut tirer sur un siècle d'adultes<br />
A hue ni a dia. Les cruels élèves<br />
Un siècle d'enfants qui tirent la langue [...]<br />
Un siècle d'enfants qui ont tout<br />
Sauf ce qu'on leur enlève<br />
Menés par le chantage de l'affection et du sacrifice<br />
Dans le brouillard des vieux vieillards<br />
Un siècle d'enfants des corridors<br />
Un siècle d'enfants des courants dair<br />
Un siècle d'enfants que le monde a foutu dehors<br />
Un siècle d'enfants jetant le plomb des nostalgies<br />
Parmi les jeux volés aux cruautés des étalages<br />
Un siècle en proie à ce fabuleux désespoir<br />
Qu'il est coutume d'appeler « chagrins d'enfants »<br />
Un siècle d'enfants qui veulent CRIER HURLER PORTER PLAINTE<br />
Un siècle où l'enfant n'en fait qu'à sa tête<br />
Un siècle d'enfants qui se demande<br />
(La vie des enfants répond)<br />
Ce qu'il a fait au Bon Dieu pour avoir des enfants pareils<br />
Un siècle d'enfants de déchirants souvenirs<br />
De l'enfance brûlée<br />
Vice par le désir Oh<br />
Comme elle est triste l'enfance [...]<br />
JEUNESSE DES PAS DANS LA CENDRE<br />
Jeune est la nuit si l'on peut dire<br />
l’Étoile en esclavage se penche vers l'oubli<br />
Pour un rien voilà détresse de nos sous et nos enfants<br />
l’Étoile en esclavage se penche vers l'oubli<br />
Jeune est la nuit si l'on peut DIRE [...] Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-48803782389122241012013-04-09T05:16:00.001-07:002018-10-20T12:14:32.978-07:00Chers bigots, chers fachos<div style="text-align: justify;">
J'ai mis bien trop longtemps à faire ce billet. Je l'avais rédigé après la première "Manif pour tous" du 13 janvier (les liens risquent de paraître un peu vieux, mais les textes sont toujours aussi géniaux) mais il était resté dans mes brouillons. Je le trouvais trop fouillis, trop maladroit, pas assez travaillé, trop explicatif. Entre-temps, j'ai lu et pris conscience de plus de choses, et j'ai décidé que je m'en fichais pas mal. Alors voilà, chers bigots, chers fachos, j'ai un truc à vous dire. <br />
<br />
Je ne sais pas par où commencer tant vous m'êtes abjects et tant vos continuelles prises de positions pour le recul des libertés et de l'égalité me dégoûtent. Mais allons-y.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Cet hiver, à l'occasion de manifs contre le projet de loi sur le mariage pour tous, vous avez séché la messe/le brunch du dimanche à plusieurs reprises et êtes allés vous les geler à Paris. Mais bon, c'est pas grave. Il y avait tellement de chaleur humaine dans ces cortèges. Il eût été dommage de rater ces rendez-vous. Surtout quand des valeurs aussi porteuses de liberté que la famille et la religion sont bafouées.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Vous avez clamé partout qu'il ne fallait surtout pas vous assimiler à
des homophobes. Bien sûr, si vous êtes allés manifester, ce n'est pas
par peur/haine des homosexuel(le)s. Et même, à vous entendre, <a href="http://cafaitgenre.org/2013/01/24/dans-lamour-des-homosexuels-personne-nest-homophobe/">vous a-do-rez ces gens</a> — c'est pour ça que vous les insultez à longueur de temps, c'est affectueux. Vous avez même un(e) ami(e)/un(e) collègue/un beau-fils de l'ami d'un collègue homosexuel(le). « Ce sont des gens
toutàfaitnormaux, je vous assure. »</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
En effet, à vos yeux, une personne digne
d'égards est une personne "normale". Il faudra qu'on m'explique un jour qui est anormal. Un catho hétéro blanc qui utilise les gosses comme
martyrs de l'homosexualité pour valider ses arguments ? Ou qui les envoie en première ligne se faire gazer par les CRS ? Ah bon, ça marche,
pas. Alors euh… un pauvre ? Un Noir ? Un artiste ? Un fou ? Un
contestataire ? Une femme trop indépendante ? Ok, pigé. Ce sont des
gens pascommenous, et les homosexuels en font partie, bien évidemment. </div>
<div style="text-align: justify;">
Il
faut avoir une couleur de peau normale, une orientation sexuelle
normale, un boulot et un revenu normaux, une vision des choses normale,
des revendications normales (comme par exemple refuser de laisser des
gens mener la vie qu'ils veulent parce qu'ils sont différents).</div>
<div style="text-align: justify;">
Et si t'as pas la chance de faire partie des normaux, ben on va faire en sorte que tu sois considéré(e) comme une sous-merde.</div>
<div style="text-align: justify;">
Parce que quand même. Faut "respecter votre sensibilité". Vous, vous pouvez leur cracher dessus à loisir, mais eux, il faut qu'ils vous respectent.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
C'est vrai, quoi. L'homosexualité, c'est choquant. On n'a pas idée d'être en couple avec qui on veut, y compris quelqu'un du même sexe. C'est <i>pas naturel</i>. Je signale au cas où que votre bagnole, votre frigidaire ou votre ordinateur, ce n'est pas très naturel non plus.</div>
<div style="text-align: justify;">
Mais passons. Ce que vous voulez, c'est que l'Homme ne soit en couple que pour se reproduire. Que les femmes gardent leur éternel rôle de mères douces et attentives, qui doivent être protégées par un homme fort et agressif. Parce que <i>c'est naturel</i>. L'amour, vous n'en avez rien à foutre, si je comprends bien. Et le sexe juste par plaisir, n'en parlons pas, c'est tabou. Oserez-vous affirmez que vous n'avez fait l'amour que pour avoir des mômes ? </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Je vous entends d'ici : "mais le sujet, ce ne sont pas les homosexuels, ce sont les enfants dans les couples homosexuels !"</div>
<div style="text-align: justify;">
Je ne pense pas que ce soient vraiment les enfants d'homosexuels qui vous tracassent. Je ne pense pas que vous en ayez grand chose à foutre, sinon vous ne les utiliseriez pas comme prétextes perpétuels dans vos discours, vous faisant leurs prétendus porte-paroles alors que vous ne leur avez jamais demandé leur avis (oui, parce que contrairement à ce que vous semblez croire, il existe déjà des tas d'enfants élevés par des parents homosexuels en France). Je pense plutôt que le problème est votre haine de tout ce qui ne colle pas à vos vies étriquées et à vos réflexes patriarcaux et autoritaires. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Mais soit. Admettons que le problème soit les enfants.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Je vous recommande d'abord <a href="http://www.liberation.fr/societe/2013/01/14/qui-defend-l-enfant-queer_873947">cet article excellent</a> de Beatriz Preciado.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Vous avez un argument imparable : l'homosexualité, ça se transmet. (<strike>Donc cette modification du code civil va encourager l'homosexualité, qui va s'étendre à toute la planète, et l'humanité sera perdue, ce sera une vengeance divine parce que l'homosexualité c'est le Mal</strike>). Comme l'hétérosexualité, c'est ça ? Ah ben non, en fait.</div>
<div style="text-align: justify;">
Jamais vous ne remettrez en question l'hétérosexualité. Ça coule de source. Nous vivons dans un monde qui <i>impose</i> cette orientation sexuelle, et vous encouragez bien évidemment cet état de fait. Vous allez tout faire pour que vos enfants ne deviennent pas homos. Les blagues homophobes ne vous choqueront jamais. Vous utilisez vos mômes pour aller gueuler des slogans moisis dans l'espoir d'attendrir l'opinion. Mais curieusement, on ne parle que de l'embrigadement des enfants de couples homosexuels.</div>
<div style="text-align: justify;">
Vous affirmez qu'un enfant dans un
couple homo serait forcément malheureux, parce qu'il n'aurait pas de
"repères". Vous sous-entendez ainsi qu'un enfant d'un couple homosexuel sera forcément empêché par ses parents de connaître l'autre sexe. Qu'il ne sortira pas. Parce qu'avec des parents "anormaux", hein, on ne sait jamais... Vous voyez l'homosexualité comme une déviance par rapport à une norme "naturelle", l'hétérosexualité, et tout ce qui sort de cette norme est à bannir.<br />
<br />
Avec la "nature" vient la tradition. La tradition, pour vous, ça va uniquement quand elle émane de blancs catholiques bien français. Quand elle vient d'ailleurs, je ne suis pas sûre que vous la défendiez avec autant de ferveur. Et depuis quand le fait qu'une pratique soit ancienne justifie-t-il qu'on ne la fasse pas évoluer ? Je vous informe qu'il n'y a pas si longtemps, en France (est-ce possible, un pays aussi civilisé…), des femmes qui manifestent et qui sortent toutes seules, ou ouvrent un compte en banque sans l'accord de leur mari, ce n'était pas vraiment raccord avec la tradition.<br />
<br />
"Les gens bien" sont forcément d'accord avec vous, à vous entendre. Bien sûr, une de vos stratégies, c'est de faire croire que le projet de loi n'est soutenu que par une minorité. Que par quelques associations LGBT qui ne représenteraient pas les LGBT (sic). Pas par les gens hétéros, blancs, pas par les "normaux".<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
Vous vous appuyez, pour justifier vos raisonnements, sur la certitude qu'un homme et une femme sont fondamentalement différents l'un de l'autre. Que dans la société tout va bien, qu'en pratique tout le monde s'aime et que les femmes ont les mêmes droits que les hommes. Ou bien, au contraire, vous êtes conscients des inégalités sociales entre hommes et femmes mais vous les soutenez (<i>c'est naturel</i>). Je ne sais pas ce qui est le pire.</div>
<div style="text-align: justify;">
Vous voulez que je vous dise ? Je suis lasse de vos conneries. Lâchement, je m'en remets aux gens beaucoup plus informés, expérimentés et compétents que moi sur le sujet pour vous dire que c'est faux. La complémentarité des sexes n'est qu'une fiction destinée à perpétuer les privilèges des hommes sur les femmes, des hétérosexuels sur les homosexuels/bisexuels, et, en fin de compte, opprimer tout le monde.<br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Mais je sais parfaitement qu'on aura beau vous faire lire les meilleurs articles sur le sujet, vous n'en démordrez pas.</div>
<div style="text-align: justify;">
Parce que ça vous arrange. Ça vous arrange que chacun reste à sa place. Ça vous arrange de faire croire à cette idée de nature. Ça vous arrange de croire à la complémentarité des sexes, parce que comme ça vous pouvez dire que vous êtes "pour la différence" alors que vous ne rêvez que d'un monde totalitaire. Ça vous arrange parce que vous avez peur.<br />
<br />
Ne me faites pas croire que vous aimeriez que le gouvernement ait d'autres priorités (le chômage, l'éducation, que sais-je encore). Je suppose que vous avez compté parmi les partisans des expressions "assistés" et "cancer de la société" pour désigner les bénéficiaires d'aides sociales, à l'époque de Laurent Wauquiez (présent à la manif). Que vous ne vous êtes pas opposés au fait que des écoles privées catholiques aient distribué des tracts appelant les lycéens à aller cracher avec vous contre les homos.<br />
Vous perpétuez tout un système. Vous refusez tout ce qui est différent. Vous voulez cantonner chaque être humain à un type et un rôle précis. Vous voulez que tout soit pareil pour, surtout, ne pas perdre vos repères — et vos privilèges.</div>
<div style="text-align: justify;">
Vous voulez que rien ne change, vous êtes contents de la société telle qu'elle est (quoique, vous la trouvez peut-être un peu trop tolérante à votre goût). Mais qui êtes vous pour, au nom de tous vos préceptes débiles, refuser à des gens le droit de vivre comme ils l'entendent ? Pour déterminer quel amour est sale et quel amour est légitime ? <br />
<br />
Aujourd'hui, et depuis janvier, vous avez bien préparé le terrain.<br />
Fachos, vous ne vous sentez plus. C'est super, les premiers vous ont déroulé le tapis rouge et vous n'avez plus qu'à aller casser du pédé sous le nom de « <a href="http://www.liberation.fr/societe/2013/04/08/les-opposants-au-mariage-gay-multiplient-les-actions-radicales_894597?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter">Printemps Français</a> » (la récupération, même la plus odieuse, ça ne vous fait jamais peur.)<br />
Et vous serez soutenus par des gens qui vont dire que ce que vous faites, ce n'est pas homophobe (la violence contre les homos, <a href="https://twitter.com/Mar_Lard/status/321595543136641024">cette invention du lobby gay</a>), et qui vont aller expliquer aux premiers concernés comment il faut qu'ils prennent vos agressions. Dans les journaux, vos actions sont dites "radicales", alors qu'elles sont purement et simplement des déchainements de haine fasciste. Souvent, on ne met pas de mots sur vos gestes. Pas assez. Pas les bons. De cette façon, vous êtes couverts par les gens qui regardent sans voir, qui écoutent sans entendre, et sans rien dire. Et en plus, vous osez critiquer les homosexuel-les qui ont le malheur d'en avoir ras-le-bol et de ne pas se taire. Vous me faites enrager — mais vous ne mériteriez que le mépris.<br />
<br />
Bigots, je suis vraiment navrée (ou pas), mais vous êtes finis. Vous êtes ridicules. Il est temps de le comprendre. Vos idées sont vieilles, dépassées, moisies. Vous êtes de ceux qui s'élèvent contre chaque avancée sociale et chaque progrès de la technique. Si vous étiez nés plus tôt, cela aurait été la pilule, le vaccin, la laïcité, l'abolition de la monarchie, l'apparition de la charrue, peut-être. Vous vous raccrochez aux débris du monde que vous connaissiez et dont un morceau (un infime morceau) est en train de craquer. Vous voulez des sociétés où tout le monde pense pareil et où tout le monde vit pareil, chacun opprimant bien gentiment les autres, mais laissez-moi vous dire que c'est de la pure fiction. Ça ne se réalisera pas. C'est en train de changer. Ça ne peut plus durer. Ceux qui veulent vivre comme ils l'entendent prendront soin d'empêcher la réalisation de vos idéaux morbides.</div>
<blockquote class="twitter-tweet" lang="fr">
Laissez exister les enfants pédés, les garçons tordues, les garçons folles, garçons fées, dérangés, agenrés, BAS LES PATTES les Mangemorts !!<br />
— Marguerin (@MarguerinLDN) <a data-datetime="2013-01-15T14:04:55+00:00" href="https://twitter.com/MarguerinLDN/status/291184191532584961">Janvier 15, 2013</a></blockquote>
<div style="text-align: justify;">
<blockquote class="twitter-tweet" lang="fr">
@<a href="https://twitter.com/marguerinldn">marguerinldn</a> Pis les filles ratées, garçons manqués, tomboy, bagarreuses emmerdeuses
— Clarisse Clirstrim (@Clirstrim) <a data-datetime="2013-01-15T14:09:24+00:00" href="https://twitter.com/Clirstrim/status/291185316960796672">Janvier 15, 2013</a></blockquote>
Cordialement, je vous emmerde.<br />
<br />
Quelques liens supplémentaires ; des articles indispensables :<br />
<a href="http://mapping.ldn.the.body.over-blog.com/article-manifeste-des-enfants-pedes-premier-jet-106971585.html">Manifeste des Enfants Pédés</a> (Le Chantier)<br />
<a href="http://jamesetleshologrammes.fr/?author=1">"Je vous hais"</a> (James et les Hologrammes) <br />
<a href="http://cestlagene.com/2013/01/16/au-nom-de-tous-les-miens/">Au nom de tous les miens </a>(C'est la Gêne) <br />
<a href="http://yagg.com/2013/01/16/mariage-pour-tous-les-enfants-premieres-victimes-de-lhomophobie-des-debats/">Mariage pour tous : les enfants, premières victimes de l'homophobie des débats</a> (Yagg)</div>
</div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-26314958538419717172013-01-05T06:21:00.000-08:002016-10-26T05:35:54.082-07:00Saines et sauves<div style="text-align: justify;">
Pendant cette longue absence, je n'en ai pas moins gueulé sur Twitter, sur divers sujets — les connards homophobes, les crétins machistes qui s'assument pas (et même ceux qui s'assument), la surveillance, les élitistes, les bigots, les flics, la répression, les pollueurs, les capitalistes. Et ce sera pareil cette année. Je n'ai toutefois pas trouvé matière à écrire un vrai post, surtout parce que ça m'aurait donné l'impression d'enfoncer des portes ouvertes.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Mais je voulais revenir sur une histoire dont les grands médias nous ont rebattu les oreilles avec une médiocrité affligeante, à savoir la "fugue" de Camille et Geneviève, les deux lycéennes qui ont osé s'échapper de leur lycée pour aller rejoindre la Zone A Défendre de NDDL.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ils disent que c'est une fugue. Que c'est pas bien, que ce sont des jeunes en pertes de repères, que leurs parents faut les comprendre. Et surtout, surtout, ils insistent bien sur leur âge. Des "jeunes filles", des "adolescentes" voire des "ados" (ce diminutif qui décrédibilise encore plus les paroles et les actes de quelqu'un). Bref, des gens irresponsables. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Putain de merde. Le nombre de fois où j'ai eu envie d'exploser la radio/l'ordinateur.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Ces filles se sont débrouillées toutes seules. Autonomes. Elles ont eu le courage de partir pour aller donner un coup de main, se sentir utiles, lutter. Elles ont eu le courage d'accomplir ce que je n'ai pas su faire : partir vraiment, aller lutter concrètement, joindre leurs gestes à la parole, prendre leurs idées en main, <i>faire</i>.</div>
<div style="text-align: justify;">
Et leurs parents, au lieu de se poser des questions sur la force de ce geste, de les féliciter pour leur investissement politique, vont les chercher de force, alors que Camille les avaient invités à venir voir comment ça se passait. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
C'est pourtant ce qu'on prône, nan, en méritocratie ? Les self-made (wo)men, tout ça… Des gens qui se <i>prennent en main</i> (dixit mes profs). </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Aaaah oui. Mais il y a un petit problème. Plusieurs, en fait.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
D'abord, elles vont quand même voir des gens ultra-dangereux.</div>
<div style="text-align: justify;">
Des <i>anarcho-autonomistes</i>. Des <i>délinquants</i>. Des opposants au gouvernement qui utilisent des méthodes de protestation très très louches, comme les débats, les concerts, le plantage de choux-fleurs, l'écriture de tracts (activité qui rappelle la période souvent évoquée avec un ton paternaliste et condescendant, genre c'était-pas-sérieux-et-ça-a-pas-marché, mai 68).<br />
</div>
<div style="text-align: justify;">
C'est tellement suspect que l'autre soir, au JT de France 2, la journaliste disait que Camille n'avait "subi aucune agression". Avec deux sous-entendus : "c'est bizarre" et "si elle avait eu quelque chose, ça aurait forcément été la faute des anarchistes". </div>
<div style="text-align: justify;">
Mais dites-moi, c'est qu'on avait peur hin. C'est sûr que depuis deux mois, c'est vraiment les Zadistes qui font le plus preuve de violence. J'aurais eu plus peur qu'elle se fasse taper par des flics, personnellement.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ensuite, ce sont des gens qui n'ont pas eu envie de suivre des voies toutes faites. Ça, ça ne plaît pas, ni aux parents, ni à l'opinion, ni aux flics, ni aux journalistes de France 2, ni aux ministres. Ces ingrates qui osent défier le système qui les nourrit !<br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Et puis, et puis, leur âge. </div>
<div style="text-align: justify;">
La place des mineurs, c'est à la maison chez papa-maman. Sûrement pas en train de prendre des initiatives. </div>
<div style="text-align: justify;">
Les mineurs ne doivent pas trop réfléchir.</div>
<div style="text-align: justify;">
Ou plutôt si. Ils doivent réfléchir à se trouver une "bonne place" dans la société. Et pour ça, ils doivent ingurgiter ce qu'on leur sert à l'école. Que la démocratie c'est le bien, que le capitalisme ça va forcément avec et que c'est tout ce qui existe pour éviter les dictatures. Et par-dessus tout, que l'enfant ou l'adolescent a une place bien définie (celui pour qui on décide), tandis que l'adulte a le rôle du décideur. </div>
<div style="text-align: justify;">
Et que ces rôles ne changeront jamais.</div>
<div style="text-align: justify;">
Alors autant l'accepter.</div>
<div style="text-align: justify;">
Autant se résigner.</div>
<div style="text-align: justify;">
Les mineurs doivent réfléchir selon des normes imposées "pour leur bien". </div>
<div style="text-align: justify;">
Les mineurs doivent être<i> continuellement</i> protégés, et ce sont les gentils adultes qui vont le faire.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Que… quoi ? Qu'entends-je ? L'autogestion ? Mais vous n'y pensez pas ! Des enfants ? Se protéger eux-mêmes ? Ils en sont incapables, voyons. Ils sont faibles. Ils sont inexpérimentés. Et l'expérience, bien sûr, ne s'acquiert qu'à l'école dans les bras des adultes. Pas sur les routes ou en construisant des cabanes en rondins.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ceux qui contestent cette vision des choses doivent en
permanence se justifier de leurs idées : la
domination des adultes sur les enfants n'est pas admise et remise en question par grand monde. Elle semble couler de source.</div>
<div style="text-align: justify;">
Non, je ne dis pas qu'il ne doit jamais y avoir d'adultes pour donner quelques repères aux enfants. </div>
<div style="text-align: justify;">
Non, je ne pense pas qu'un enfant de cinq ans doit pouvoir faire ce qu'il veut.</div>
<div style="text-align: justify;">
Non,
je ne suis pas contre la notion de respect, au contraire. Je veux juste
que ce respect soit exactement le même de l'adulte pour l'enfant que de
l'enfant pour l'adulte. Sans que plus personne ne dise "mais enfin, c'est <i>évident</i>, on ne doit pas le même respect à quelqu'un de 10 ans qu'à quelqu'un de 40".</div>
<div style="text-align: justify;">
Oui, je connais des gens de tous âges qui défendent ces idées. </div>
<div style="text-align: justify;">
Non, ce n'est pas lié à une rébellion passagère contre mes parents. C'est politique. Ça s'inscrit dans un refus du monde tel qu'il est, dans un refus de toutes les oppressions et de toutes les inégalités.</div>
(Et
suivent les habituelles approximations sur l'autogestion) : Non, je n'ai
jamais dit qu'il ne devait pas y avoir de règles, anarchie ≠ anomie.
Non, ça ne conduit pas au chaos. Oui, ça a déjà été expérimenté et ça a
très bien marché, ça existe toujours aujourd'hui.<br />
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
A l'école, on nous dit qu'on doit être « responsables ». </div>
<div style="text-align: justify;">
Responsable,
pour eux, ça veut dire rentrer dans le rang. Faire plaisir aux profs.
Être sage, ne rien déranger. Ne pas faire partie des statistiques de la
délinquance juvénile, "problème fondamental de nos sociétés actuelles".
Se "prendre en main", mais selon leurs règles.</div>
<div style="text-align: justify;">
Si
tu ne corresponds pas à ce schéma (et même pas besoin de caillasser des
voitures, hein, suffit d'avoir des idées un peu bizarres), tu es
décrété inexpérimenté, immature, idéaliste. Bref, la définition habituel
du "jeune" par les adultes.<br />
On doit tous s'excuser d'être libres, mais encore plus quand on est jeune, femme, pas très hétéro et pas très blanc. <br />
Le fugueur ou la fugueuse est toujours supposé instable, victime de problèmes familiaux, etc. Toujours sans but. </div>
<div style="text-align: justify;">
Nous sommes trop jeunes pour comprendre, trop jeunes pour penser par nous-mêmes. On nous rabâche ça tous les jours, mais la justice des adultes peut quand même nous foutre en prison quand ça les arrange. Toujours ça de potentiel contestataire en
moins.<br />
<br />
Ce qui est drôle, c'est de voir les
journalistes qui aimeraient bien pouvoir dire que les deux filles ont
été maltraitées, mais qui sont bien obligés de rapporter leurs réactions
: elles étaient en sécurité, elles se sentaient en accord avec
elles-mêmes, et utiles à une lutte.<br />
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Je me suis surprise à apprécier les <a href="http://juralib.noblogs.org/2013/01/01/lachez-tout-cest-bien-foutu-la-societe/">déclarations</a>
du proc. Il les prend au sérieux, lui ; beaucoup ont considéré cet acte
comme quelque chose d'irréfléchi. Des mineures qui s'engagent,
réellement, dans un vrai combat politique, pas juste pour "jouer les
rebelles", ça n'existe pas dans l'idée qu'ils se font de la jeunesse. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Il suffit de voir les premiers paragraphes, lamentables, précédant cette interview de Geneviève dans <a href="http://www.leparisien.fr/faits-divers/geneveve-l-ado-fugueuse-je-vais-bien-et-je-suis-heureuse-01-01-2013-2447347.php">Le Parisien</a>. </div>
<div style="text-align: justify;">
<i>"Le manteau de cuir clouté, les rangers de bûcheron et le pantalon
camouflage n’y font rien. Derrière son look un peu rude, Geneviève cache
mal sa petite bouille d’adolescente."</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>"</i><i>Les deux ados, qui se revendiquent anarchistes, voulaient goûter à la vie en communauté sur fond de contestation écolo."</i></div>
On
a droit aux classiques. "Elle essaye de faire rebelle mais en fait
c'est un cœur tendre"… "Elle se revendique anarchiste" = "elle ne sait
pas vraiment ce que c'est, elle est trop petite pour ça, elle ne se rend
pas compte, elle ne l'est pas vraiment, c'est juste une attitude".<i> </i>Je passerai sur le sous-entendu condescendant sur le combat même de tous les zadistes.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://juralib.noblogs.org/2013/01/01/lachez-tout-cest-bien-foutu-la-societe/">Cet excellent article d'un zadiste</a> (Lisez la suite, j'ai envie de le citer en entier. Faut juste ignorer les fautes d'accord dues à une louable volonté de parité du langage...) dit :</div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Si les réactions journalistiques sont si violentes, si les commentaires
sur les blogs ou sites ”d’infos” sont si durs, c’est parce que Geneviève
et Camille ont osé remettre en cause la famille et leur dépendance à
l’autorité parentale, illes ont osé proclamer qu’illes étaient en
droit de choisir ce qu’illes voulaient faire de leur vie, librement. </i>
[...]<i> Les familles s’inquiètent nous
dit-on, heureusement qu’illes s’inquiètent, illes ont décidés que c’est
d’eulles que devait venir l’éducation apportée aux plus jeunes et illes
n’ont jamais pensé à leur apprendre à vivre libre, illes n’ont jamais
pensé à leur expliquer ce que pourrait être le quotidien sans
eulles, illes s’inquiètent parce que ces deux jeunes ne sauraient pas
(selon eulles) se débrouiller, se protéger, … Illes s’inquiètent
parce qu’illes ont pris soin de ne pas leur apprendre tout ça. </i>[...]</div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Illes s’inquiètent surtout, parce que les unes et les autres se rendent
compte qu’en fait, les jeunes n’ont pas besoin d’eulles, que les
parent-es ne sont utiles aux jeunes que tant qu’illes n’ont pas la
possibilité de se nourrir par eulles-mêmes (et encore ce pourrait être
aussi un besoin assumé par la société, comme cela c’est apparemment
passé pour Camille et Geneviève, nourri-es par le partage de dons de
tous horizons).</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
L'âge adulte n'est pas beaucoup mieux, mais au moins, tes pairs te considèrent comme un interlocuteur légitime.<br />
Jamais on ne prend au sérieux le désir de révolte des enfants. Suffit de taper "children rebellion" dans son moteur de recherche : des images de petits garçons qui boudent, des solutions pour endiguer la "rébellion" de vos enfants qui ne veulent pas manger leurs épinards. Des analyses de psychologues disant que "ça les aide à se construire", aka "ça va passer, c'est normal, circulez, rien à voir". C'est ça, la révolte des enfants, pour beaucoup d'adultes. <br />
<br />
Il est très difficile de trouver des informations sur les mouvements de mineurs des années 70 en France. Il y en a un peu plus sur les grèves d'enfants de 1911 en Angleterre, parce que leurs revendications paraissent aujourd'hui <a href="http://1913committee.ie/blog/?p=370">raisonnables</a> : baisse du prix des livres scolaires, suppression des châtiments corporels. Ça ne vient pas d'une volonté de taire ces évènements. C'est juste que tout le monde s'en fout.<br />
<br />
Les quelques discours positifs sur la jeunesse aujourd'hui servent juste à encourager leur engagement dans La Vie Politique pour dire "aaaah, les jeunes, l'aveniiiiir". Genre "ouf, heureusement que vous êtes là pour réparer les conneries des générations précédentes". Quand on s'intéresse à nous sans nous dénigrer complètement, c'est pour nous mettre sur le dos un engagement forcé. De manière raisonnable et "adulte", nous allons devoir « améliorer le système ». Pas nous révolter contre notre condition et contre le monde qui va avec. Jamais.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
On demande aux élèves de respecter leurs profs sous prétexte d'une "reconnaissance de l'expérience et du savoir". Et alors ? On doit féliciter chaque prof de tout ce qu'il/elle sait en disant « merci maître » ?</div>
<div style="text-align: justify;">
Ça ne veut pas dire qu'on ne peut/veut rien apprendre d'eux (sinon je n'irais pas en cours de violon). Ça ne veut pas dire qu'on n'estime pas le travail qu'ils ont fait pour en arriver là. Ça veut juste dire que ce n'est pas ce qui doit déterminer les relations prof-élèves.</div>
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J'ai tellement envie que les gosses, ensemble, reprennent en main leur vie, leurs libertés, soient conscient de l'aliénation et aillent contre elle. Et même que les majeurs se joignent à eux. </div>
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L'aliénation des enfants fait partie d'un système, comme toutes les formes d'oppression. Elle témoigne d'un fonctionnement plus global. On ne sera pas assez de milliers de mômes pour la détruire. Il ne s'agit pas d'une guerre contre "les adultes", mais contre le monde qui leur permet d'être "les adultes", d'avoir le pouvoir qu'ils ont, et surtout de ne pas voir eux-même l'oppression qu'ils exercent sur les mineurs.</div>
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Bérurier Noir - L'empereur Tomato-Ketchup<br />
(Je sais, classique, mais ça fait du bien).</div>
<object classid="clsid:D27CDB6E-AE6D-11cf-96B8-444553540000" height="40" id="gsSong2962458254" name="gsSong2962458254" width="250"><param name="movie" value="http://grooveshark.com/songWidget.swf" /><param name="wmode" value="window" /><param name="allowScriptAccess" value="always" /><param name="flashvars" value="hostname=grooveshark.com&songID=29624582&style=metal&p=0" /><object type="application/x-shockwave-flash" data="http://grooveshark.com/songWidget.swf" width="250" height="40"><param name="wmode" value="window" /><param name="allowScriptAccess" value="always" /><param name="flashvars" value="hostname=grooveshark.com&songID=29624582&style=metal&p=0" /><span><a href="http://grooveshark.com/search/song?q=B%C3%A9rurier%20Noir%20L'Empereur%20Tomato%20Ketchup" title="L'Empereur Tomato Ketchup by Bérurier Noir on Grooveshark">L'Empereur Tomato Ketchup by Bérurier Noir on Grooveshark</a></span></object></object>Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com34tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-35398701788605670702012-10-25T06:11:00.001-07:002012-10-25T06:11:11.114-07:00Des fourmis contre les avions<div style="text-align: justify;">
<i>Vous n'êtes rien pour vous opposer à nous</i>, tente de faire comprendre Ayrault, Premier Ministre de gôche comme chacun sait très concerné par les questions d'écologie, aux occupant-e-s de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Et pour ça, il utilise la méthode classique de rétablissement de l'ordre : les flics, qui, depuis déjà plus d'une semaine, sont sur le terrain afin d'expulser ces dangereux-ses anarchistes/altermondialistes/punks/autonomes/écologistes/vandales (liste non exhaustive), qui osent créer et vivre sans l’État. Il faut « sécuriser la zone » (un genre de campagne de dératisation, si vous préférez).</div>
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Et en cours de géographie, j'apprends que les citoyens ont le droit de participer aux décisions d'aménagement du territoire. « Mais toutes les protestations ne sont pas légitimes, nous fait écrire ma prof, par exemple celles qui s'opposent à l'intérêt général<i> ».</i> Sous-entendu, un projet de gare ou d'aéroport va rendre la région plus <i>compétitive</i>, donc les écolos, vous faites chier.</div>
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Vinci, <a href="https://www.facebook.com/VINCI.Group/posts/448799565166260?ref=notif&notif_t=feed_comment">sur Facebook</a>, se présente presque comme philanthrope. Rappelle, face aux reproches qui lui sont faites, que c'est pas lui qu'à commencé, c'est l’État français, et pis d'abord on essaie de respecter un max la planète, et puis toutes les procédures judiciaires sont respectueuses des droits des gens. </div>
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Comme si c'était pas eux qui allaient se faire du fric avec ce putain d'aéroport. Comme s'ils n'étaient pas contents que l’État signe un contrat avec eux. Comme s'ils s'étaient un jour préoccupés de la biodiversité, des écosystèmes qui sont morts sous leurs tonnes de béton, de tous les oiseaux qu'ils ont asphyxié, de tous les hectares de terre qu'ils ont pollué pour leur profits — et la "compétitivité" des territoires. </div>
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Qu'est-ce qu'ils ont prévu, Vinci, pour protéger la nature "en compensation" (comme si on pouvait compenser la perte de dizaines d'écosystèmes) ? De couler des plaques en hommage aux crapauds disparus ? Quant à l'expulsion gentille, <a href="http://zad.nadir.org/spip.php?article374">laissez-moi rire</a>. Des flics, des pelleteuses, des blessés graves parmi les habitants ? Gentille, on a dit.</div>
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Les capitalistes et l’État, une fois de plus, montrent qu'ils ne savent que détruire. Détruit, le Sabot, le jardin qui nourrissait les habitants de la Zone A Défendre avec des légumes pas pollués. Détruites, les maisons où vivaient des familles entières. Ils détruisent tout ce qui vit en-dehors d'eux, anéantissent le bocage, tentent de saper le moral des humain-e-s qui y vivent, abattent des arbres, saccagent tout ce qui ressemble à du vivant, décrédibilisent les initiatives autogestionnaires, rasent tout ce que ces gens avaient construit. Leur cerveau est devenu une machine à engendrer des bénéfices.</div>
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Ils veulent de l'écologie qui ne dérange pas. Ils veulent de l'écologie électorale. Les réactions d'Eva Joly ne les gênent pas — ce n'est pas le but. Ils veulent pouvoir assassiner en paix et ne supportent pas qu'on leur fasse remarquer que leur projet est d'une connerie abyssale.</div>
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Ils ne sont que violence et font croire que la violence vient de l'autre côté.</div>
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500 000 € et 1200 robocops pour faire partir les hordes de rebelles qui menacent l'appareil étatique par le simple fait de vivre en autonomie.</div>
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Les médias en général ne disent rien et font croire que le sujet n'intéresse personne. Et quand un flic s'écorchera le doigt sur la dernière brindille qu'ils auront laissé, ils diront Ah, vous voyez, ces méchants marginaux qui jettent des pommes pourries sur les gentils policiers et qui mettent des brindilles exprès pour les tuer.</div>
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Parfois, ils vont reprendre les <a href="http://www.romandie.com/news/n/_Aeroport_de_Notre_Dame_des_Landes_nouvelles_evacuations_3_interpellations58181020121232.asp?">dépêches caricaturales</a> de Romandie — et parler des mêmes jeunesanarchistessquatteursviolents que d'habitude (<a href="http://www.rue89.com/comment/3305490">qu'on ne me dise pas</a> que j'exagère). Ils invitent dans leurs tribunes des gens qui disent que l'aéroport est nécessaire, va créer des emplois, va <i>dynamiser </i>la région, ou encore que l'agroécologie c'est bon pour les utopistes, et autres conneries au kilomètre.</div>
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Les militant-e-s tiennent. Malgré les expulsions, les destructions et les
murages de maisons, les matraques, les lacrymos, les pelleteuses. Illes reconstruisent, illes rouvrent, illes débattent, illes écrivent, illes manifestent, bref, illes continuent de vivre. Je les admire, vous ne pouvez pas savoir à quel point. Le ton de <a href="https://zad.nadir.org/?lang=fr">leur site d'information</a> est beaucoup moins désespéré que moi. Illes ont raison. Baisser les bras équivaudrait à mourir pour de bon. </div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-1961768817467896254.post-17130310546804017552012-10-07T04:51:00.001-07:002013-05-24T09:39:22.363-07:00[Mauvaise humeur] Recensements<div style="text-align: justify;">
Deux moi d'absence, je sais, c'est pas sérieux. Le microblogging, c'est pratique, quand même, quand on n'a pas assez de choses à dire pour écrire un billet...</div>
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Je n'ai <i>toujours pas</i> assez de matière pour écrire un billet consistant sur quelque sujet que ce soit, d'ailleurs. Et puis je dois bosser, aussi. Pasque vous savez, le bâââc...</div>
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Mais je voulais quand même vous faire part d'une information drôlatique. </div>
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Maintenant que je suis vieille, je dois me faire recenser.</div>
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Sinon, voici les horreurs qui m'arriveront, selon <a href="http://vosdroits.service-public.fr/F870.xhtml">le site du service public</a>.</div>
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<i>En cas d'absence de recensement dans les délais, vous êtes en irrégularité. </i>(Mandieu).</div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Vous serez sanctionné par le fait :</i></div>
<ul class="list1" style="text-align: justify;">
<li>
<i>de ne pas pouvoir participer à la journée défense et citoyenneté,</i><br />
</li>
<li>
<i>de ne pas être inscrit sur les listes électorales à 18 ans,</i><br />
</li>
<li>
<i>de ne pouvoir passer aucun concours ou examen d'État (baccalauréat ou permis de conduire par exemple) avant l'âge de 25 ans.</i></li>
</ul>
<div style="text-align: justify;">
Vous m'excuserez d'avoir eu un fou rire.</div>
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<br /></div>
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C'est vrai que si je n'attends qu'une chose, c'est bien la Journée Défense et Citoyenneté. Non mais rien que le nom... J'ai cru que le prof d'éducation civique (encore un titre marrant) n'était pas sérieux, il y a 2 ans, quand il nous a parlé de ça. C'est le jour où tu perds huit heures de ta vie à remplir des papiers, des questionnaires débiles, à passer un <i>test de français </i>et à regarder des vidéos dans lequel on t'explique ton rôle de citoyen qui doit défendre sa patrie et ne pas critiquer l’État, qui te donne gentiment le droit de vivre. Ça y est, tu es citoyen, réjouis-toi, tu vas enfin pouvoir donner ton avis — mais pas trop quand même. Tu vas découvrir les "débouchés de la défense", parce que c'est bien, d'aller massacrer des gens qui auraient pu être tes amis pour le compte de gens que tu ne connais pas et pour des intérêts dont tu n'as rien à foutre. Et on va te faire croire que la guerre c'est fun, à grand coup de témoignages enthousiastes.</div>
<div style="text-align: justify;">
Et tout ça, ce temps perdu à écouter de la propagande, c'est la condition <i>sine qua non</i> pour passer tes diplômes, c'est-à-dire être reconnu par l'Etat, c'est-à-dire pouvoir vivre décemment (éventuellement). </div>
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<br /></div>
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Monde de merde.</div>
Kimaalihttp://www.blogger.com/profile/01022941345430075223noreply@blogger.com1