2 mai 2016

Brisures

Il faut écrire.
Écrire ce qu'on aurait dû écrire depuis longtemps au fur et à mesure des actes répétés de violence policière contre les jeunes racisé.e.s, clairsemés, invisibles à celles et ceux qui ne le vivent pas, et pourtant permanents, de l'humiliation de routine à la mort, comme une menace constante, toujours excusée. Tout aussi grave, et tout aussi politique, que ce qui aujourd'hui me touche plus directement. Des violences policières qui affectent soudain mon milieu blanc diplômé politisé, qui affectent mes camarades (majoritairement blancs, disons-le). Je n'ai pas su écrire cela avant. Mais il faut un moment. Parler des brisures, celles des tournants dans une situation sociale, celles des mains et des crânes des camarades, celles qui rendent féroce, enflammé.e, encore plus qu'avant, de manière encore plus réelle et urgente qu'avant.

Se heurter

Il faut écrire le 28 avril et la manifestation avec, oui, des personnes qui ont jeté leur rage à la gueule des flics ; un bordel joyeux, parce que ça faisait déjà un mois qu'on était sorti.e.s pour la première fois dans la rue et que le gouvernement pliait pas et que quelques syndicats faisaient semblant de croire que négocier des amendements serait satisfaisant. Parce qu'on en pouvait plus d'être pris.e.s pour des billes. Tout le monde en avait assez, sentiment de frustration renforcé par les slogans monocordes et peu convaincus dans les sonos des syndicats, en contraste avec la rage réelle des manifestant.e.s. Elleux aussi se sont pris les lacrymos, là pour la première fois, l'odeur asphyxiante qui arrive jusqu'à celleux qui avaient tout fait pour l'éviter. Le prétexte d'une centaine de personnes plus "dures" a suffi aux condés pour nasser, charger, terroriser. Austerlitz, déjà, des blessures. Plusieurs salves de gaz. Grenades de désencerclement : assourdissantes, dangereuses, et lancées alors que les CRS étaient tout sauf encerclés. Impossible de partir maintenant, toutes les rues sont barrées par les bleus. On tente avec quelques camarades de se réfugier dans un hall d'immeuble, les gardiens nous somment de sortir.
Pas en conditions pour rejoindre celleux qui ripostaient, je suis partie avec des camarades un peu avant Nation, pour, en rentrant chez moi, apprendre que la place n'était plus qu'un nuage de lacrymos. Pas tout à fait une nouveauté, ça avait déjà eu lieu jusque dans le métro le 31 mars. Tourne aussi l'info qu'un jeune homme à Rennes a perdu son œil.

Le soir, au fur et à mesure que rentraient chez elles les personnes de Twitter qui y avaient été, voir les photos des blessures, postées pour dire, voilà ce qu'ils font. Il y en a beaucoup. Des hématomes, des éraflures, du sang, un impact de flashball en plein dans la poitrine, cercle de cinq centimètres de diamètre, bien au milieu, rouge. République vers minuit. La Nuit Debout chassée. Un chaos encore. Beaucoup de vidéos circulent. On y voit la BAC, en tenue anti-émeute, frapper dans le dos des personnes qui tentaient de partir de la place. Frapper des gen.te.s menotté.e.s. Les traîner au sol. Dire à un type "pourquoi t'as un masque de protection si c'est pacifique" ? Parce qu'on savait, pour les lacrymos. Parce qu'on sait que rien n'arrête les flics, pacifisme ou pas. Parce que toi connard en face, t'as un bouclier, une matraque télescopique, un flashball, des jambières, des gants renforcés. Violence étatique, trop forte, sadique, indescriptible. Hurler intérieurement.

Chocs. Habitué.e.s comme moins aguerri.e.s, tous.te.s choqué.e.s, ou épuisé.e.s. Quelqu'un.e sur Twitter dira : "le plus frappant, c'était qu'on avait l'impression que chaque CRS en voulait personnellement aux manifestant.e.s". Leur hargne. Beaucoup décriront les sourires goguenards des CRS devant celles et ceux qui chialaient à cause des lacrymos, ou leurs remarques mesquines pour se foutre de leur gueule. Mes parents y croient à peine. Ça c'est étonnant disent-ils. Ils sont là pour gérer, n'est-ce pas, protéger ? Ils ont probablement dépassé leurs ordres.
Une vidéo, où l'on entend ces ordres : "violence maximale."

Solidarités 

Il faut écrire le 1er mai. Manifestation familiale, le 1er mai. La fête qui est même devenue la fête du travail plutôt que celle des travailleurs. Super, le travail, on adore. La fête qui comprend un défilé du FN. La fête des merguez, d'Osez le féminisme et de Mélenchon. Alors je n'y suis pas allée, pensant qu'entendre "ou alors ça va péter" avec comme conséquence environ rien (tu sais les manifestations où tu continues à marcher lentement sans même reprendre les cris, dans des rangs clairsemés, et où t'as même pas forcément des personnes avec qui discuter à côté de toi) allait me déprimer plus qu'autre chose. J'ai donc suivi tout ça sur Twitter.

On apprend d'abord, vers 13 h, qu'il y a eu 7 arrestations, dont 4 à Marseille, avant que quoi que ce soit ne commence, chez Solidaires et la CNT. Syndicats gênants... A Rennes, la police a des fusils d'assaut. Tout va bien.
Puis, en milieu d'après-midi, un ou deux métros fermés à Paris, après que les flics aient coupé en deux le cortège en nassant la tête sous les protestations de manifestant.e.s. Les CRS sont un nombre dingue. Gazages, coups, nombreux.ses blessé.e.s, alors que les manifestant.e.s tentent de rester soudé.e.s. Mouvements de panique. Des keufs descendus jusque dans le métro, des personnes âgées et des enfants asphyxié.e.s par les lacrymos. Des blessures graves. Sales évocations de Charonne.

Ce qui semble frapper les personnes présent.e.s, au-delà du caractère hallucinant de la violence déployée par les CRS (plusieurs expérimenté.e.s diront n'avoir jamais vu ça un 1er mai), c'est la solidarité énorme de quasi tous.te.s celleux qui étaient proches de là où ça frappait. Dès le début des violences, clairement provoquées par les CRS pour le coup (ce qu'avouera même un journaliste de BFM TV...), une équipe médicale se met en place. Qui sera nassée un bon moment par les CRS (oui, de dangereux médecins qui aident les casseur.euses, ouh là là). Tous.tes celleux qui en ont donnent du sérum phy à celleux qui en ont besoin. Des vieux.ielle.s partent en gueulant sur les flics. Toute la foule autour des CRS leur crie "rendez-vous, vous êtes cernés", et "tout le monde déteste la police", et "nous sommes tous.tes des casseurs". Sur les vidéos, entendre autant de monde dire ça, ça fait quelque chose. Une foule avec les mains en l'air face aux flics. Et soudain ce tweet : "la foule vient d'applaudir le cortège des anars". Beauté. Euphorie. On dirait que les flics font tellement n'importe quoi que certain.e.s dans les gros syndicats soutiennent les émeutier.e.s. (soyez rassuré.e.s, d'autres restent fidèles à leurs principes). Quand à la fin de la soirée les CRS quittent la place, c'est sous les huées. A Rennes, la passerelle Saint-Germain est repeinte en rouge en hommage à l'étudiant éborgné.

A République, c'est chaud encore cette fois. "Tirs tendus, charge de la BAC". Du gaz et des keufs dans le métro. Encore. Coups. Gaz lacrymo. Un blessé grave. En tant que bon jaunes, la commission "accueil et sérénité" de Nuit Debout ont cherché à s'interposer entre flics et casseurs pour calmer le jeu. Sans surprise, les baqueux ont mis à bas le frêle barrage de ces messieurs-dames. La non-violence ne sert à queudalle face aux flics, épisode 761942. En même temps, il s'agissait plutôt de protéger les flics. Mais de la part de la même commission qui a eu comme réaction à un viol à Nuit Debout il y a quelques jours : "les meufs faites attention à ne pas trop boire", on ne pouvait pas s'attendre à grand chose de mieux.
Sur Twitter il règne une ambiance un peu folle, hagarde, rageuse, on analyse, on se soutient, on gueule, on est joyeux.se.s désespéré.e.s inquiet.e.s en colère optimistes de la suite. Sentiment étrange d'avoir vécu cette journée sans y avoir été. Qu'en relayant chacun.e les tweets des autres c'est comme si on se soutenait, comme si on était là les un.e.s pour les autres.


Edit:
Ce 14 juin, du monde, tellement de monde, encore cette joie. Mitigée toujours par le nombre d'arrestations et de blessés, un enfer selon celleux qui étaient dedans.
Une vitre d'hôpital pétée. "C'est naze" est ma première réaction, et puis je comprends que les cognes ont étranglé la manif juste à cet endroit, avec canon à eau, tonfa, grenades de désencerclement (tu sais celles qui explosent en projetant des machins en caoutchouc bien durs partout et qui mal lancées peuvent causer des lésions graves), et les manifestants cherchaient à calmer les choses, mais les flics seulement violence, mais impossible d'éviter, meilleur moyen pour que des réformistes mal dégrossis s'indignent
au lieu de se révolter contre les lits supprimés, les cadences infernales des soignant-e-s, le manque de matériel, la loi du marché appliquée à la santé
au lieu de se révolter contre le nombre de gens la tête en sang, une gamine pleine de rouge sur la figure dans une nasse le flic a dit ah mais vous ne pouvez pas sortir maintenant. 
Des vitres brisées font se déplacer un ministre.
Des gens dans le coma à cause d'une grenade, comme ce gars depuis plus d'une semaine, non (mais il faut dire que la grenade aurait décidé toute seule de se lancer à l'assaut du crâne du garçon, alors bon, rien n'est sûr voyez.)
Mais à celle du 26 mai déjà, on avait remarqué quelque chose avec les ami-e-s : le cortège de tête, autonome, hors syndicats, là où il se passe des choses, là où les gens écrivent leur rage moins doucement, grossit chaque fois. Chaque fois ça fout des frissons.

Réactions

Je voulais aussi écrire les réactions étranges, dont deux exemples m'ont particulièrement agacée. Les réactions face aux casseur.euses, d'une part, avec comme emblème celles face à la Porsche brûlée à Nantes. Ah ça chiffonne, ça. Scandaleux. Les commentaires ont été indignés, voire très violents envers les émeutier.e.s et leurs soutiens. Comme si on attaquait le rêve de ces gens et l'illusion que ce système peut nous faire tous.te.s réussir. Surtout des mecs, dans les outrés, on passera sur le côté symbole phallique, toussa toussa. Une centaine de manifestant.e.s blessé.e.s. Un œil perdu, une jambe (combien de temps de rééducation ? d'emmerdements pour toute la vie ?), à cause de la police, mais il fallait se préoccuper de la Porsche, rendez-vous compte, il a travaillé toute sa vie pour l'obtenir, lui un pauvre cadre chez EDF. Pour la décence, on repassera.

Le reste, on connaît. Décrédibilisation violence gratuite irrespect. Je vais faire dans la réponse classique mais : où se situe la vraie violence, où se situe le véritable irrespect, pourquoi faut-il tellement se rendre crédibles aux yeux de gens qui défendent un système dont nous ne voulons qu'une chose : être les destructeur.ice.s ? On a vu des choses assez épiques, du genre : un article par jour sur la souffrance des gentils policiers qui avaient dû taper des manifestant.e.s, mais pas de gaieté de cœur hein, vous savez. Légère fatigue, je dois avouer. Enfin je sais pas, ça me semble tellement une évidence que tu soutiens TOUJOURS celleux qui socialement ne sont pas en position de force. Et les CRS seront toujours plus en position de force que n'importe quelle personne avec une caillasse à la main. Protégés par leur bouclier et leurs armes ultra-dangereuses, protégés par l'Etat, protégés par les médias.

Par ailleurs, pour la crédibilité, comme le faisait remarquer un camarade sur Twitter, il n'est pas certain que l'affrontement soit si improductif que ça. D'abord, je vais peut-être dire un truc con mais rappelons que c'est l'Etat qui choisit de décrédibiliser le mouvement (évidemment, il y a intérêt), donc l'arguement contre les casseurs me paraît être juste une manière un peu détournée et facile de ne pas s'en prendre à l'Etat. Ensuite, ça attaque l'Etat là où ça fait mal : dans les aspects économiques. Et en termes d'image : ça fragilise le pouvoir, et ça donne l'idée aux autres gouvernements d'un Etat incapable de maîtriser ses remises en cause. Enfin, la répression a un coût financier pour l'Etat, ainsi qu'encore une fois en termes d'image : les vidéos des violences policières, ça circule. Souvent plutôt celles d'amateurs que de journalistes prompts à dénoncer les émeutier.e.s.

Un universitaire a été arrêté lors de cette même journée. Un professeur, un sociologue. Là encore, scandale. Tout de même on n'arrête pas un intellectuel comme ça. Les "jeunes de banlieue", ça va : elleux ne sont pas très bien intégré.e.s,  iels sont ingrat.e.s, anti-républicain.e.s, dangereusement pas comme nous, pauvres, un peu sauvages bien sûr, il faut les maîtriser. Les émeutier.e.s, ça va : elleux n'ont pas de vie en-dehors, n'ont pas de réflexions, n'est-ce pas, iels surgissent le temps d'une manif, et puis retournent vivre leur vie de casseur.euses, on ne sait où, loin dans l'obscurité, dans les marges, hors de l'humanité. Groupes difficilement contrôlables par l'Etat, déshumanisés dans les discours, iels sont les autres, celleux qu'on ne veut pas que nos enfants deviennent, et iels l'ont cherché. Mais un intellectuel, politisé, lui, réfléchi, pertinent ! Quelqu'un de respectable, de raisonnable. Une Bonne Personne. Entendable. Comme si la politique n'était que du dialogue ; rendez-vous compte de la chance que vous avez de pouvoir croire cela, de ne jamais être dans la rage et l'urgence. Comme si on devenait émeutier.e en se levant le matin comme ça, par paresse intellectuelle, tiens et si je risquais ma vie, parce que pourquoi pas, ça fera de l'action.
Quelques situations similaires (avec des journalistes, des pacifistes) auront montré qu'être sage de protège pas de la police. Mais au lieu de faire aboutir de nombreux militants gauchistes, ou autres intellectuels-Merci-patron, à une remise en cause de l'institution policière elle-même, ou du dogme de la non-violence, cela ne leur sert qu'à distinguer les bons des méchants, les victimes de la répression et celleux qui la méritent. Un jour ils comprendront peut-être que mettre ainsi en avant son statut de "personne valable" est d'une violence inouïe pour tous.te.s les arrêté.e.s arbitrairement, tous.te.s les prisonnier.e.s politiques que compte cette merde de pays.

Radicalisation

Pour la première fois de ma vie, ce jour-là, j'écris dans une discussion sur Twitter : "ils frappent mes camarades", en parlant des flics et des émeutier.e.s. Pour la première fois de ma vie j'écris "mes camarades". Vivre ça, ce sentiment de solidarité sans faille, totale, face au traitement médiatique de ce qui se passe, face aux réactions outrées de celleux qui pensent encore que protéger la propriété est une priorité.
Avant je vivais les luttes d'une manière souvent un peu abstraite, parce que pas d'urgence pour moi qui n'ai jamais rien eu à affronter de difficile socialement, parce que j'allais souvent derrière dans les manifs, parce que résignation, je m'empêchais de ressentir vraiment cette rage puisqu'elle n'était pas exprimable "correctement", parce que tout semblait inutile au fond. Alors je n'avais jamais vraiment dit, "mes camarades". Je ne me sentais pas légitime à le faire car pas suffisamment impliquée à mon goût, et en parlant des émeutier.e.s, cela ne me venait même pas à l'esprit. Illes étaient "les autres", des "totos", ceux qui lisent le Comité Invisible et qui n'ont rien à proposer de constructif. Je me suis toujours énervée contre le pacifisme béat et les discours qui sous-entendaient que les casseur.euses étaient moins à plaindre que les flics, pour les raisons détaillées plus haut, mais à mes yeux, la casse c'était bien mais à réserver pour la révolution (qui n'arrive pas). 

Ce jour là j'ai compris, viscéralement, qu'exprimer sa rage en foutant tout en l'air c'était notre seule chance. Que, même si beaucoup ne l'avaient pas fait concrètement (personnellement je sais que je cours pas assez vite, je sais que j'ai trop peur, je sais que je suis pas formée), on était tous.tes des émeutier.e.s. Qu'il serait temps que j'arrête de faire de la violence d'Etat envers les catégories sociales les plus visées (i.e. les prolos et les racisé.e.s) une sorte d'abstraction. Que ma solidarité avec eux doit aller plus loin que la théorie. Je le savais, bien sûr, avant, toujours dans le discours, mais je l'avais pas *vécu*. Avoir de l'empathie. Dans les tripes. Soutenir. 6 ans que je crie et écris le plus sincèrement du monde "à bas l'Etat, les flics et les patrons", mais quelques jours seulement que je le vis. Ça change beaucoup de choses. Je pensais pas qu'être aussi remontée était possible.
J'ai compris viscéralement que la non-violence protège l'Etat. Qu'il n'y a PAS de bon flic. Non, vraiment, cherchez pas. Moi aussi j'avais longtemps pensé, quelque part dans un coin de ma tête, qu'il y en avait des raisonnables. Mes parents me l'ont toujours dit, n'est-ce pas. En vrai, les "raisonnables," c'est ceux qui te crachent à la gueule le lendemain de cette fameuse petite discussion hypothétique dont tout le monde parle, "mais tu devrais lui demander pourquoi tu fais CRS, tu verrais qu'il n'est qu'un exploité, qu'il faut qu'il rejoigne la révolution". La couverture par "la hiérarchie et les ordres" pour casser du manifestant.
J'ai compris que l'attitude petite bourgeoise de ma famille qui a toujours été "on sait mieux", "ils ne se révoltent pas de la bonne manière", "ils sont un peu cons, ce sont des rigolos" ne tenait pas. Qu'il n'y avait rien à décrédibiliser : l'Etat ne reconnaît pas la colère, même planplan ; le mouvement à leurs yeux n'est déjà pas crédible, alors autant soutenir celles et ceux qui ont le courage d'aller en détruire physiquement des petits bouts, en mettant leur vie en danger. Oui car quand on va sous les flashballs, on met sa vie en danger. Quand on risque la prison, on met sa vie en danger. Et ce courage, ça vaut aussi pour les émeutiers de 2005 (j'étais jeune), ou de Londres en 2011, enfin pas que les gens ultra-politisés des manifs.
En fait, j'ai compris pourquoi les émeutier.e.s faisaient ça. Ça avait déjà été un peu le cas pendant ce qui s'était passé à Londres en 2011, mais là évidemment, c'était plus proche, donc plus évident encore. J'ai compris que ça avait du sens. Que oui, à un moment, pour traduire la rage inouïe (qu'il est LOGIQUE et salutaire de ressentir) face à la peur, aux humiliations, à la précarité constante, au risque de mourir arbitrairement, il y a cette réponse. Forte. Cohérente.
Il y a un moment où dialoguer devient bien plus stérile que de hurler. Et où celleux qui ont le courage de hurler sont bien plus proches de nous tous-tes que n'importe quel connard de la CFDT. 

Serais-je en voie de radicalisation.

Précisions

Les syndicats sont importants (je vous vois, "wha l'autre elle vire toto"). Bien sûr qu'il faut s'organiser, concrètement, au jour le jour, contre les violences quotidiennes qui sont faites aux travailleur.euses. Justement : renforçons la solidarité entre syndicats et émeutier.e.s. Pas l'un sans l'autre. Et bien sûr qu'il faut s'organiser sur des bases matérielles, pas en mode "oué on est tous.tes pareil.les face à la répression et aux violences structurelles, allons courir à poil dans les rues en taguant du Debord sur les murs comme si on n'avait ni taff indispensable pour bouffer, ni confrontations au racisme et/ou au sexisme".
Ce qui m'amène à ma deuxième précision : mon propos en disant "nous sommes tous.te.s des casseur.euses" n'est surtout pas d'occulter les différences de classe, de genre, de race (au cas où certain.e.s lecteur.rices de ce billet ne seraient pas au jus de la pensée antiraciste matérialiste, par "race" il faut évidemment comprendre non pas quelque chose de biologique mais une construction sociale basée sur l'origine d'une personne, visible, entraînant des discriminations et des violences sur la personne, avec souvent un lien fort avec l'histoire coloniale) qui existent entre nous. Nous ne subirons jamais la violence d'Etat de la même manière. Mais il serait temps de reconnaître qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise révolte contre les dominants et contre ce qui nous détruit. Et que notre sentiment de rage nous unit. Que se désolidariser des émeutier.e.s, c'est suicidaire, amoral, anti-politique, abject, facile. Ça ne mènera à rien. Il ne s'agit pas de dire, quand on n'est pas dans cette situation, "je lutte comme les prolétaires/racisé.e.s parce que j'ai la même urgence qu'eux face aux violences d'Etat", mais "je veux lutter avec eux, je peux dire que ce sont mes camarades, et que toute violence contre le système capitaliste et colonialiste est à soutenir".

Tout va bien

Hier matin, François Hollande a reçu à l'Elysée les producteurs de muguet. Hier soir,  l'Intérieur publiait un communiqué en disant que tout s'était très bien passé. Ce matin, 47 lycéen-nes en garde à vue à Nanterre. Treize ce soir. Aujourd'hui, le gouvernement envisage de faire passer la loi travail contre tout principe démocratique (avec le 49.3).
Les violences policières de ces derniers jours ne sont pas des erreurs. D'une part parce que la police, en elle-même porteuse de cette violence, n'est pas une erreur : elle protège l'ordre capitaliste, blanc, masculin. D'autre part parce qu'il s'agissait clairement de semer la terreur et de tuer le mouvement. Ces violences sont politiques.

Écrire pour montrer, pour ne pas oublier, ne pas pardonner.
Mon slogan préféré vu sur une photo hier (complètement toto, faites pas gaffe, ils ont le mérite d'être poétiques) : "Nous naissons de partout sans limites".

Plus loin (sur le 1er mai essentiellement)

Témoignage de l'équipe médic du 1er mai
Récit de la manif
"La manifestation parisienne aura confirmé que l'Etat est le premier organisateur de la violence"
1er mai : le discours officiel sur les casseurs contesté par le terrain
Récit de comment c'était dans le métro ce soir-là 
De la cohérence dans l'affrontement : réflexions sur la manifestation parisienne du 28 avril